Le Café Politique

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  • Rubrique
  •   H65 Bilan social et politique d’une mobilisation exceptionnelle

    Invité : Nicolas Séné, journaliste

    Auteur de : " Derrière l’’écran de la révolution sociale ", Éditions Respublica.

    Voir https://revolutionsociale.wordpress...

    Lundi 22 novembre 2010

    20h45 Salle de réception du stade de Balma

    La réforme des retraites préparée par Sarkozy, Woerth et Fillon a été promulguée le 10 novembre. Si quelques sénateurs centristes ont eu quelques états d’âme, le gouvernement a réussi à imposer sans difficulté son texte aux parlementaires. Dans notre République, depuis la réforme Jospin sur l’inversion du calendrier électoral, les députés sont élus pour soutenir le Président et une réforme importante ne peut donc pas être désavouée sur le fond par le Parlement. Pour beaucoup notre démocratie, avec son Président élu au suffrage universel, est conforme à l’article 2 de notre constitution, qui affirme le principe du : « gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple ». Les citoyens pourront reprendre la parole en juin 2012, en attendant ils n’ont qu’à travailler et consommer !

    Cette vision d’une démocratie représentative poussée à l’extrême s’est heurtée pendant quelques mois à la volonté des syndicats et de beaucoup de citoyens d’empêcher, non pas une réforme des retraites, mais la réforme Woerth, que beaucoup d’analystes ont jugée injuste et globalement pas très efficace. Dans une ambiance malsaine de crise économique et d’affaires politico-judiciaires, des millions de manifestants, soutenus par une large majorité de l’opinion publique, ont plusieurs fois signifié leur désaccord avec cette réforme et plus globalement leur désaveu de la politique inspirée par Nicolas Sarkozy. Des grèves et des blocages ont montré l’exaspération de nombreux travailleurs du public et du privé. Les syndicats unis ont fait leur possible pour que la pression sociale fasse reculer le gouvernement, mais aussi pour contenir une très forte mobilisation et empêcher un blocage dommageable pour tous de l’économie. Tous les partis hormis l’UMP ont exprimé, soit des critiques modérées, soit un désaveu profond des options choisies par Eric Woerth. A tout cela une seule réponse : « nous sommes élus et nous faisons ce que nous pensons devoir faire ».

    Chacun à le droit de perdre une journée à manifester, de perdre une partie de son salaire en faisant grève ou de recevoir quelques coups de matraques, s’il s’aventure à faire un blocage quelconque. Le droit de manifester existe encore, celui de faire grève aussi, mais ils ne servent à rien ! Dans cette logique d’une démocratie réduite à l’élection tous les 5 ans d’un « grand chef tout puissant », le rôle des contre-pouvoirs est minimisé et les dérapages des services centraux, comme dans les multiples affaires qui concernent le contrôle des journalistes, sont considérés comme normaux tellement l’intérêt de la Nation est identifié à celui du pouvoir en place.

    Le pouvoir politique a traité la démocratie sociale de contre-pouvoir négligeable, cela laissera des traces durables dans l’opinion publique. Le profond ressentiment des nombreux travailleurs, qui ont eu l’impression d’être méprisés par le pouvoir, se traduira t-il par de nouvelles stratégies de luttes sociales ? Les syndicats en profiteront-ils pour élaborer une nouvelle dynamique ou seront-ils de plus en plus souvent débordés par une base radicale ? Les partis les plus à gauche pourront-ils offrir un débouché politique à la revendication sociale ou cette crise, en confortant la volonté de changement politique, favorisera-t-elle une opposition modérée ? L’électorat âgé, traditionnellement conservateur et relativement privilégié dans le système actuel, acceptera-t-il d’entendre l’inquiétude et la souffrance des jeunes générations ? Enfin ce raidissement du pouvoir n’est-il pas, plus qu’une démonstration de force pour rassurer l’électorat traditionnel de l’UMP, le symptôme de la crise profonde de la droite française, que vient encore de mettre en lumière le récent feuilleton du changement de gouvernement ?

    La France n’est pas le seul pays confronté à cette crise de la démocratie. Dans un contexte économique et environnemental défavorable, le libéralisme plus ou moins social semble de plus en plus en difficulté pour gérer une mondialisation anarchique. Notre modèle de démocratie représentative, que nous avons exporté, souvent avec fierté mais parfois aussi à coup de bombes, n’est-il pas en train de traverser une des plus grandes crises de son histoire ?

    François Saint Pierre

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    - La salle de réception du stade de Balma se trouve derrière les tribunes du stade au premier étage. Le stade est près de la sortie de la rocade N°16 (Balma / Soupetard) au premier Rond point en direction de Balma. Il y a un grand parking à l’entrée du stade.