jeudi 3 mars 2022, par Stuart Walker
Emmanuel Macron a jeté une pierre dans la mare en déclarant son objectif de construire une demi- douzaine de centrales EPR. Les critiques sont nombreuses. Aucune des centrales de ce type (en France, en Angleterre, en Finlande et en Chine) ne fonctionne correctement aujourd’hui, après d’innombrables problèmes techniques et augmentation des coûts. Ces dernières ayant provoqué un avertissement de la part de la Cour des Comptes. Il est cependant probable que ce recours soit incontournable. Si personne ne souhaiterait un centre d’enfouissement dans son arrière -cour, les centrales sont plutôt considérées comme une source d’emploi et d’activité économique. Bruxelles a donné un avis favorable au nucléaire et au gaz naturel dans le cadre d’une transition énergétique.
Avis recueilli par le candidat EELV, qui voit la sortie du nucléaire sous vingt ans ou plus. Un récent sondage a donné 52% des Français favorables à un mix entre les renouvelables et le nucléaire. L’Allemagne, qui avait renoncé à l’atome, a dû se rabattre sur le charbon. Jean-Marc Jancovovici, auteur du très lisible BD, Un Monde sans Fin, considère le nucléaire comme « un amortisseur de contraction »
L’argument que le nucléaire ne peut nous garantir la souveraineté énergétique puisque on ne dispose pas de source d’uranium est peu convaincant. Il en est de même non seulement pour les énergies fossiles, mais aussi pour les métaux rares, indispensables pour les véhicules électriques et le numérique.
Tout en ayant l’énergie la plus décarbonée de l’Europe, la France reste très loin de respecter les engagements de la COP 2I. Il est vrai qu’elle fait partie d’un noyau de pays capables de construire et de faire fonctionner des centrales nucléaires. Mais on a été témoin d’un début de concertation mondiale qui a permis un exploit collectif dans l’élaboration en un temps record de vaccins contre la pandémie. Vaccins qui, avec les technologies de production et de distribution, ont vu une esquisse de partage avec les pays moins favorisés.
Un grand nombre de ces derniers sont proie à l’instabilité politique, des gouvernements autocratiques et corrompus et des guerres fratricides. Conditions qui rendent un transfert de technologie nucléaire risqué. Mais, si la solidarité de l’Europe actuelle perdure, elle pourrait faciliter le transfert d’autres technologies, telles que l’exploitation de l’énergie solaire. Une meilleure électrification du continent africain était un projet cher à Jean-Louis Borloo.
IL y a, parmi les experts de l’énergie, une tendance à conclure que même la plus grande diversité des sources d’énergie ne suffira pas, à elle seule, à renverser la dégradation climatique. Les excès de la société de consommation sont de plus en plus mis en cause.
En 1972 le Club de Rome avait donné lieu à l’expression « renouvelable ». Son rapport préconisait la croissance zéro, en limitant l’expansion économique et démographique et en orientant des taxes sur l’industrie vers l’agriculture et les services. Orientations qui restent, en grande partie, pertinentes aujourd’hui.
Le philosophe Bruno Latour est à la fois réaliste et optimiste. Il s’attend à l’émergence d’une classe écologique, qui donnera, à l’instar de la classe ouvrière, qui a fondé l’État Providence, et les classes moyennes, à qui on doit le libéralisme actuel, le poids politique qui fait encore défaut au nouveau consensus vert. Il voit un signe positif dans le nombre de gens qui « changent de métier pour changer le monde » en abandonnant souvent des « bullshit jobs » (emplois de m—de) qui n’ont d’autre objectif que d’augmenter les dividendes de leurs actionnaires et clients. Quant à la situation énergétique en Europe, le continent est confronté à sa plus grande crise depuis 1939. Puisque son arme principale contre l’agresseur consiste en des sanctions massives, il semble inéluctable que les prix de l’énergie continueront à grimper.
Il est fort probable que le « nouveau Macron », plus attentif à la terre et aux territoires, annoncera prochainement des mesures pour amortir leur effet. Le Plan de Résilience annoncé par le Premier Ministre sera sans doute confirmé. La fin du « quoiqu’il en coûte » avec un redressement de l’économie, et le désendettement risquent d’être reportés. Le chef de l’État aura sûrement à cœur d’éviter que les efforts demandés ne soient pas limités aux plus modestes.
Ce qui exigera aussi de la modération de la part des syndicats les plus revendicatifs et les nostalgiques des Gilets Jaunes. Il y aura des sacrifices à faire. On payera plus cher pour se chauffer et se déplacer, mais c’est peu de chose par rapport à ce que subit, et subiront la population de l’Ukraine.
On pourrait dire que les deux défis, le climat et l’invasion, ont, en quelque sorte, une cause commune : la poursuite du pouvoir, sur la nature, et sur autrui. Il existe une tentation de dire qu’il est trop tard, que le mal est fait. Je préfère continuer à croire en la force des valeurs humaniste