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  Quel nouveau paradigme ?

vendredi 22 mai 2020, par Stuart Walker

Il semble clair que, pour remettre nos économies en marche, un recours massif à l’endettement sera indispensable. Le mémé remède a été utilisé par l’administration Obama en 2009 sous le nom de "Quantative Easing " (assouplissement quantatif). S’il a réussi, ce n’était pas sans recréer la mémé mécanismes qui étaient à l’origine du problème. On peut aussi se poser la question : est ce qu’on peut le répéter tous les 10 ans ? La dette publique des pays de l’OCDE est estimée à $66tr (soit 66 million de millions). Un pays solvable peut, par solidarité, venir en aide à ses voisins, comme l’Allemagne fera pour l’Europe. Mais si tous les pays sont endettés jusqu’au cou ?

Tant que les taux restent minimes, on peut dire que l’emprunteur ne court pas beaucoup de risque. Mais dans le cas ou ils augmenteraient, il serait en difficulté. Si la France gage son patrimoine , qu’est-ce qu’elle vendrait en premier : le port de Marseille, les Châteaux de la Loire, ou les entreprises du CAC40 ? La perte de souveraineté serait bien réelle. La Grèce a eu du mal à accepter sa mise sous tutelle par Bruxelles. Est-ce que l’Europe pourrait faire pour l’Italie et l’Espagne ce qu’elle a fait pour la Grèce ?

En empruntant, on part du principe qu’on remboursera, à moins de déclarer son intention de faire défaut. C’est ce qu’a fait l’Argentine il y a quelques années, ce qui lui a valu d’être exclu des Marchés. Estimer que ses dettes sont illégitimes est une voie de facilité qui n’inspire guère confiance. D’un autre coté, financer sans conditions amène le risque de " moral hazard " (aléa moral). Il ne s’agit pas de faire la morale, mais, pragmatiquement, trop de dépendance sur un préteur du dernier ressort, qui fera " tout ce qu’il faut ", n’incite pas à mettre sa maison en ordre.

On peut difficilement imaginer d’autre source des montants mobilisés que la planche à billets, la création ex-nihilo de la monnaie, ce qui, si, dans un premier temps ,elle permet la déflation, finit par entraîner le contraire. Le lien de cause et effet entre l’inflation galopante et la 2è grande guerre n’est plus à démontrer. La cour de Karlsruhe avait de bonnes raisons d’émettre des réserves par rapport à la mutualisation. L’objectif de la CEE était, selon Jean Monnet, d’assurer qu’un tel désastre deviendrait " matériellement impossible " . La création de Banques Centrales indépendantes était un moyen d’encadrer la dérive des banques nationales, trop influencées les politiques de leurs pays.

Même une inflation relativement modérée peut défavoriser ceux qui le sont déjà, puisqu’ils n’ont pas d’investissements. Elle avait atteint 25% sous Callaghan en Angleterre dans les années 70, ce qui a mis fin à son mandat.

Il semble acquis que le désendettement ne se fera plus par la réduction drastique des dépenses sociales. On constate déjà que la crise actuelle a creusé encore plus les inégalités, avec le désarroi des petites entreprises et le renforcement du pouvoir des géants du numérique. Ce n’est pas sur que ceux qui sont en chômage partiel soient repris par des entreprises incapables de payer leurs salaires. Des piliers de l’économie Française, comme l’automobile, l’aéronautique et l’aviation, ou le tourisme seront sévèrement impactés .

Par contre l’opinion publique serait probablement favorable à une augmentation de la taxation, malgré les réticences du Ministre des Finances. Les propositions de Thomas Pickety, et les plus modérés des insoumis, commencent à porter leurs fruits.Le retour de l’impôt sur la fortune aurait un fort effet symbolique. L’effort pourrait être supporté par les couches aisées, en commençant, selon Pickety, aux revenus de deux fois le smog. Les parachutes pourraient être moins dorés, les dividendes mieux reparties ... Les dispositions de la Loi PACTE sont déjà un pas positif, mais pourraient être plus contraignantes.

S’il est permis de rêver, on peut imaginer une sérieuse mise en question d’une économie techno- productiviste, avec une évolution vers une société plus solidaire. Tout comme la dernière crise de la même envergure, a vu en 1945 l’émergence de l’État Providence.

Le levier le plus fiable sera quand même la croissance, à condition qu’elle soit verte. Nicolas Hulot, dans sa récente manifeste, a réclamé un budget européen de mille milliards pour la clause climatique. Ce n’est pas une sous-estimation. Il ne faudrait pas que l’urgence d’un retour au " normal " occulte la primauté de ce sujet.

Les obstacles sont de taille. La perte annuelle de 200 gigatonnes de glace polaire, la désertification d’une grande partie de l’Afrique, ou d’énormes incendies au Brésil ou en Australie, nous touchent moins qu’une perte d’emploi ou le décès d’un proche. Mais les deux dernières mois peuvent être considérés comme un galop d’essai pour pouvoir confronter " le plus grand défi de l’humanité ". On a peut être devant nous l’occasion de réaliser globalement les indispensables mesures préventives et systémiques . Nous avons démontré que nous sommes capables de vivre plus sobrement, et d’écouter les avis des scientifiques. Si on ne repense pas nos sociétés dans ce sens, on entendra dire dans une décennie ou deux, " Il avait raison, mais c’est trop tard " Un prophète dans son pays.. .