vendredi 18 mars 2022
Le changement climatique qui menace l’avenir de la planète à très court terme est le fait des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES*), produites essentiellement par l’utilisation des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), essentiellement pour les transports et le chauffage. En France (2019), sur la consommation d’énergie finale totale (1770 Twh), les énergies fossiles représentent 65%, l’électricité 25% et les ENergies Renouvelables thermiques 10% (ENRth).
L’objectif officiel (SNBC) de la transition énergétique en France est d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et pour cela :
de diminuer la consommation totale d’énergie de 40%, ce qui est un objectif déjà très ambitieux.
de sortir des énergies fossiles et de les remplacer par des énergies décarbonées, essentiellement de l’électricité, avec un complément d’ENR thermiques.
d’assurer l’indépendance énergétique de la France .
Quelles pistes d’action pour la transition énergétique ?
1° améliorer l’efficacité énergétique de tous les usages et processus de production, et notamment
investir massivement dans le renforcement de l’isolation des logements pour tous,
optimiser les modes de déplacement avec des politiques publiques ambitieuses développant les transports publics, les véhicules électriques ( avec réseau bornes recharge), le covoiturage, les modes doux, mais aussi le fret ferroviaire pour réduire le transport routier et le train plutôt que l’avion ...
2° rechercher les économies possibles et combattre les gaspillages
3° électrifier les usages, notamment
dans les transports, directement avec les véhicules électriques, indirectement via la production d’hydrogène « vert  », de gaz et carburants de synthèse,
dans le chauffage avec des pompes à chaleur de tous types
4° utiliser davantage les ENR thermiques : production de chaleur renouvelable (solaire, bois, géothermie, ….) …..
La mise en Å“uvre d’un tel programme nécessite d’accroitre considérablement notre production d’électricité en utilisant uniquement des sources décarbonées.
Les besoins en électricité pour la transition énergétique
La consommation électrique annuelle française est de 470 Twh (2019), décarbonée à plus de 90% avec 70% d’électronucléaire, 11 % d’hydraulique et 9% d’ENRi (intermittentes : éolien et photovoltaïque) , C’est donc la consommation non-électrique qu’il faut décarboner en France, essentiellement les transports, le chauffage et l’industrie.
De ce fait, les besoins en électricité d’ici 2050 (objectif neutralité carbone) vont croître considérablement malgré les mesures d’efficacité et d’économie d’énergie.
L’évaluation de l’Académie des Technologies à l’horizon 2050 se situe entre 730 et plus de 840 TWh, soit une augmentation de 55% jusqu’à plus de 85% (*1) Les prévisions des scénarios de RTE vont de 47% à 71% suivant le niveau de réindustrialion / relocalisations (*2).
L’Académie des Sciences prévoit quant à elle un quasi-doublement de ces besoins (*3).
Quelles sources d’énergie électrique décarbonée ?
En France, les principales sources d’énergie décarbonées sont le nucléaire et les ENRi, l’hydraulique est à 10% et ne peut guère augmenter, les capacités de géothermie sont limitées.
La seule qui soit pilotable et capable de fournir le socle majoritaire dont le système électrique a besoin est l’électronucléaire.
D’autres pays peuvent assurer ce socle pilotable grâce à l’hydraulique et à la géothermie (Norvège, Islande, Suisse, Autriche, Costa-Rica, …), ce n’est pas le cas de la France.
Comme le souligne l’Académie des Sciences (*3), les ENRi ne peuvent pas, seules, alimenter un réseau électrique de puissance de façon stable et pilotable si leur caractère aléatoire n’est pas compensé. Il faut pour cela disposer de capacités massives de stockage d’énergie et/ou d’unités de production d’énergie électrique de secours pilotables.
Or ce stockage massif d’énergie, autre que celui déjà réalisé au moyen des centrales hydroélectriques de pompage-turbinage, (STEP) demanderait des capacités que l’on ne voit pas exister dans les décennies qui viennent. La pilotabilité, en absence de ces dernières, ne peut être assurée que par des centrales nucléaires, si l’on exclut les centrales thermiques utilisant les énergies fossiles.
