Le Café Politique

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  • Rubrique
  •   I67 Énergie nucléaire, gaz de schiste, pétrole, charbon... périls et nécessités.

    Invité : Guy Chauveteau

    Ancien directeur de recherche associé au CNRS

    Ancien membre du Conseil Scientifique de l’IFP

    Lundi 4 avril 2011

    20h45 Salle de réception du stade de Balma

    La maitrise de l’énergie accompagne l’histoire de l’humanité. Depuis de longues années les hommes utilisent à leur profit le feu, le vent et l’eau. Le mythe prométhéen d’une connaissance technique qui permet d’émanciper l’homme des contraintes de la nature s’est toujours doublé d’une réflexion sur le risque de l’hybris (démesure inspirée par l’orgueil). La nouveauté est la prise de conscience que les risques ne sont plus comme avant localisés dans l’espace et dans le temps. Notre modernité, après avoir consommé goulument d’énormes réserves d’énergies fossiles, cherche à promouvoir des énergies qui ne dégraderaient pas notre environnement, qui n’auraient pas d’effets climatiques et qui ne comporteraient pas trop de danger.

    Notre modèle de croissance économique semble incompatible avec la réduction de l’utilisation de l’énergie. Les ingénieurs ont donc été priés de développer ces fameuses énergies propres et renouvelables, qui permettraient en plus de provoquer un superbe rebond à une économie au bord de l’essoufflement. Las... les miracles ne sont pas vraiment au rendez-vous. On se retourne donc vers les réserves fossiles en allant traquer toutes les molécules de carbone qui se cachent dans le sous sol. Les récents permis d’exploitation du gaz de schiste ou les plateformes pétrolières pour faire des forages en eau profonde correspondent à cette logique. Simultanément on demande au nucléaire d’accélérer la cadence, en faisant croire que son meilleur bilan carbone en fait une énergie propre et renouvelable.

    L’incendie de la plateforme Deepwater Horizon au large de la Louisiane ou le désastreux bilan écologique de l’exploitation des schistes bitumineux de l’Alberta (Canada) n’ont ému que les écologistes. Par contre le tremblement de terre et le terrible tsunami qui ont fortement endommagé la centrale de Fukushima ont provoqué un choc dans les consciences. Une simple panne des circuits de refroidissement a mis les ingénieurs de la Tepco autant en difficulté que leurs homologues communistes de Tchernobyl en 1986. Difficile de maitriser l’atome quand l’imprévu arrive.

    L’analyse coût/bénéfice est toujours d’actualité, mais c’est l’évaluation du coût qui est à repenser. Il ne s’agit plus uniquement de faire un calcul du nombre de morts provoqués par chaque énergie, mais de penser les risques en tenant compte de l’étendue et de la durée des dégâts. Le temps d’élimination du CO2 dans l’atmosphère ou la demi-vie des particules radioactives doivent faire partie du modèle d’évaluation. De même l’énergie grise et les tonnes de CO2 qui apparaissent dans l’ensemble du processus doivent être prises en compte ainsi que les investissements lourds qui sont souvent laissés à la charge de l’État. L’industrie de l’énergie a trop pris l’habitude de ne pas tenir compte des externalités négatives, laissant notamment à la collectivité publique le soin d’assumer les risques inassurables.

    Pour autant rien n’est simple car l’utilisation de l’énergie impacte fortement l’habitat, les déplacements, la production industrielle et donc directement ou indirectement tous les secteurs de la société. Si quelques changements dans nos modes de vie peuvent déclencher une baisse conséquente de notre consommation énergétique, très peu de citoyens sont décidés à faire un effort conséquent et toute restriction sur notre consommation énergétique est associée à l’image négative de la décroissance. De même il ne suffit pas de subventionner les panneaux photovoltaïques sur les toits des maisons pour augmenter significativement notre production d’énergie propre.

    Notre société devant la réalité des enjeux doit au moins se poser la question de la possibilité de changer de cap. Une politique forte en faveur des énergies renouvelables, accompagnée d’une stratégie d’économie d’énergie est certainement une meilleure attitude que la fuite en avant prônée actuellement par les grands lobbies industriels. Il est indispensable dans une démocratie que la prise de décision soit précédée d’un débat démocratique. La difficulté du sujet ne peut pas justifier la mainmise des experts comme cela a été trop souvent le cas en France et il est donc indispensable de lancer un grand débat démocratique sur la question énergétique.

    François Saint Pierre