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  L’écologie est-elle compatible avec l’ultralibéralisme économique ?

mardi 22 février 2005, par François Saint Pierre

La critique de la société de consommation dans les années 68 était à l’intersection de la contestation de l’organisation sociale (marxisme, socialisme, anarchisme, MLF etc…) et de l’écologie. Sans trop d’illusions sur la capacité du peuple à réorganiser le social, pour plus de justice en France et dans le monde, je pensais néanmoins que la cohérence du discours écologique allait rapidement s’imposer à tous. Erreur d’appréciation…Les logiques politiques qui se sont affirmées depuis les années 80, ont non seulement pas remis de l’équité dans le système, mais ont au contraire survalorisé la compétitivité et l’individualisme. L’écologie qui est la prise de conscience de la solidarité fondamentale entre l’homme et la nature a eu un succès d’estime mais s’est faite rejeter à la marge du politique.

Ceux qui parlent de catastrophes possibles sont de suite mis dans le camp des nostalgiques de la lampe à huile et de la marine à voile. Depuis 40 ans, comme Cassandre devant le Cheval de Troie, quoi qu’ils disent, ils ne sont pas entendus par les « décideurs ». Notre modernité se croit encore du côté de Prométhée, celui qui voit avant et qui aide l’humanité grâce à la technique, mais elle est en fait du côté d’Epiméthée, celui qui voit après et qui à ouvert la boite de Pandore. Pourquoi les grands problèmes écologiques n’ont pas investi le débat public ? Pourquoi les médias n’ont pas joué leur rôle ? Pourquoi les politiques sont-ils devenus sur ce sujet les champions de la langue de bois (cf. les déclarations énergiques du président Chirac au moment ou le budget de l’ADEME est baissé de 20%) ? Pourquoi les citoyens ne sont-ils toujours pas décidés à comprendre que l’écologie est l’affaire de tous, dans le quotidien comme dans les choix électoraux ?

La prise en compte de l’opinion de tous optimise les choix de société, à condition que les citoyens soient suffisamment informés pour analyser leur environnement immédiat et la situation globale. Sur les grands problèmes environnementaux on est loin du compte, l’écart entre la complexité des problèmes et la culture citoyenne de base est phénoménal. Terreau idéal pour tous les lobbies privés ou étatiques. La croyance idéologique d’un progrès scientifique et technique qui conduirait inexorablement l’homme vers la maîtrise de la nature est toujours vivace sous la forme postmoderne d’une croissance économique infinie, pourvoyeuse inépuisable de bienfaits.

Les scientifiques sont les premiers à croire aux vertus de la science, mais aussi à ses limites notamment physiques. C’est eux qui ont commencé à alerter l’opinion publique sur les risques écologiques (climat, nucléaire, pollution, énergie etc.…). C’est eux qui ont expliqué que les risques n’étaient plus localisés mais globaux. Quand les catastrophes ont des effets limités, le modèle de la responsabilité individuelle et du dédommagement peut, via les assurances, fonctionner. Mais déjà les assureurs ne veulent pas couvrir les risques liés aux OGM et ils ont beaucoup de mal à dédommager une marée noire. (cf. les 9 milliards d’euros de bénéfices de Total à rapprocher des faibles indemnisations des dégâts d’AZF et de l’Erika…..) Assurer les prévisibles désastres planétaires n’est pas la solution. Ne faut-il pas plutôt, comme le recommande le principe de précaution, envisager le plus tôt possible les effets pervers possibles du développement économique ? L’ultralibéralisme, qui valorise le rendement à court terme et qui ne voit que la responsabilité individuelle pour réguler le système, ne peut pas permettre la moindre anticipation des effets négatifs pour la collectivité. La merveilleuse « main invisible » d’Adam Smith, ne s’occupe pas du réchauffement planétaire !

L’humanité continue à foncer tête baissée vers d’énormes difficultés. Beaucoup d’inconscience dans cette attitude, mais aussi une volonté délibérée de ceux qui ont intérêt à conserver ce modèle qui leur réussit si bien. Cette minorité, bien pourvue en moyens financiers, occupe des places cruciales dans le système médiatique et politique. (Il suffit de regarder qui sont les propriétaires des grands journaux et des chaînes de télévision). Aux citoyens de faire des efforts pour trouver les arguments nécessaires afin de ne pas se laisser manipuler. Il ne s’agit pas d’empêcher les pays pauvres d’accéder à un niveau satisfaisant de confort, mais de construire au niveau planétaire une économie plus juste et plus durable dont l’objectif est d’augmenter la qualité de vie de tous.