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  Antimondialisation ou altermondialisation ?

jeudi 22 mai 2003, par François-Xavier Barandiaran

Antimondialisation ou altermondialisation ?

Parmi les forces politiques qui se situent à gauche de la gauche celles qui militent contre le libéralisme mondial occupent une place de première importance. Mais, qui sont-ils ? A peine viennent-ils de naître qu’ils sont déjà en train de changer de nom ! En effet, comment se dire antimondialistes au moment où le bouleversement technologique des télécommunications mondialise les marchés et les media et que toutes les bourses du monde sont interconnectées, permettant la libre circulation des capitaux ?. Si l’on ne peut, donc, pas nier l’évidence de la mondialisation, il est, en revanche, possible de vouloir un autre monde, un monde autre : d’où le nom d’altermondialistes. Appartiennent à ces nouvelles formes de lutte des organisations très diverses, quant à leur histoire et à leurs objectifs : ONG, associations de consommateurs, groupes d’entraide et d’éducation populaire, syndicats, etc... Certaines sont très connues, comme ATTAC, Greenpeace ou Amnesty International. Plus de 5000 étaient présentes au dernier Forum de Porto Alegre : c’est une véritable galaxie, dont le dénominateur commun est le refus du libéralisme mondial et la lutte contre la grande braderie planétaire. Les seules lois du marché, non seulement n’apportent pas le bien-être à tous (individus et pays), mais elles sont en train de créer du désordre mondial ! L’acte officiel de naissance de ce mouvement contestataire, à l’échelle internationale, date de la mise en échec de la réunion de l’OMC à Seattle en décembre 1999. Evénement si important aux yeux d’E.Morin qu’il a pu écrire à son propos :"Le XXIè s. a commencé à Seattle". A vrai dire ce mouvement altermondialiste est l’enfant de la chute du mur de Berlin et d’Internet : pour combler le vide laissé par l’effondrement de l’utopie communiste et, au moins en France, par l’usure des forces politiques de gauche, est né ce réseau de révoltés (l’Internationale rebelle) contre l’OMC, le FMI, la Banque Mondiale et les so-ciétés transnationales. Une grande partie de la jeunesse militante se retrouve bien dans ces nouvelles formes de lutte politique. Le sociologue A.Caillé a défini ce type de militant comme n’étant plus "un homme de parti et de foi". Nous savons que les jeunes, ayant grandi dans une société individualiste, rejettent les contraintes des organisations et des appareils, et pas seulement dans le domaine de la politique ! Quant à la non-foi, il s’agit de l’absence d’un véritable projet alternatif anticapitaliste. En effet, si acérées que soient les critiques contre la "marchandisation du monde", l’exploitation des pays émergeants, le saccage des ressources de la planète ou la culture mondialisée à vocation cosmopolite, force est de reconnaître que pour le moment il n’y a pas de projet global, système contre système. Par ailleurs, ce mouvement a retrouvé la dimension internationaliste des idéologies anarchiste, marxiste et tiers-mondiste, qui se manifeste de façon éclatante lors du Forum mondial annuel de Porto Alegre ou du Forum social européen (le deuxième du nom, après celui de Florence, aura lieu à Paris en novembre prochain). Généreux et romantiques, ces mouvements sont l’aiguillon qui pousse les gouvernements à ne pas céder devant le rouleau compresseur "des lois du marché". Ils font oeuvre, aussi, d’éducation populaire au niveau international, pour que les opinions publiques comprennent que le productivisme ne peut pas être la fin de l’Histoire. Pour autant, il reste à théoriser ces luttes en collaboration étroite entre militance et ce que Bourdieu appelait "l’intellectuel collectif". Il reste ,aussi, à concilier tout cela avec la gestion quotidienne de la vie sociale dans son ensemble, et la nécessaire articulation avec les partis politiques, dont l’objectif continue d’être, dans les pays démocratiques, le gouvernement des États.

François-Xavier Barandiaran