Le Café Politique

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  Quelques certitudes et beaucoup de questions

mercredi 9 mai 2007, par François-Xavier Barandiaran

La période que nous sommes en train de vivre, -déjà considérée par certains analystes comme charnière entre un avant et un après-, l’intérêt manifesté par les français pour la campagne présidentielle et les questions qui s’imposent devant le nouveau champ politique apportent du grain à moudre pour le débat de notre prochain café politique. Si l’on peut se réjouir du fort taux de participation et du reflux important du Front National, on doit constater en même temps une droitisation évidente du projet de Sarkozy pour la France, après avoir siphonné celui de le Pen, et le niveau le plus bas obtenu par la gauche, toutes tendances confondues.

Et, déjà, quelques questions : comment expliquer l’implication de nos concitoyens, alors que depuis longtemps un consensus s’était manifesté sur « la crise de représentation » du personnel politique et, même, de la défiance d’une majorité des français à l’égard du fonctionnement de notre démocratie ? Est-ce que la victoire éclatante de la droite signifie qu’une majorité des français se sont convertis à une idéologie libérale, qui est douce pour les forts et dure pour les faibles ? Il est incontestable que le candidat Sarkozy a réussi à théoriser la doctrine de la droite, mais où sont donc passés les millions de français qui ont voté « non » au référendum européen et qui ont rejeté le CPE et la précarité galopante provoquée par la mondialisation économique ?

Dans l’échec de la gauche (seulement 36% des voix au soir du premier tour, en additionnant le PS, les Verts et les candidats de l’ultra-gauche), quelle est la part des stratégies, des erreurs de la campagne ou, tout simplement, de l’incapacité à présenter un candidat unique pour ce qui concerne la gauche de la gauche ? Les antilibéraux, qui présentaient pas moins de 5 candidats, sortent étrillés de cette compétition, étant incapables, par là même, d’établir, comme ils le prétendaient, un rapport de force à l’intérieur de la gauche. A quand la présentation d’un projet – ou peut-être deux, si les trotskistes persistent à ne pas vouloir prendre part au gouvernement- cohérent et dynamisant, à partir des 125 propositions sur lesquelles ils s’étaient mis d’accord avant que les intérêts des partis ne l’emportent ? Est-ce que l’échec total des candidatures multiples va amener le PCF, les alternatifs et autres anticapitalistes (peut-être aussi la LCR, ce dont on peut douter, surtout après le résultat honorable de Besancenot) à créer une force capable d’être l’aiguillon de la gauche modérée ? Seront-ils capables, au moins, de présenter des candidatures communes aux prochaines législatives ? Quand le parti communiste, en renonçant à la ligne suicidaire d’une candidature solitaire, va être à même de tourner la page du passé, en devenant le moteur d’une nouvelle force politique qui le dépassera forcément ? Divisé en divers courants, le PCF, qui se réunira en congrès extraordinaire à l’automne, va-t-il négocier, dans l’immédiat, avec le PS pour pouvoir conserver dans la prochaine Assemblée un groupe parlementaire ? Un autre grand perdant des présidentielles, c’est le parti des Verts. Après l’échec magistral de leur candidate les écologistes ne peuvent plus prétendre être le deuxième parti de la gauche de gouvernement. Vont-ils réussir lors des législatives, qui en principe leur sont plus favorables, tout comme pour le PCF, à faire revenir dans leur giron les électeurs perdus ? (Pour le moment, ils ne peuvent que négocier en position de faiblesse avec le PS une poignée de circonscriptions gagnables !). Et, s’il n’en était pas ainsi, qui va obliger les autres partis signataires du « pacte Hulot » à traduire en actes politiques les vagues engagements pris à l’égard des urgences écologiques ? On a bien vu pendant la campagne comment les questions énergétiques et climatiques pouvaient faire long feu, sacrifiées sur l’autel de la sempiternelle croissance et des choix impopulaires qu’il va être nécessaire de proposer aux français ! Au Parti Socialiste l’heure est au resserrement des lignes, après quelques coups de gueule du soir du deuxième tour. En effet, l’urgence est de convaincre les français qu’il serait très dangereux de mettre entre les mains du nouveau président –qui fait déjà peur à beaucoup !- tous les pouvoirs et qu’il faut, avant tout, l’empêcher d’avoir la majorité absolue dans la nouvelle Assemblée. Mais, l’heure des révisions et, peut-être, des refondations ne tardera pas. D’abord, comme le dit Loïc Waquant, sociologue de l’école de Bourdieu, parce que Ségolène Royal « avec sa façon de chambouler l’appareil socialiste…a fait plus en six mois que toutes nos protestations depuis quinze ans ». Ensuite, parce cette troisième défaite consécutive vient de loin et remonte à 1983, quand le premier gouvernement Mitterrand a pris, pragmatiquement, le virage qui tournait le dos au projet socialiste. Mais, depuis, le PS a été incapable de se moderniser et de définir une ligne claire : porte-t-il un projet social-démocrate ou poursuit-il toujours une ligne socialiste de rupture avec le capitalisme ? Comme l’on fait avant lui les autres partis de l’Internationale socialiste, il doit cesser de maintenir l’ambiguïté (et les contradictions) entre des discours socialistes et une pratique sociale-démocrate. Quitte à provoquer une scission, qui aiderait à créer un pôle de gauche avec tous ceux qui sont prêts à faire le moins de compromis possibles avec l’économie globalisée ! Avant d’envisager avec qui faire des coalitions et des alliances, le parti socialiste devra, comme le dit Chevènement dans un langage imagé, « savoir où il habite ». En déplaçant le curseur sur l’échiquier politique, on en arrive au feuilleton de l’aventure Bayrou. Nul doute que son pari déjà à moitié gagné restera comme un des marqueurs des présidentielles 2007. Mais, son essai ne sera réussi que si les près de sept millions qui ont voté pour lui le suivent pour que son Mouvement Démocrate constitue un groupe fort à l’Assemblée Nationale. Y a-t-il en France, avec la constitution actuelle, une place pour un parti centriste indépendant, s’installant durablement comme la troisième force politique du pays ? Va-t-il présenter des candidats dans toutes les circonscriptions, y compris dans celles des députés sortants qui se sont rangés derrière Sarkozy ? Dans ce cas il y aurait vraisemblablement une « UDF maintenue », ce qui permettrait à l’UMP de proclamer que le nouveau gouvernement pratique l’ouverture. Surtout, s’il peut compter, en plus, sur quelques transfuges du PS ! Concernant la victoire de la droite décomplexée, -c’est le moins qu’on puisse dire-, je ne me pose qu’une seule question : combien de temps vont mettre tant de citoyens fourvoyés pour réagir devant une politique inégalitaire et peu respectueuse de certains droits ? Oh ! Je ne parle pas de ces enragés qui depuis 4 jours affrontent la police, apportant ainsi aux français « qui ont peur » des arguments supplémentaires pour les confirmer dans leur choix. Il y a bien d’autres formes de résistance qui sont respectueuses de la démocratie. Je parie, par conséquent, que le quinquennat de Nicolas Sarkozy ne sera pas « un long fleuve tranquille » !