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   Écologie : repenser l’humanisme

mardi 9 octobre 2018, par Joseph Saint Pierre

Le libéralisme économique est-il compatible avec l’écologie ?

Le sujet est apparemment simple, mais il est vaste et complexe. L’écologie appréhendée d’un point de vue politique ne permet pas de voir ce que les enjeux liés aux changements climatiques, à la crise de biodiversité, aux diverses pollutions ont des éléments historiquement et philosophiquement profonds. L’existence des organisations qui défendent la nature, les animaux, les mers, les paysages, les partis politiques verts, écologistes pose implicitement des questions qui remettent en cause une assez longue tradition philosophique et politique. Le libéralisme philosophique ne concerne que les êtres humains, les organisations humaines, la place des individus humains dans une société humaine, il n’y pas vraiment de réflexion sur le non humain.

Le libéralisme est apparu dans des sociétés où les religions monothéistes étaient encore très présentes et le non humain était censé être pris en charge par les déités.

La croissance de la population humaine et surtout l’utilisation des ressources naturelles ont modifié certains équilibres, les limites physiques sont apparues plus perceptibles. L’impact de l’activité humaine sur le fonctionnement de la nature est contesté par certains, mais cette constatation semble en recul. Cela semble le cas en ce qui concerne le changement climatique.

Les changements nécessaires pour limiter les conséquences de l’action humaine remettent peut être en cause des fonctionnements économiques, politiques mais ils remettent aussi peut être en cause des principes philosophiques très fortement ancrés qui tendent à placer l’espèce humaine à part dans la nature et empêchent de voir les nombreuses interactions entre les humains et leur milieu.

Une approche intéressante peut passer par des comparaisons avec des sociétés assez différentes comme le fait Philippe Descola dans « L’écologie des autres : l’anthropologie et la question de la nature. »

La prise en compte de la nature dans la politique pose un problème, comment prendre en compte des êtres, des éléments qui n’ont pas la parole et ne peuvent donc pas s’exprimer ? En se restreignant aux êtres humains la prise en compte des générations futures d’humains pose un problème similaire. Dans la plupart des systèmes politiques il est assez difficile d’envisager des problèmes qui viendront dans 100 ou 200 ans. Les enjeux écologiques sont potentiellement à long ou très long terme et cela est peu compatible avec des décisions qui sont à court terme.

Les difficultés à prendre en compte les enjeux écologiques dans les choix politiques semblent donc liées à des changements de repère, quelle est la place de l’espèce humaine dans la nature et des changements d’échelle temporelles.

Complément : local/global

Les enjeux écologiques sont difficiles à appréhender par les politiques traditionnelles fondées sur l’existence des états nations alors que les événements de nature écologique peuvent être mondiaux, comme le changement climatique ou très locaux comme la pollution liée à une usine, ou une circulation intense, une pollution peut-être assez locale et concerner plus d’un pays si cela concerne un fleuve frontalier comme le Rhin ou le Danube. En 1986 le nuage radioactif lié à l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl n’avait pas pu passer les frontières hermétiques de la France :-)

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), son existence, son activité, ses rapports, ses recommandations montrent la volonté d’une réflexion mondiale sur le changement climatique, qui est un des principaux enjeux écologiques parce qu’il est lié à d’autres risques comme la disparition de certaines espèces. Mais cette volonté d’avoir une approche mondiale peut s’opposer à des volontés de non participation de certains états et pas nécessairement des moindres. Même dans les pays affichant une volonté de coopération mondiale pour les enjeux écologiques il existe des caractéristiques nationales plus ou moins fortes qui peuvent fausser les coopérations mondiales, au nom d’une défense de la souveraineté.

Pour combattre les risques liés au changement climatique, mais aussi aux autres pollutions, il semble important de modifier l’urbanisme, l’occupation des sols, les types de constructions, les modes de déplacement, etc. Il est peut être plus pertinent de laisser des marges de manœuvre et même d’autonomie aux entités locales, régionales le soin de définir des orientations. Les plans de déplacements existe pour des agglomérations, mais aussi pour des entreprises, des administrations. On peut envisager des politiques concernant des quartiers, voire des copropriétés pour économiser de l’énergie, diminuer le dégagement de gaz à effet de serre ou de polluant etc. On passe encore trop souvent du niveau national au niveau individuel. Choisir un déplacement à bicyclette peut être un choix individuel, mais avoir des pistes cyclables sécurisées et suffisamment nombreuses dépend d’un aménagement local et pas nécessairement des plus hautes autorités de l’état en matière d’écologie.

Une approche écologique de l’économie semble favoriser une certaine relocalisation des activités pour éviter des transports trop longs et trop consommateurs d’énergie. Cela peut aller à l’encontre d’une vision de l’état, des postes de commandes centralisés qui se déplacent en province et aussi dans l’outremer. Ces déplacements nombreux et en avion peuvent sembler normaux pour des ministres en général et un peu en contradiction pour la personne en charge de l’écologie.

En favorisant l’augmentation des responsabilités individuelles, locales, régionales, tout en favorisant une prise en compte des enjeux mondiaux les dangers écologiques comme le changement climatique peuvent porter atteinte à une organisation politique fortement marqué par sa dimension nationale et centralisée.

Peut être le seul endroit légitime de parler d’écologie et politique est le ministère dont c’est l’attribution mais il peut être intéressant de discuter cela dans un café provincial.