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  GRAND TOULOUSE et démocratie locale

lundi 2 février 2009, par Christian Bressan

Christian BRESSAN est un ancien délégué communautaire de la commune de Balma

L’agglomération du Grand Toulouse s’est progressivement organisée depuis plus de vingt ans pour exercer en commun des compétences qui le justifiaient dévolues aux communes. Toutefois, le développement de la coopération entre Toulouse et les communes périphériques a souffert de nombreux freins et a pris du retard par rapport aux agglomérations nationales équivalentes.

Le premier frein fut le peu d’intérêt qu’il pouvait y avoir pour la ville centre à coopérer avec les autres communes, car elle possédait un territoire très étendu avec beaucoup de terrains disponibles ; détenait les ¾ des activités économiques et des emplois de l’agglomération et la presque totalité des grands équipements d’agglomération. Elle n’avait pas besoin de négocier avec ses voisines pour accueillir son expansion. D’autre part les clivages politiques entre les communes voire les élus ont constitué un second frein à la coopération avec la ville centre. Mais il y a plus de trente ans aux portes de Toulouse le Sicoval pionniers de l’intercommunalité de projets et de la Taxe Professionnelle partagée, commençait à faire parler de lui dans le monde économique avec l’Innopole de Labège. Ses succès, dans le recrutement d’entreprises constituait un risque pour le développement de la ville centre et aussi un exemple d’efficacité. Cette dernière réagit en cherchant à fédérer les communes autour d’elle et faire contre poids. Et cette fois les clivages politiques furent un accélérateur du processus de coopération.

Après des tentatives infructueuses à 8 communes tout d’abord dans le milieu des années 80, 15 communes se sont regroupées en 1992 pour former le District du Grand Toulouse : Balma, Beauzelle, Blagnac, Castelginest, Colomiers, Cornebarrieu, Cugnaux, Mondonville, Pibrac, Quint-Fonsegrives, Saint-Orens, Toulouse, Tournefeuille, L’Union et Villeneuve-Tolosane. Sans grand pouvoir, le District était davantage un lieu de concertation qu’une collectivité en charge d’exercer des compétences. Il visait à éviter les concurrences malsaines entre les communes et à mieux profiter des retombées économiques de la Métropole toulousaine.

Le développement économique était sa principale compétence. Il est à l’origine de la création de la Société d’Economie Mixte « Technopole toulousaine » missionnée pour inciter les entreprises étrangères à s’implanter sur le territoire du District. Ainsi l’entreprise américaine « Storage Tek » s’implanta à Basso Cambo. Elle choisit Toulouse parmi plusieurs communes de l’agglomération candidates à l’accueillir, car dispensée de taxe professionnelle contre la création de 600 emplois. Mais seulement 150 emplois furent créés avant de disparaître complètement et d’être rachetée.

A la fin des années 1990, le programme d’avion géant AIRBUS 3XX devenu A380 voit le jour et Toulouse est en concurrence avec les autres sites de production, notamment allemands qui sont financièrement soutenus par les Régions bien plus puissantes qu’en France. Les investissements sont énormes et la Société aéronautique européenne doit choisir le site le plus économiquement favorable. Les Collectivités locales décident de participer pour augmenter les chances du site toulousain d’être retenu. Les 3 communes du District :Toulouse, Colomiers, Blagnac, seules concernées par la taxe professionnelle, s’organisent pour avancer au constructeur les retombées de taxe à venir. Comme le font également le Département et la Région. Au total un milliard de francs est avancé dans le projet. L’étude de la localisation de la chaîne de montage de l’avion géant s’effectue dans le cadre du District, avant de donner naissance à la ZAC intercommunale « Aéroconstellation » destinée à accueillir l’Airbus et d’autres entreprises aéronautiques dont les ateliers d’Air France qui doivent quitter Montaudran.

