dimanche 20 septembre 2009, par François-Xavier Barandiaran
Une fois de plus le Président Sarkozy a prouvé qu’il mérite sans conteste la palme d’or du meilleur communicateur. Qu’on en juge : à quelques jours du G20 il cherche à apparaître comme l’aiguillon moralisateur du capitalisme débridé et le défenseur du vrai progrès social, après les conclusions de la commission Stiglitz-Amartya Sen sur le remplacement du PIB comme mesure de la richesse d’un pays. Et, pour couronner le tout, fier d’avoir fait présider la commission carbone par un ancien ministre socialiste, voilà qu’il reçoit la bénédiction du pape de l’écologie, N.Hulot, (« l’homme qui parle à l’oreille de Sarko », d’après le Nouver Obs), qui est, en France, l’initiateur de la taxe carbone depuis le Grenelle de l’environnement, à l’automne 2007.
En instaurant cette nouvelle taxe, il se définit comme un précurseur courageux qui impulse les changements écologiques urgents contre l’avis de deux tiers de l’opinion (75% chez les ouvriers !) et malgré la grogne d’une partie de ses ministres et de sa majorité. Il n’hésite pas à comparer la création de cette contribution climat-énergie à un événement de portée historique, comparable à la fin de la colonisation ou à la suppression de la peine de mort, en ajoutant : « nous devons aujourd’hui décider si nous voulons créer un monde différent de celui d’avant la crise, un monde plus soutenable, plus respectueux de l’environnement, un monde plus juste ».
Il s’agit d’appliquer une taxe aux produits carbonés, qui, comme tout le monde le sait, contribuent grandement au réchauffement climatique. L’idée n’est pas nouvelle, puisque d’autres pays l’ont déjà mise en place selon des modalités différentes. C’est le cas de la Suède, le Danemark, la Finlande, la Norvège et d’autres encore.
Dans l’esprit de tous ceux qui acceptent le principe d’une telle taxe l’objectif est d’augmenter le prix des énergies polluantes pour faire diminuer leur utilisation : rappelons-nous qu’à l’été 2008, quand le prix du baril approchait les 150 euros, automatiquement la consommation d’essence avait commencé à diminuer. Et, lors du Grenelle de l’environnement, un presque consensus s’était établi là-dessus.
Effectivement il est plus que temps de se situer dans la perspective des accords de Kyoto et de la prochaine rencontre mondiale à Copenhague pour définir la suite de Kyoto, soit, pour le moins, de mettre en application les engagements pris de diminuer de moitié, au niveau mondial, avant 2050, la production de CO2, ce qui représente pour les pays industrialisés l’effort de la diviser par quatre. Cela relève du souci écologique : intégrer le coût de la dégradation de l’environnement. Mais, de plus en plus, on prend conscience que le volet écologique est inséparable du volet social : comme il est patent que le prix de l’énergie fossile –sur laquelle est fondée notre société de croissance- va augmenter dans un avenir proche et de façon exponentielle, il faudra anticiper et trouver des mécanismes de régulation. Sinon, cette augmentation « sauvage » se traduira par des tensions insoutenables pour la cohésion de nos sociétés et, pour le coup, les classes sociales inférieures seront les grandes perdantes. Beaucoup semblent ignorer cet aspect du problème !
A juste titre on peut parler, par conséquent, de l’effet pédagogique souhaitable pour nous amener à changer nos comportements. Mais, pour que cette « pédagogie » fonctionne, il faudrait programmer un calendrier progressif en fonction de deux impératifs : l’augmentation prévisible à venir des énergies fossiles pour que les industriels et les particuliers en tiennent compte dans leurs prévisions d’investissement (par exemple, la construction de maisons à basse consommation, même si le prix doit en être supérieur). L’autre impératif, c’est le choix citoyen ou politique de réduire l’émission de carbone programmé dans le temps : par exemple, 3% par an jusqu’en 2050.
Ce binôme écologie-social devra être intégré à l’avenir par toutes les forces politiques de gauche, quels que soient leur histoire et leur programme ! De toute évidence cela ne va pas de soi.
Mais, de la théorie aux faits il y a un long chemin escarpé. La taxe carbone mise en place par N.Sarkozy est vraiment mal fichue : lancée trop rapidement sans véritable débat national, assortie lors de sa naissance de cafouillages invraisemblables, laissant de côté l’énergie électrique, inefficace de l’avis de tous les experts parce qu’elle démarre trop bas, n’annonçant pas un calendrier de progressivité, excluant la surtaxe de la consommation des plus riches et des industries les plus polluantes, ne prévoyant pas le financement d’investissements publics en matière de transport collectif et n’offrant pas d’alternative à tous ceux qui ne peuvent pas se passer de leur voiture….Et même injuste dans son principe de compensation forfaitaire, sous forme de « chèque vert » ou de diminution d’impôt, elle va créer des « gagnants » et des « perdants ».
Bref, pour une majorité de français c’est une nouvelle taxe qui pénalisera surtout les plus pauvres. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ? Elle aurait été mieux comprise si le gouvernement pratiquait une politique fiscale plus juste et plus redistributive à la place du bouclier fiscal et des « niches « innombrables.
Je vous le dis : un véritable gâchis !
Dès lors, il n’est pas étonnant que de l’extrême gauche jusqu’au centre de l’échiquier politique elle ait été reçue par un véritable feu de barrage : « La taxe carbone, une fumisterie » (C.Duflot, secrétaire des Verts), « un véritable gâchis et un rendez-vous raté » (Y. Jadot, eurodéputé vert), « c’est une dangereuse injustice de traiter différemment les ménages qui se chauffent au gaz ou au fioul et ceux qui se chauffent à l’électricité » (F .Bayrou), « un impôt sur la ruralité et la banlieue »(Batho, porte-parole de S.Royal), « un hold-up sur les ménages » (L’Humanité)….
Après ce départ raté, il reste, néanmoins, l’urgence de stopper le réchauffement climatique, de réviser nos habitudes consuméristes du « jetable », de renoncer à l’utopie de la croissance sans limites ni régulation.
La contribution climat-énergie devrait en être l’un des moyens. Comme le dit le communiqué d’Attac du 11 septembre dernier : « la France, l’Europe et le monde ont besoin d’une fiscalité écologique, insérée dans des programmes d’investissement publics susceptibles à la fois de préparer l’avenir et de réduire les inégalités. Justice sociale et écologique vont de pair. La taxe carbone qui est prévue n’atteindra aucun de ces objectifs ».