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  Zoom sur la droite

vendredi 1er décembre 2006, par François Saint Pierre

La classification est un art difficile, les frontières sont souvent floues et les critères d’appartenances multiples et parfois contradictoires. Dans les années 60/70 pour être de droite il suffisait d’être anti-communiste ou apolitique. Après la chute du mur et la décrépitude du communisme en URSS, c’est l’acceptation du libéralisme qui est devenu le principal critère. Depuis les années 2000 inspiré par la politique américaine la droite dominante a un look néo-conservateur, mélange d’ultralibéralisme économique et de la bonne vieille tradition réactionnaire qui s’appuie sur l’autorité, l’ordre et la sécurité. En France le poids de notre histoire est important et les historiens comme René Rémond voit dans les diverses tendances de la droite les traces des légitimistes, des orléanistes et des bonapartistes. Plus sophistiqué, Emmanuel Todd a montré à travers l’étude des structures familiales les liens qui existent entre des choix comme le partage de l’héritage entre les enfants et l’acceptation d’idéologies comme le communisme ou l’ultralibéralisme. Mais il est clair que l’histoire récente, pèse très fortement dans la structure de nos partis l’exemple le plus flagrant en est l’impact du Gaullisme. La sociologie est aussi un outil important d’analyse, la répartition de l’électorat n’est pas aléatoire, le "petit patron" ou "l’artisan" ont statistiquement beaucoup plus de chance de voter UMP que pour un candidat antilibéral. C’est donc en croisant les regards qu’il faut analyser les différents courants de la droite mais en restant conscient que l’objectivité est une condition impossible à réaliser car personne n’est en dehors du système. Pour compliquer la tache, le vocabulaire politique est porteur de sous entendus, souvent très négatifs, conséquences des nombreux combats rhétoriques que se livrent les partis politiques. Dernier point pour compliquer l’analyse politique, l’adéquation entre ce que pense les électeurs et le discours officiel des partis est souvent très mauvaise. Cela peut-être provoqué par des raisons de stratégies plus ou moins bien maîtrisé ou tout simplement par ignorance de l’électeur sur les positions réelles du parti pour lequel il vote.

Front National
 Nation - Autorité - Hiérarchie. Le FN a fait ses choux gras en défendant l’identité des catégories sociales qui ont vu l’affaiblissement de leur statut économique et symbolique avec la modernité. L’électeur du FN n’aime pas la dialectique il préfère les valeurs de l’expérience et du travail. Le changement qui va pour lui dans le mauvais sens ne peut lui plaire. Il se bat pour rigidifier le système prônant la hiérarchie et l’autorité pour essayer de bloquer les évolutions négatives mais parallèlement il rêve a un retour en arrière en demandant moins de contraintes et de contrôles de la part de la bureaucratie d’état et moins d’impôts. Cette demande n’est pas vraiment libérale car elle est associé à un rôle fort de l’État vis à vis des grandes entreprises. L’identité est fortement associée à la nation, ce qui provoque une forte réaction négative envers l’Europe et quelques dérapages xénophobes et racistes. L’électeur du FN est quelqu’un qui avait une place modeste, mais honorable dans la société, et qui ne voit pas d’avenir acceptable pour lui et ses enfants dans le monde proposer par les élites dominantes.

MPF (Philippe De Villers)
 Proche dans le contenu idéologique du Front National mais avec une inspiration chrétienne et une valorisation de l’identité régionale. Il n’y a donc pas l’aspect xénophobe qui est remplacé par un côté plus moraliste que le FN.

Les Républicains sociaux (Christine Boutin UMP)
 Proche des précédents mais avec une vision sociale très chrétienne. L’exigence de justice et de solidarité les rapproche par moment du discours de la gauche mais l’aspect moraliste les positionne du côté des réactionnaires sur les questions sociétales. (Avortement, PACS, homosexualité,.....).Le ralliement de Christine Boutin à la candidature de Nicolas Sarkozy renforce la capacité de ce dernier à séduire une partie de l’électorat conservateur traditionnel.

Les "NON" au référendum de l’UMP (Nicolas Dupont Aignan)
 Les héritiers du Gaullisme partisan d’une nation républicaine laïque indépendante. Ils ont conservé le versant social du Gaullisme et comme De Gaulle ils sont assez keynésiens. Cette composante de droite n’est pas appréciée par le grand capital qui ne les trouve pas assez libéraux ni par les journalistes qui les trouvent ringards. Cela explique le peu de place qu’ils occupent dans l’espace médiatique.

L’UMP tendance Sarkozy
 Un héritage détourné, voire contredit. Plus proche du modèle néo-conservateur américains que du gaullisme. Un "il faut tout changer" qui doit plus s’entendre comme changement du "clan au pouvoir" que comme rupture idéologique avec le libéralisme ou le discours sécuritaire. C’est une droite qui veut un système efficace sur le plan économique et qui aime l’autorité. Pour plaire aux électeurs qui semble de plus en plus sensible au discours du front national, l’UMP a fortement rapproché son discours de celui du FN. Mais deux points la démarque du FN, d’une part l’UMP reste profondément libérale et soutient avec fermeté le grand capital, de l’autre elle abandonne petit à petit la vision d’une nation forte et indépendante pour devenir modérément européiste et vaguement atlantiste.

Les restes du clan Chirac
 Ce sont les héritiers officiels du gaullisme bien mâtiné de libéralisme et d’opportunisme politique comme dans le cas de l’écologie. Mais le gaullisme n’est-il pas avant tout l’art de sentir l’histoire. Ce clan qui tient encore le pouvoir et qui fait de la résistance aux évolutions néo-conservatrice de Nicolas Sarkozy semble abandonner par les médias et par les électeurs.... dans quels placards seront mis les survivants de l’élections présidentielles ? Chirac ira-t-il devant les tribunaux ? Pourtant ce clan a occupé pendant de longues années le centre de gravité de la droite, ce qui n’est pas le cas de la tendance actuelle de l’UMP, qui s’est déporté vers une droite plus autoritaire et plus libérale. Au moindre faux pas de NS Jacques Chirac peut rebondir avec succès vers un troisième mandat.

Les ultralibéraux (Alain Madelin)
 En déclin l’ultra n’est plus à la mode.....tout au moins dans le discours. Pourtant un état dont la seule fonction serait d’assurer la sécurité pour que le système production/consommation fonctionne reste le rêve de beaucoup d’économiste. L’école, la santé, les transports, l’énergie peuvent d’après eux être pris en charge par l’entreprise privée. Au Canada on trouve des libertariens, anarchistes de droite qui ne veulent pas d’État même pour assure la sécurité. Le fantasme libéral c’est un monde qui s’auto organise sans administration, quitte à payer des milices privées pour assurer la sécurité.

Les radicaux de droites (Borloo)
 Centristes, laïques, républicains, libéraux et un peu sociaux. Caution sociale de l’UMP, c’est la béquille de gauche de l’équipe Sarkozy qui en a bien besoin car à force d’essayer de séduire l’électorat réactionnaire il finit par boiter. Borloo est pour l’instant le seul qui peut lui permettre de garder un minimum de crédibilité dans les banlieues difficiles.

L’UDF (Bayrou)
 Par certains points assez proches des précédents mais avec une inspiration "démocrate chrétienne". Toujours européiste, moderne mais un peu plus républicaine et un peu moins libérale que du temps de Valérie Giscard d’Estaing l’UDF, en essayant de dépasser le clivage gauche/droite classique, se situe plus que jamais au centre. Cette position la met en phase avec une partie importante de l’opinion mais n’enlève pas le risque d’être abandonné par l’électorat près de la fin pour cause de vote utile.