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  LA DEMASSIFICATION

jeudi 22 septembre 2011, par Stuart Walker

Du point de vue d’un ancien enseignant, notre enseignement supérieur souffre d’un déficit de démocratisation, et d’un excès de massification

Pour la démocratiser une carte scolaire plus finement dessinée permettrait la mixité sociale qui était autrefois une des mérites du service militaire. Le problème est ardu, puisque "birds of a feather flock together" (les oiseaux d’une même couleur volent ensemble). Le Président Kennedy a eu recours au bussing pour contraindre des écoles de familles aisées à accepter des enfants noirs défavorisés. Malgré la polémique, c’était un geste qui a aidé à débloquer la situation. On aurait tort de reculer devant des quotas, et des conditions de revenu parental, dans l’attribution des places et des bourses.Si c’était fait au nom de la justice sociale et de l’efficacité économique, on serait toujours loin d’un quelconque modèle soviétique.

Parmi des initiatives positives à développer, on peut constater les passerelles entre les zones sensibles et les grandes écoles, l’ émergence des pôles d’excellence (compétitifs ou pas) ou encore la validation de l’acquis par l’expérience. Les banquiers ne laissent pas dormir leurs actifs. Il ne faudrait pas que l’Etat néglige les gisements de matière grise dans nos cités.

Sans vouloir abolir le Bac, on peut mettre en question l’effet de masse produit par l’accès à des études de 80% d’une classe d’age. Une grande partie des étudiants ne le sont qu’en nom, et les facultés deviennent des voies de garage. Ce ne serait pas forcément un affront à la démocratie que de valoriser les filières techniques. Ce n’est pas évident que l’aspiration fondamentale de la majorité des adolescents soit la ratiocination. L’appétit de la connaissance est largement un produit de la maturité. Si l’étudiant académique subit la frustration et voit ses horizons s’assombrir, l’apprenti en alternance, rémunéré, peut être plus épanoui et jouir d’une meilleure perspective d’emploi. Il pourra bénéficier plus tard de la formation continue avec une curiosité aigue

L’Allemagne est plus connue pour ses machines outils que pour sa haute technologie. Sa vigueur économique et sa capacité d’exporter dépendent en grande partie de sa valorisation du technicien par rapport à l’ingénieur, à l’inverse de ce qui se passe en France. Il faudrait une véritable révolution dans les esprits pour que les Prépa ne soient plus l’ultime objectif des ambitions et que l’intelligence manuelle soit enfin reconnue. Un des réflexes des fondateurs de l’Amérique était la méfiance de celui qui allait à son travail en costume et col blanc.

Il semble effectivement que plus il y a de pratiquants, plus il y aura a de champions dans le domaine sportif. Est-ce aussi vrai dans le domaine universitaire ? "More means worse" selon les Anglo-Saxons. Lorsqu’il s’agit des futurs responsables des entreprises et des administrations est-ce que un minimum de sélection, basée sur le mérite et non pas sur les moyens, ne s’impose à l’entrée des études universitaires ? Même avec un maximum d’égalité d’opportunité, il existera toujours une hiérarchie dans le monde du travail. Il n’y aura pas de place en haut du pyramide pour tous ceux qui auront obtenu un diplôme.

Quant à la recherche et l’innovation, elles ne constituent pas un panacée et devraient être adaptées aux besoins de la société.

Pourquoi, d’abord, refuser l’idée de financements privés/publics ? Si un consensus se dégage aujourd’hui pour taxer davantage les grandes sociétés, il y a par contre peu de solutions proposées à la fuite des capitaux que cela pourrait engendrer. L’État étant exsangue, et les universités en difficulté, l’entrée d’investissements privés serait un moyen réaliste de réaliser des modernisations. Ce serait une façon d’ensemencer l’économie à travers les bénéfices ; D’autant plus que les sociétés sont demandeur pour créer des postes ou des laboratoires ; elles y gagneraient en savoir faire et en notoriété. Un boursier Total saurait à l’avance pour qui il travaillerait et dans quelles conditions. Actuellement les étudiants anglais s’endettent de plus en plus pour payer leurs études sans savoir quelles seront les retombées.

Le rapprochement de la recherche et de l’exploitation industrielle pourrait aussi être renforcé en facilitant davantage la création d’entreprise par des chercheurs. C’est sans doute une question de mentalités. Mais si on peut comprendre la physique des solides, on devrait pouvoir comprendre la fiscalité des entreprises. Le contexte économique exige plus que jamais que la recherche ne se justifie pas en elle même, mais soit d’utilité publique. On peut par exemple poser la question de la valeur de certaines recherches dans le domaine spatial. La composition des anneaux de Saturne satisfait sans doute la curiosité des docteurs en physique, mais ne remplit guère l’assiette des plus démunis.

Il y a , ne serait-ce qu’en la seule Californie , dix campus qui figurent sur la classification de Shanghai.. Ce n’est pas rehidibitoire si ce tableau attribue un coefficient important au nombre de publications. Cette contrainte serait un moyen de justifier les financements, de partager les connaissances acquises , de sortir le chercheur son tour d’ivoire et de l’exposer à l’évaluation par ses paires.

Dans une époque de mobilité sans précédent, nous avons tous intérêt à faire inverser la fuite des cerveaux.

Stuart WALKER