On ne peut invoquer l’étude de RTE (*4) pour affirmer que 100% d’ENR est possible, car RTE y met quatre ensembles de conditions strictes , « qui devront être simultanément remplies pour permettre, sur le plan technique et avec une sécurité d’approvisionnement assurée, l’intégration d’une proportion très élevée d’énergies renouvelables dans un système électrique de grande échelle comme celui de la France.  ». Or ces conditions ne seront pas techniquement réalisables avant longtemps (le stockage de masse par exemple) ou s’avèrereront trop coà »teuses, ou trop contraignantes au niveau social ou environnemental. En clair, un rejet de l’électronucléaire implique obligatoirement le recours au charbon ou au gaz , qui sont tous les deux des énergies carbonées (cf l’Allemagne, avec un taux de CO2 le plus élevé d’Europe), pour maintenant et pour l’avenir.
L’électronucléaire en France, un risque majeur, vraiment ?
Les usages civils de la radioactivité sont nombreux (médical, recherche, énergie).
La radioactivité est dangereuse à partir d’une certaine dose, il faut donc gérer son utilisation en associant qualité et rigueur :
= la sà »reté : elle est assurée en France par l’entreprise publique EDF sous le contrôle de l’ASN* autorité indépendante, appuyée par les moyens et l’expertise de l’IRSN*, son niveau élevé est attesté internationalement. La maitrise des risques est au plus haut niveau industriel, même si comme pour les autres industries ou les autres grands équipements il n’y a pas de risque zéro.
L’expérience de plus 50 ans le vérifie en France et au niveau mondial. Les deux seules catastrophes ayant eu lieu en 50 ans (sur 450 réacteurs dans le monde) ne se seraient pas produites avec une gestion rigoureuse de haut niveau :
Tchernobyl en URSS : pas d’enceinte de confinement, gestion politique et technique déliquescente
Fukushima au Japon : exploitant privé n’ayant pas investi dans les mesures de sécurité nécessaires face à un tsunami majeur prévisible, pas de contrôle indépendant
La gestion des déchets :
La dangerosité des déchets à vie longue n’est pas complètement réglée, mais ce risque est maitrisé (cf site de l’ANDRA*)
Les réacteurs de 4ème génération (RNR) en projet utilisent les « déchets  » des centrales actuelles comme combustible et produisent bp plus d’énergie avec très peu de déchets (aucun à vie longue) : il faut poursuivre le programme ASTRID arrêté en douce par E.Macron il y a deux ans, pour préparer leur mise en Å“uvre industrielle qui règlera la question des déchets de façon durable.
Et l’indépendance énergétique ?
Pour l’électronucléaire actuel (uranium), elle est garantie pour une centaine d’années environ au niveau mondial, l’uranium est facilement stockable car très concentré en énergie. La mise en Å“uvre des RNR permettra d’utiliser les 340.000 tonnes d’uranium appauvri produits par les REP actuels et stockés depuis 50 ans, ce qui donnera une autonomie énergétique totale de plusieurs millénaires .
Pour les ENRi, elle est liée au charbon et au gaz nécessaires à la compensation de leur intermittence en cas d’absence d’électronucléaire, donc pas garantie. De plus, plusieurs de leurs composants utilisent des métaux rares ou peu abondants, tous importés.
La situation actuelle devrait finir de convaincre les plus hésitants...
Quel « mix  » électrique pour parvenir à la neutralité carbone en 2050 ?
La réalité physique et l’expérience montrent que le socle pilotable du réseau électrique doit être largement majoritaire dans la production et que pour maintenir la stabilité du réseau les ENRi ne doivent pas dépasser 30% du total produit, ou 40% au grand maximum pour un réseau interconnecté comme c’est le cas en Europe. Les ENRi fournissent actuellement à peine 10% de la production française.
Il faut donc développer les ENR et notamment les ENRi, nous en avons aussi besoin, en restant dans une proportion de production compatible avec une bonne gestion du réseau électrique (cf plus haut), l’idéal serait de viser 30%, ce qui représente tout de même un triplement de la capacité actuelles des ENRi et n’est pas forcément simple au vu des problèmes environnementaux que cela pose.
