Le Café Politique

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  Le jour d’après : quel scénario politique après le référendum ?

dimanche 5 juin 2005, par François-Xavier Barandiaran

Le 29 mai est passé et, sur le plan intérieur, les résultats du référendum ont laissé derrière eux, tel un ouragan tropical, un champ de ruines. Sous le choc de l’événement cette expression et beaucoup d’autres du même type ont été employées par des hommes politiques et des journalistes. Il est vrai qu’un tel rejet du projet de constitution européenne laisse un président désavoué à l’intérieur et à l’extérieur de la France, marque un pas de plus dans l’hiatus entre une majorité de citoyens et tous les partis politiques de gouvernement, pris complètement à rebours, et met à nu un parti socialiste profondément divisé. Ce fut une implosion socio-politique !

L’objectif de notre prochain café politique sera, avec seulement le recul d’une semaine, de commencer à esquisser les scénarios possibles et/ou probables autant pour l’Europe que pour la France, ainsi que de confirmer la place prise par beaucoup de citoyens pendant la campagne référendaire. Le café politique de Balma ne désertera pas cette palestre.

Je m’attarderai moins sur le scénario européen, bien que ce fut l’objet du vote. Pendant de longs mois, jusqu’à l’automne 2006, au gré des résultats dans d’autres pays, et notamment dans ceux-là où les citoyens seront invités à débattre, nous aurons le loisir d’y revenir. Mais, déjà comment ne pas se réjouir de voir que conformément aux pronostics des défenseurs d’une « autre Europe », un commencement de climat nouveau pointe dans beaucoup de pays ? Oui, un « plan B » sera nécessaire, surtout après le rejet encore plus massif des hollandais, contrairement aux catastrophes que l’on nous annonçait.

On sait bien que pour certains de ceux qui ont voté non l’affaire s’arrête là. Mais, pour tous les vrais européens qui ont refusé de se résigner au projet d’une Europe marchande, le combat ne fait que commencer. Et tant pis si la construction européenne doit prendre quelque retard !

Venons-en au scénario de la politique française. Un nouveau gouvernement à été nommé. Exit Raffarin ! Mais, est-ce cela qui pourrait satisfaire l’attente de la majorité des français : ouvriers, employés, petites classes moyennes, jeunes en proie au chômage et au désarroi devant l’avenir ? Chirac a-t-il pris la mesure de la désespérance de cette France majoritaire ? Je crains que ce nouveau déni de la réalité du pays n’annonce une crise de confiance majeure à l’égard de la classe politique. Fallait-il qu’il démissionne ou qu’il dissolve l’Assemblée, comme certaines voix d’extrême gauche et d’autres partisans du non l’ont demandé ? En tous cas, il est certain que le « coup » de mettre ensemble dans le même gouvernement Villepin le fidèle et le possible/probable futur adversaire Sarkozy ressemble plutôt à de la tactique, en prévision de la présidentielle de 2007. « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette », avec moult déclarations du nouveau Premier ministre sur « toutes les voies à explorer » pour lutter contre le chômage. En quoi ce bizarre attelage pourrait être source de création d’emplois ? De Villepin se donne 100 jours pour redonner confiance aux français. Nous saurons avant la fin de l’été quel lapin peut sortir de son chapeau !

Personne n’oublie que le prochain rendez-vous politique ce sera l’élection présidentielle de 2007. Mais, ce qui pourrait arriver de pire dans les mois à venir -et cela est tout aussi vrai pour l’ensemble de la gauche- ce serait que la classe politique oublie les déclarations du soir du 29 Mai : « on a entendu le cri qui monte de la « France-d’en-bas », pour se perdre dans des calculs électoraux pendant les deux prochaines années.

Pour le reste de la droite et de la droite extrême, rien de nouveau :

- Bayrou continue plus que jamais, tout en affirmant sa foi européenne fédéraliste, le chemin qui l’amène vers la candidature centriste

- De Villiers s’affirme de plus en plus comme le représentant du souverainisme de droite, et le Pen, vieillissant et en butte à des querelles de succession, ne renonce quand même pas à être le leader de l’extrême droite. La frustration ambiante et le mauvais projet de constitution européenne ont amené de l’eau à leur moulin.

Et du côté de la gauche et de l’ultra-gauche ? Deux partis, le PS et les Verts, ont été

désavoués par leurs électeurs et devront en tirer toutes les conséquences en redéfinissant leur ligne politique. Ce sera plus difficile pour le Parti Socialiste profondément troublé par la division de ses militants entre « nonistes » et « ouistes ». Le premier acte s’est déjà joué samedi 4 juin au Conseil National où la dissidence de Fabius a été punie, en se voyant exclu de la direction du parti, ainsi que ses partisans. Mais, bien au-delà de ces règlements de comptes, le plus important va se jouer d’ici à l’automne, où aura lieu le congrès extraordinaire pour définir la ligne du parti et élire la nouvelle direction. Saura-t-il se mette à l’unisson avec

la majorité de ses électeurs qui a voté non ? Et surtout, y a-t-il possibilité de créer un véritable programme de gouvernement, commun à toutes les forces populaires qui ont voté oui ou qui ont voté non ? La réponse est pour le moment plus que problématique. Pourtant elle est capitale.

Depuis des mois, au fur et à mesure que la campagne référendaire avançait, il s’est constitué un puissant mouvement populaire pour rejeter non seulement le projet constitutionnel européen, mais aussi l’ultralibéralisme économique. Cette dynamique, propulsée -avec le concours précieux de l’infrastructure du parti communiste- par « l’appel des 200 », les collectifs populaires, ATTAC, la LCR, l’association Copernic, les dissidents du PS et des Verts, etc. va se poursuivre, bien qu’elle soit le résultat d’un rassemblement hétéroclite. Elle a le soutien de la majorité des électeurs de gauche.

Pourtant, dans deux ans, lors de l’élection présidentielle, aucune victoire sur la droite n’est envisageable sans le PS et les autres partis de la gauche.

Voilà quelques éléments du scénario qui se met en place. Les contradictions actuelles ne seront surmontables que par le combat politique. C’est le seul moyen de recréer l’unité de la gauche. Nous y avons tous notre place, militants et simples citoyens, pour que les espoirs des gens de gauche ne soient pas, encore une fois, déçus.