Invitée : Mireille Bruyère
Économiste
Centre de Recherche sur le Travail, l’Organisation, le Pouvoir (CERTOP,Toulouse)
Membre du conseil scientifique d’Attac
Voir : https://www.editionsbdl.com/produit/linsoutenable-productivite-du-travail/
Lundi 13 février 20h45
Centre culturel des Mourlingues. Balma.
Malgré une évolution relativement favorable de la natalité, l’augmentation de l’espérance de vie a abaissé significativement le rapport actifs/retraités. La part du PIB consacré aux versements des pensions a donc logiquement augmenté et s’est stabilisé autour de 14% du PIB. Le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) signale que sur le long terme le système par répartition dans son état actuel est robuste, mais que dans tous les scénarios nous aurons pendant quelques années un léger déséquilibre des comptes. Si on ne veut pas recourir à un coup de pouce budgétaire de l’État, cela implique de faire quelques ajustements.
Par ailleurs nombre d’économistes libéraux, arguant du manque de compétitivité des entreprises poussent depuis longtemps le gouvernement à ramener la part des retraites à 12% du PIB, comme c’est le cas dans la plupart des pays européens. Cela revient objectivement à baisser pour les futurs retraités le montant cumulé des pensions qu’ils peuvent espérer.
Le choix d’augmenter de 2 ans l’âge légal de départ à la retraite et d’accélérer le passage à 43 ans de la durée de cotisation, conduit à faire baisser drastiquement la durée pendant laquelle le travailleur touchera sa pension, car, comme le démontre clairement les travaux de l’INSEE, l’espérance de vie stagne depuis plusieurs années. De plus cela contribuera à abaisser le montant des pensions de ceux qui ont une carrière incomplète. Présentée dans un premier temps comme une évidence comptable, cette réforme a immédiatement soulevé la réprobation catégorique des syndicats et de la grande majorité des travailleurs, mais aussi d’étudiants soucieux de leur avenir et de retraités par solidarité vis-à-vis des actifs.
Sourd aux critiques, persuadé de sa légitimité démocratique, et convaincu du soutien de la droite parlementaire, le gouvernement, poussé par le Président, propose de faire passer cette loi avec une procédure accélérée et sous la forme d’un Projet de Loi de Financement Rectificative de la Sécurité Sociale (PLFRSS). La conformité constitutionnelle de cette démarche surprenante n’est pas garantie, mais surtout elle traduit le refus de traiter ce choix de société par un large débat démocratique.
En fait, pas besoin d’être un expert en économie pour comprendre que bien d’autres solutions sont possibles pour passer le cap difficile des deux prochaines décennies. Pas besoin non plus d’être sociologue pour comprendre que cette réforme, malgré certaines compensations, va impacter lourdement les classes populaires, qui majoritairement commencent à travailler plus tôt, et qu’elle est donc structurellement injuste. Par contre, un peu d’attention permet aussi de comprendre qu’elle va peser plus lourdement sur les femmes que sur les hommes.
D’un point de vue financier, cela ne permettra que faiblement d’augmenter le taux réel d’activité car les entreprises ne font pas beaucoup d’efforts pour conserver les "seniors" et les bénéfices d’un côté seront amputés par des besoins de financements supplémentaires pour l’indemnisation de nouveaux chômeurs. Dernier point, l’impact négatif de cette réforme sur la santé de ceux qui n’ont pas de bonnes conditions de travail, ne peut que participer à la dégradation d’un système de santé en grande difficulté.
Cette réforme paramétrique ne répond pas aux enjeux de fond liés aux faiblesses de notre système productif, aux conditions de travail, à l’accompagnement des travailleurs sur une perspective de long terme, notamment à travers la formation, à l’augmentation de l’efficacité du travail qui ne peut se résumer à une pression psychologique toujours plus forte sur les travailleurs.
Impossible d’améliorer sérieusement une réforme aussi mal engagée. Une période d’incertitude commence et le gouvernement porte la responsabilité des conséquences du combat social qui vient de débuter. On peut espérer que le pouvoir aura la sagesse de ne pas abuser de la faible légitimité que lui ont donné les dernières élections.
Cela interroge sérieusement sur le fonctionnement de notre démocratie qui invoque toujours la Constitution pour justifier ses errements, mais qui s’éloigne de plus en plus du "gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple". Dans cette période incertaine, nous vous invitons à un débat sur notre rapport au travail, sur les inégalités, sur l’efficacité de notre économie et sur la manière de s’opposer aux choix de nos représentants, quand ces choix ne sont pas conformes à la volonté populaire.
L’équipe du Café politique
Complément : https://www.atterres.org/reforme-de...
Toute contribution au débat sera bienvenue. L’adresser à lecafepolitique@free.fr et elle sera placée sur le site du café politique : http://lecafepolitique.free.fr/<
Le Centre Culturel / Centre de loisirs des Mourlingues à Balma : http://www.openstreetmap.org/?mlat=...
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