Le Café Politique

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  • Rubrique
  •   H62 Gouverner la ville : Les habitants face à la puissance publique en Californie.

    Présentation : Pierre Lefèvre

    Docteur en géographie et aménagement

    Lundi 17 Mai 2010

    20h45 Salle de réception du stade de Balma

    En partenariat avec l’APCVEB et le soutien de la Mairie de Balma, le Café Politique invite le lundi 17 mai le "Café Savoirs". Initiative de l’université de Toulouse le Mirail, dont l’objectif est de faire se rencontrer chercheurs et citoyens.

    A partir des exemples de Los Angeles et de San Francisco, cette rencontre, sera l’occasion de réfléchir à la question de la gouvernance démocratique des grandes villes. L’agglomération toulousaine, qui connaît grâce à son dynamisme un développement très rapide, finalise actuellement la révision du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT). L’expérience californienne, analysée par Pierre Lefèvre, pourra apporter un éclairage utile, pour penser la future métropole durable qu’ambitionne de devenir Toulouse.

    Ci-dessous, quelques extraits de la thèse de Pierre Lefèvre.

    À l’heure où l’on s’interroge sur l’avenir institutionnel du grand Paris et où l’on observe l’adoption massive du régime intercommunal sur l’ensemble du territoire français, la question de la gouvernance des grandes agglomérations s’impose comme un enjeu de société majeur. Cette question est par ailleurs loin d’être une préoccupation franco-française, et pour cause. Dans un contexte mondial marqué par un processus de métropolisation, les villes connaissent des mutations profondes – spatiales, sociales, économiques – qui remettent en cause le contrôle qu’exercent les sociétés sur leur environnement urbain.

    Les Nations Unies estiment que depuis l’année 2008, plus de la moitié de la population mondiale est urbaine et que la grande majorité de ces nouveaux urbains se concentrent dans de grandes agglomérations millionnaires. Si les grandes agglomérations urbaines attirent ainsi les populations autour du globe, c’est qu’elles sont devenues les lieux centraux de production de richesse. En effet, au lieu de contribuer au déclin des villes, les évolutions des moyens de transports et des télécommunications ont fait d’elles des commutateurs urbains, des lieux de transactions, d’échanges, de rencontres,

    Le constat le plus évident est celui du décalage entre l’espace concerné par les mobilités et interactions quotidiennes inhérentes au fonctionnement de la métropole et les différents périmètres administratifs qui la "recouvrent". Le changement d’échelle des questions de mobilité, de mixité sociale ou de dégradation de l’environnement, par exemple, appelle la construction de modalités d’action politique adaptées. Cependant, la morphologie changeante des espaces urbains soumis à la métropolisation n’a pas seulement une incidence sur la nature des problèmes que l’on tente d’y résoudre ; elle transforme aussi les conditions politiques du traitement de ces problèmes. Lorsque l’espace urbain s’étale et que l’accès à certains espaces convoités devient un critère d’ascension sociale ou la condition de la prospérité économique, le maillage municipal cristallise les tensions sociales et la concurrence économique à l’intérieur de l’agglomération.

    Notre travail porte sur les régions de Los Angeles et San Francisco, qui sont les deux principales agglomérations de Californie. Il s’agit, à de nombreux égards, de terrains emblématiques des travaux de géographie urbaine des dernières décennies. Des lieux comme la Silicon Valley ou Hollywood sont par exemple symboliques des travaux sur les mécanismes d’innovation et de spécialisation qui génèrent des économies d’agglomération et contribuent ainsi à la concentration des activités économiques au sein des régions urbaines. De même, lorsqu’on évoque l’étalement urbain, l’automobilité ou de nouvelles formes urbaines comme les gated communities, Los Angeles et la Californie du Sud sont devenues des modèles incontournables, au point que certains auteurs en viennent à critiquer la Losangelization du débat sur l’urbanisation.

    Les manifestations du référentiel régionaliste dans les agglomérations de Los Angeles et San Francisco ne peuvent être réduites à une réaction localisée vis-à-vis de l’injonction à la compétition économique internationale. La compréhension du phénomène passe par une analyse des dynamiques territoriales à l’œuvre et des acteurs qui y prennent part. Les dynamiques observées sont complexes et ne se limitent pas non plus à l’application pure et simple d’une série de principes et de recettes politiques dans un espace donné. Si elles sont affectées par les injonctions "d’en haut" et par les modes politiques, les métropoles n’en restent pas moins des laboratoires où s’expérimentent les solutions aux problèmes concrets et routiniers. Certaines de ces solutions peuvent s’avérer innovantes, être médiatisées – qui n’a jamais entendu parler du miracle économique de la Silicon Valley ? – et participer ainsi à l’évolution globale de la perception des enjeux urbains et de la façon de les traiter. À l’instar d’A. Faure qui renverse l’expression consacrée et explique que les choix de société ne s’opèrent pas seulement dans un cadre national ou mondialisé mais que l’on pense local pour agir global, nous défendons l’idée que les controverses à l’échelon des agglomérations urbaines contribuent à structurer les principes de la régulation politique nationale, voire au delà. En la matière, les deux cas analysés ici suggèrent qu’un système de gouvernance qui nierait la complexité des métropoles serait voué à l’échec mais qu’en revanche, la pluralité n’est pas synonyme d’ingouvernabilité dès lors qu’elle est acceptée.