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  Accepterons-nous que la génétique vienne au secours de notre sécurité alimentaire ?

lundi 1er novembre 2021, par Maurice Plazanet

L’agriculture a pour objectif de nourrir la planète tout en préservant l’environnement. Les agriculteurs ont ainsi la mission complexe d’assurer notre sécurité alimentaire sans détériorer les sols, sans émettre des gaz nocifs, sans utiliser d’intrants chimiques et éventuellement en corrigeant les dérapages d’activités qui ne les concernent pas directement.

Une sécurité alimentaire menacée

Compte tenu de l’évolution de la démographie mondiale, la FAO prévoit une augmentation de la demande en blé, riz et maïs de plus de 30% d’ici 2050. Or les événements perturbateurs et plus ou moins aléatoires sont nombreux et vont plutôt dans le sens d’une réduction des rendements agricoles :

-  Le réchauffement climatique entraîne des sécheresses dans certaines zones de production de blé, notamment en Amérique du Sud ; l’élévation des températures en hiver accélère les croissances végétales et rend les plantes vulnérables au moment où le gel n’a pas disparu ; les pénuries d’eau font que l’irrigation pour la culture du maïs est mise en cause ; les inondations vont augmenter en durée et en intensité, alors que le riz est souvent cultivé dans des zones inondables…

-  Les limites à l’utilisation de produits chimiques font que les ravageurs des cultures, ou bioagresseurs, attaquent de plus en plus les plantes cultivées ou les récoltes stockées. Ils sont souterrains, en surface, aériens, broyeurs, piqueurs- suceurs… et entraînent des dégâts directs et indirects.

-  Enfin n’oublions pas que la sécurité alimentaire est aussi menacée par les conflits humains et notamment les guerres civiles et le terrorisme.

La génétique peut apporter des réponses

Dans le secteur agricole la génétique propose d’améliorer les rendements par une sélection d’espèces ou de variétés adaptées aux problèmes spécifiques rencontrés dans un environnement donné. Les solutions proposées sont de plus en plus sûres pour la santé et l’environnement, mais elles se heurtent à la crainte des OGM, encore très présente. Les modifications du génome d’une même plante sont courantes dans la nature, mais elles sont lentes et relèvent du hasard. La sélection de variétés dotées de qualités précises, tolérance à la sécheresse, résistance à certains ravageurs…est largement freinée par la crainte des OGM, certes justifiée dans beaucoup de circonstances mais largement encadrée.

La culture des OGM à des fins commerciales est interdite en France. Au sein de l’Union Européenne, un OGM ne peut être mis sur le marché ou disséminé dans l’environnement sans autorisation préalable. Cette autorisation ne peut être délivrée qu’après une évaluation au cas par cas des risques pour la santé et l’environnement. Les OGM autorisés à la mise sur le marché sont soumis à une surveillance, une traçabilité et un étiquetage. Actuellement la commercialisation d’environ 80 OGM est autorisée pour l’alimentation humaine ou animale ; il s’agit essentiellement de maïs, soja, colza, pomme de terre, betterave…

Les techniques de modification ciblée du génome sont les plus innovantes et sont en évolution rapide. Elles nécessiteront probablement une évolution réglementaire. Pour l’agriculture, les avantages de ce type d’OGM sont d’abord une réponse rapide des espèces aux contraintes nouvelles, notamment climatiques, et une augmentation des rendements associée à des avantages sanitaires :

- moins de produits chimiques, herbicides, insecticides…une diminution nette de l’utilisation de pesticides est constatée dans les zones de culture du coton avec le coton Bt.

- moins de mycotoxines qui se développent sur certaines céréales, notamment le maïs, autant dans les cultures en champ que dans les entrepôts, et entraînent des risques sanitaires, notamment des lésions au foie et aux reins.

- davantage de « bon gras » dans les plantes.

- des aliments plus nutritifs, notamment enrichis en vitamine A et en fer.

- possibilité de développer des vaccins bon marché et comestibles…

Notons enfin que la génétique apporte une aide précieuse pour faire revivre les graines anciennes et qu’elle devient indispensable pour le développement d’une agriculture bio bien comprise. Le prix Nobel de chimie 2020 a été attribué à la française Emmanuelle Charpentier et l’américaine Jennifer Doudna pour la découverte d’un des outils les plus pointus de la technologie génétique : les ciseaux génétiques CRISPR/Cas 9. Cette technique d’édition du génome permet aux scientifiques d’éliminer et d’ajouter des fractions de matériel génétique avec une extrême précision. La recherche française, si elle sait accompagner ses chercheurs, est en mesure de permettre le développement d’une industrie génétique dans les domaines des innovations agronomiques et des innovations médicales, tout en gardant le souci constant du respect de l’environnement.

Cependant la France s’est longtemps acharnée à détruire son industrie nucléaire alors qu’elle constitue son premier atout pour réussir la transition écologique. Il ne serait pas très étonnant qu’elle fasse de même avec les OGM, qui sont pourtant, entre autres, un atout essentiel de sa sécurité alimentaire.