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  Entre idéal et contraintes : le chercheur

mardi 11 mai 2021, par Sylvie Schetrite

L’image du chercheur est associée à la passion pour la connaissance qui nous emmène vers le progrès de l’humanité. En tous cas, c’est sûrement cette vision idyllique qui fait choisir ce métier.

Mais hélas, l’exercice est plus rude qu’il n’y paraît. Les postes sont rares pour devenir chercheur ou enseignant chercheur, et les salaires pas vraiment attractifs.

L’enseignant-chercheur exerce deux métiers. Écartelés entre ces deux pôles, les jeunes enseignants-chercheurs sont débordés et mettent souvent de côté leur vie privée. Il est habituel qu’ils ramènent du travail à la maison, et l’enseignement supérieur à la carte pour les étudiants, augmentent le nombre d’heures d’enseignement à fournir sans qu’il y ait eu pour autant d’augmentation du nombre de postes : le financement de cette politique est à budget constant et le « burnout » souvent proche.

L’impression de courir après le temps, et d’être écrasé par les charges administratives est aussi le lot des chercheurs non enseignants.

Pourtant, les chercheurs sont frileux quand il s’agit de faire bloc. Isolés, débordés, souvent raisonnables, peu prompts à se mobiliser, les réformes les ont amenés malgré eux vers une recherche à court terme et par projets, ou derrière l’objectif de l’excellence se cache celle de la compétition individuelle d’abord, mais aussi entre labos, entre écoles d’ingénieurs et universités ou encore internationale, chacun pensant sans doute pouvoir tirer son épingle du jeu.

La situation actuelle est le résultat d’une politique menée depuis longtemps. Alors oui, la qualité de la recherche en France a vraiment baissé ces dernières années faute de temps à lui consacrer réellement.

L’excellence se mesure au nombre d’articles publiés, mais il y en a pléthore et il faut en faire dorénavant le tri pour choisir ceux qui apportent réellement des avancées. A tel point que certains domaines de recherche ont dû tout remettre à plat et vérifier des expériences anciennes qui faisaient socle pour faire le tri entre les véritables avancées et les impostures.

A ce tableau un peu sombre, vient s’ajouter la volonté des gouvernements successifs de réduire le nombre de postes de fonctionnaires. Et si les postes de chercheurs sont moins touchés que dans les autres administrations, l’impact de cette politique atteint principalement les postes d’ITA (ingénieurs, techniciens et administratifs) qui représentent 55 % des postes de la recherche. L’impact sur la qualité de recherche est bien entendu plus important qu’il n’y paraît. Le manque de disponibilité des personnels techniques ralentit la mise en place des expériences, des mesures, et une partie du travail administratif est exercé par tout un chacun (réservation, commandes…). La mémoire expérimentale, portée par les ingénieurs et techniciens disparaît quand ils se trouvent remplacés par des CDD.

Dernier point, la liberté d’expression des chercheurs trouve ses limites avec leur dépendance à leurs financiers : il n’est pas facile de rédiger un rapport qui met en cause des partenaires qui ont accepté de mettre la main au porte-monnaie, ni facile de se positionner contre la puissance de persuasion des instances. Sans parler des postures scientistes qui ne tolèrent aucune critique de la science.

La recherche devrait pouvoir rester indépendante des pouvoirs financiers. Mais il faut modérer cette autonomie en ce qui concerne l’orientation de la recherche qui a trop d’impact sur notre avenir pour en écarter la société civile. L’articulation entre la liberté du chercheur et son devoir de rendre des comptes en tant que citoyen est difficile à articuler. Il semble indispensable que la société civile doive aussi être impliquée dans le processus de réflexion sur son orientation, en particulier aujourd’hui où l’urgence environnementale et climatique est présente à tous les esprits, au moment où toute la puissance et l’intelligence de nos chercheurs pourrait être décisive pour imaginer et construire le monde demain.