Le Café Politique

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  Pour une action citoyenne efficace

mardi 16 mai 2006, par Christophe Helson

Pour une action citoyenne efficace

En sortant de la réunion du café politique sur le thème de la décroissance, je me suis interrogé sur la forme que doivent prendre nos actions pour influencer plus efficacement les décideurs politiques. En effet, c’est une réflexion qui est revenue souvent ce soir, notamment autour de la thématique de la réduction des dépenses énergétiques : comment agir au niveau individuel ? Quelles actions doivent être engagées par le politique au niveau collectif ? En fait, c’est une intervention d’un étudiant en sciences physiques de l’université Paul Sabatier qui a initié ma réflexion. Cet étudiant nous explique d’abord qu’il a choisi la physique pour se spécialiser dans les énergies renouvelables, donc il me paraît d’emblée très sympathique. Malheureusement dit-il, il existe très peu de filières académiques dans ce domaine. Plus tard il questionne l’assemblée sur un point : Est-ce que d’autres personnes dans l’assistance, d’autres générations plus âgées que lui, sont prêtes à accompagner les étudiants dans des actions extrêmes pour faire pression sur le pouvoir ? Exemple dans notre thématique du jour : bloquer des raffineries. En toute sincérité, je ne me souviens même plus de l’objectif précis de cette action. Pour ma part, je trouve cette démarche de bloquer des routes ou des usines complètement dépassée et inefficace. Ce type d’action qui consiste à "foutre un peu le bordel" en vue de faire pression sur le politique est une méthode à courte vue qui ne prend pas en compte la gravité et la complexité des enjeux posés par l’écologie, par la croissance économique...etc D’abord, ce type d’action discrédite ses initiateurs dans tout débat sérieux qui pourrait en découler. Franchement qui viendra dialoguer avec des gens qui sont prêts à casser, à bloquer des travailleurs ou des voyageurs, bref à emmerder la société. Même lorsque les blocages sont non violents, ce qui est certainement la majorité des cas, ce type d’action d’un autre âge nous ridiculise complètement vis-à-vis de nos partenaires européens et c’est de cette façon que l’on perd petit à petit du poids et de l’influence dans les décisions supranationales de notre contexte européen. Je le dis clairement, je suis et je serais toujours plus convaincu par un scientifique, qui m’explique avec des arguments fondés, pourquoi les OGM sont susceptibles de présenter de graves dangers pour la biodiversité plutôt que par un faucheur volontaire. Sans doute les faucheurs ont contribué à mettre ce débat sur la place publique et c’est une bonne chose à mettre à leur actif. Mais lorsqu’il s’agit de s’expliquer et de négocier, le peuple a besoin de représentants qui connaissent bien la situation et qui sont capables de démontrer le bien fondé de leur démarche. Il me semble évident que le citoyen qui veut s’engager dans la chose publique doit nécessairement être bien informé avant de se lancer dans l’action. Je prends encore l’exemple de notre étudiant en physique (le pauvre c’est sa soirée), je regrette de ne pas avoir réagi à chaud pour lui répondre directement mais mieux vaut tard que jamais. Il nous a mentionné ce soir la lutte à laquelle il a participé dans les mois passés "contre la précarité". Étant moi même un jeune travailleur, ou jeune chomeur ça dépend du temps, d’à peine quelques années de plus que lui j’aimerais ici exprimer mon point de vue sur ce combat qu’il a si généreusement mené pour moi. Je suis aujourd’hui à la recherche d’un emploi et mon souci quotidien ce n’est pas du tout la précarité, mais le fait qu’on ne me donne pas ma chance parce que je n’ai pas exactement le parcours qui convient. Depuis peu, une petite entreprise est sur le point de me proposer un Contrat Nouvelle Embauche et j’en suis ravi. Je connais pour l’avoir suffisamment côtoyé, la difficulté pour des entrepreneurs d’embaucher aujourd’hui. Une fois que nous avons établi un rapport de confiance et d’intérêt réciproque, nous avons tous les deux pour objectif de convertir au plus vite ce CNE en CDI. Et à ce moment je n’aurai pas du tout peur d’une prétendue précarité qui me guetterait mais au contraire je serais ravi de retrouver le monde du travail car c’est ça dont j’ai le plus besoin en ce moment même. Tous ceux qui se sont retrouvés dans une situation similaire à la mienne savent que le plus important est de retrouver rapidement un nouvel emploi intéressant, même si on n’a pas beaucoup de garanties au début sur la pérennité de cet emploi. C’est toujours une expérience de plus d’acquise et ça c’est essentiel. Bref pour moi les étudiants qui manifestaient contre le CPE se sont complètement trompé de cible. Mais allez expliquer cela à quelqu’un qui n’a jamais travaillé et qui ne connaît rien au monde du travail... Il est essentiel d’avoir une bonne connaissance de pourquoi on se bat, sinon on se laisse trop facilement manipuler. Pour cela rien ne remplace l’expérience d’avoir vécu soi même une situation que l’on critique. Pour finir cette partie coup de gueule, j’en ai marre qu’en France on fasse des manifestations sur tout et sur rien. Cela ne fait justement que diminuer l’influence de ces protestations et pousse les