Il faut aussi décider d’un plan de renouvellement/développement de l’électronucléaire , et ce sans attendre car l’électronucléaire se construit dans le temps long
prolonger jusqu’à 60 ans la durée des centrales actuelles grâce au "grand carénage" en cours (sous réserve de l’accord de l’ASN pour chaque réacteur), ce qui permet de maintenir la capacité actuelle du parc nucléaire jusqu’en 2035/2040
investir dans une programmation ambitieuse de nouveaux réacteurs pour renouveler et développer dans la durée le parc électronucléaire, en lançant immédiatement la construction de 6 à 8 EPR2 (réacteurs de 3ème génération plus sà »rs et plus efficaces que les REP actuels), version améliorée suite aux problèmes rencontré par les premiers EPR (Flamanville mais aussi celui de la Finlande qui vient d’être connecté au réseau, et les deux en Chine qui fonctionnent).
développer la recherche et préparer la mise au point industrielle des futurs RNR (réacteurs à neutrons rapides 4ème génération) pour l’horizon 2050, avec rétablissement du programme ASTRID piloté par le CEA, visant la réalisation d’un premier RNR français de moyenne puissance.
Faire le choix raisonné d’un mix nucléaire - ENRi avec Fabien Roussel
Je retrouve l’essentiel de mon appréciation sur la politique énergétique dans le programme de Fabien Roussel, qui insiste aussi avec raison sur le rôle décisif de l’électronucléaire pour garantir à tous un prix abordable de l’électricité dans de bonnes conditions d’accès (cf la situation nactuelle...).
Faire le choix d’un mix 100% public et 100% décarboné
L’énergie est un bien commun, d’importance stratégique pour le pays et la population, pour la transition énergétique et la lutte pour le climat, pour la re-industrialisation et la relocalisation. Elle ne doit pas être orientée par le marché et la spéculation, comme on le voit actuellement pour l’éolien, le solaire PV et les énergies fossiles, où des groupes financiers imposent leur loi et se gavent de subventions publiques. La nation et l’intérêt général doivent reprendre la main.
Créer un grand service public de l’énergie
C’est pourquoi je soutiens aussi son projet de création d’un grand service public de l’énergie autour d’EDF et Engie re-nationalisées, au sein d’un pôle public de l’énergie regroupant l’ensemble des grandes entreprises publiques et privées dont Total Energies, ainsi que des centres de recherche dont le CEA. Je constate que Fabien Roussel est le seul candidat à proposer ces choix.
Jean-Claude GARRIC
universitaire retraité de l’IUT Paul Sabatier Génie Electrique (UT3)
Sigles :
ANDRA : Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs, chargée de la gestion à long terme des déchets radioactifs produits en France.
ASN : Autorité pour la Sà »reté Nucléaire, organisme public indépendant
ENRi : Energies Renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque)
EPR : European Pressurized Reactor, réacteur de 3ème génération
IRSN . Institut de radioprotection et de sà »reté nucléaire
GES : Gaz à Effet de Serre : CO2, méthane, ….
REP : Réacteurs à Eau Pressurisée 2ème génération, actuellement en fonction en France
RNR : Réacteurs à Neutrons Rapides, réacteurs de 4ème génération (cf démonstrateur ASTRID)
TWh : Térawatt.heure = mille Gigawatt.heure (GWh) = un million de Mégawatt.heure (MWh) = un milliard de KWh (énergie délivrée ou absorbée par une puissance d’un Kilowatt pendant une heure)
Références :
(1) Avis de l’Académie des technologies du 10 mars 2021 https://www.academie-technologies.f...
(2) RTE « Futurs technologiques  » octobre 2021 https://www.rte-france.com/analyses...
(3) Avis de l’Académie des Sciences du 08/07/2021 https://www.academie-sciences.fr/fr...
(4) Avis RTE – AIE janvier 2022 https://www.rte-france.com/actualit...