La loi Chevènement - Voynet de 1999, propose de dépasser le jeu des alliances locales fragmentaires fondé sur l’opposition centre-périphérie, et de passer directement à une autorité d’agglomération élue au suffrage universel direct et disposant sur son territoire de véritables compétences. Elle prévoit la suppression des districts, une "carotte" financière avec une prime à l’intercommunalité, un renforcement de la solidarité avec une taxe professionnelle unique sur les entreprises (TPU). Toutefois les compromis lors du vote de la loi au Parlement font passer l’élection au suffrage universel direct à la trappe et l’élection au 2° degré reste en vigueur. Pas facile de déposséder les élus de leur pouvoir ! Beaucoup de député sont aussi Maire. Exemple édifiant de l’effet nocif du cumul des mandats électifs et des compétences. Ainsi le District doit opter pour une structure intercommunale nouvelle, comme la loi l’y oblige. Il choisit de se transformer le 1er janvier 2001 en Communauté d’Agglomération (CA) premier niveau d’intégration communautaire, et compte 25 communes après de nouvelles admissions, qui ne posaient pas de difficulté. La communauté urbaine (CU) plus haut degré de coopération intercommunale n’est alors souhaitée par aucun des camps politiques. Même pas par celui qui la défend et la porte !

Après de longs débats et compromis portant sur les compétences non obligatoires mais dont un nombre imposé doit être choisi parmi celles proposées, la Communauté d’Agglomération du Grand Toulouse (CAGT) agira en lieu et place des communes en matière de :

Développement économique

Aménagement urbain (ZAC > à 30 hectares)

Habitat

Cohésion sociale

Environnement et cadre de vie

Assainissement

Bases et équipements de loisirs

Elle se financera par la Taxe professionnelle qu’elle prélève à la place des communes et leur restitue avec des règles de solidarité pour la croissance de celle-ci ; la contribution des communes ; les subventions et primes de l’Etat.

Le Maire de Toulouse nouvellement élu en 2008 avait annoncé lors de la campagne électorale qu’il souhaitait engager la transformation de la CAGT en communauté urbaine. Largement majoritaire au sein du conseil de la communauté, c’est chose faite dans un temps record depuis le 1er janvier 2009.

Les compétences ci-après relèvent maintenant de la Communauté Urbaine et s’ajoutent aux précédentes :

• Voirie : trottoirs, pistes cyclables, ouvrages d’art, places publiques, entretien des trottoirs situés sur voirie départementale, permissions et règlement de voirie, entretien des chemins ruraux, parcs de stationnement.

• Eau : production et distribution d’eau, bornes incendie. Actuellement, l’eau est selon les cas gérée en régie par onze syndicats ou déléguée à des entreprises privées,

• Déchets : collecte, traitement et valorisation des déchets des ménages (ordures ménagères, déchets encombrants, déchets verts...) et déchets assimilés.

• Urbanisme : aménagement urbain, ZAC (zone d’aménagement concerté), ZAD (zones d’activités différées), plan local d’urbanisme et définition des zones à aménager, PAE (programme d’aménagement d’ensemble).

En outre, la dotation générale de fonctionnement (DGF) versée par l’Etat sera pratiquement doublée.

Par ces transformations successives de l’intercommunalité, l’entité communale pour gérer la cité et ses quartiers a beaucoup perdu de sa raison d’être. Elle ne conserve que l’état civil et les affaires sociales en grande partie financée par le Conseil Général toutefois, les équipements de proximité et le soutien aux activités culturelles et sportives. Le niveau institutionnel communal est-il maintenant justifié ? Qu’il le soit ou pas la question fera l’objet sûrement dans le futur de débats, mais déjà il n’est pas acceptable pour un démocrate d’admettre que les décisions qui le concernent et aussi importantes que celles détenues par la CU puissent lui échapper. Il ne s’agit plus seulement de favoriser l’expansion économique de la Métropole régionale, mais de gérer dans sa globalité notre territoire communautaire. Cela ne peut se faire sans les citoyens.

Or Pour l’instant, le Conseil de la CU ou gouvernement urbain est constitué de représentants des communes qui n’ont pas été élus sur un programme de gestion du territoire communautaire, mais seulement pour gérer leur propre commune. Qui contrôle et peut interpeller les élus sur les sujets communautaires ? Certainement pas à l’occasion des élections municipales qui ignorent ces questions.

La gestion des structures supracommunales reste l’affaire des élus entre eux uniquement, voire des partis politiques, des spécialistes et consultants, des fonctionnaires.

Comme cela avait déjà était proposé par les auteurs de la loi Chevènement - Voynet de 1999, avant que les députés ne l’écartent, l’élection des autorités urbaines au suffrage universel s’impose aujourd’hui. Elle obligera les candidats à engager leur responsabilité devant les citoyens, sur des projets de gestion du territoire de la cité, commun à tous aujourd’hui, dont le morcellement géopolitique ne se justifie plus.