jeunes gens pressés à chercher inutilement des solutions plus radicales, plus dangereuses pour eux même et plus contraignantes pour la société. Au passage, j’estime pour ma part que s’il y a une cause qui mérite d’être défendue en ce moment c’est la protection des droits des étrangers vivant en France. La nouvelle loi réglementant le séjour des immigrés dans notre pays me fait vomir. Mais j’ai bien peur que dans ce cas là, la légendaire générosité du Français si prompt à descendre dans la rue pour défendre les droits de son prochain, disparaisse tout d’un coup. Comme il est stupide de toujours critiquer sans proposer d’alternatives, je vais essayer d’ébaucher quelques pistes pour essayer d’atteindre une meilleure efficacité dans nos revendications publiques. Je pense pour commencer que le café politique de Balma est une initiative formidable pour redonner du poids aux citoyens, aux petites gens comme vous et moi. Il me paraît évident qu’au 21e siècle, l’influence sur les affaires publiques revient aux personnes organisées pas aux casseurs ou aux bloqueurs. L’enjeu premier est donc d’asseoir la crédibilité et la notoriété de notre communauté de penseurs constituée autour du café politique. Pour élargir la diffusion des réflexions du café, la communication sur Internet est un champ d’action privilégié. Est-ce que le café politique aura des tentations lobbyistes en s’agrandissant ? On sent bien que la question ne se pose pas dans ces termes là. Par contre je ne résiste pas à l’envie de croire qu’un jour notre groupe fera école et inspirera d’autres personnes ailleurs à s’emparer des questions de sociétés. Parfois on entend parler de démocratie participative, mais ce qui importe c’est de donner chair à ce concept dans une organisation humaine en marche, efficace pour diffuser ses idées et pertinente pour insuffler le débat dans la société civile. Jamais je n’oublierais la séance spéciale organisée pour discuter du traité constitutionnel de l’Europe. Les arguments fusaient pour le oui ou pour le non. Les démonstrations étaient échafaudées par des responsables politiques chevronnés ou par des individus lambdas. Mais toujours soufflait cette vitalité du débat populaire. Ce soir là, le grand gagnant ce n’était ni le oui ni le non mais bien la démocratie. Je pense que pour peser sur des décideurs dans notre monde aujourd’hui, il y a le pouvoir de l’argent et le pouvoir de l’opinion des électeurs. Puisque nous n’avons pas de pactole financier et comme nous ne voulons pas procéder par le biais du chantage en mettant la pagaille dans l’activité économique, il reste à mettre le paquet sur la diffusion du savoir et des connaissances qui sont parfois cachées ou peu médiatisées, puis il s’agira d’exprimer clairement quelles sont les revendications largement partagées de la communauté des penseurs éclairés. Je suis sur que le groupe du café politique pourra avoir de l’impact en tant que communauté informée, sérieuse, indépendante des partis politiques et exigeante dans la recherche de nouvelles solutions. Bon tout cela peut paraître encore un peu utopique, voyons quelque chose de concret tout de suite. Afin de clarifier et d’exploiter les débats qui ont lieu au café politique, je trouverai intéressant d’organiser un compte rendu de chaque séance, une sorte de résumé destiné à un décideur par exemple. On trouverait dans ce débriefing les grandes lignes des idées évoquées lors de la séance et surtout les grandes notions sur lesquelles une nette majorité de l’assistance serait d’accord. Par exemple, je suis sur que prés de 100% des gens dans la salle ce soir déplorent le fait que les énergies renouvelables ne sont pas suffisamment enseignées dans notre système éducatif (information à vérifier, mais je crois en la bonne foi de notre étudiant en physiques). Autre exemple, je suis prêt à parier 3 kopecks qu’il y aurait un large consensus sur la nécessité d’utiliser et de médiatiser d’autres indicateurs nationaux que le PIB ou le taux de chômage pour évaluer la santé d’une société moderne. Il me semble qu’on pourrait arriver à des conclusions fortes, à des documents riches et exploitables en faisant ce travail de synthèse à l’issue des séances. Aïe aïe aïe j’entends déjà nos valeureux organisateurs du café s’exclamer : "du travail en plus ! Comme si il n’y en avait pas assez !". Bon il va falloir recruter d’une façon ou d’une autre alors ? Je tacherais donc de joindre le geste à la parole en proposant mon expertise sur le web pour aider l’équipe du café dans ce domaine. J’ai la conviction que la stratégie la plus payante pour pouvoir avancer dans l’action citoyenne est de partir d’un groupe déjà opérationnel et organisé sur de bonnes bases comme le café politique et de le faire évoluer petit à petit. Bien sur il revient aux membres organisateurs de l’association de décider quelle direction ils donneront au café au fil du temps, mais maintenant que la communauté s’agrandit, il est bon de venir les interpeller également sur leur devenir. C’est ça aussi la démocratie non ? En conclusion j’espère que nous saurons allier intelligemment au sein du café politique la vitalité débordante de la jeunesse qui est bien représentée dans l’assistance avec la profondeur d’analyse des habitués et des experts invités. Action et réflexion, jamais l’un sans l’autre.