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  Pour une économie libérée

samedi 14 octobre 2017, par Stuart Walker

Force est de reconnaître que les Français se distinguent par leur inconstance. Ayant fait démissionner un Président de centre gauche, critiqué de toutes parts pour son indécision, ils ont réussi à le remplacer par un alternatif du centre droit. Celui-ci a défini préalablement ses objectifs, et s’est doté des moyens de les atteindre. Au bout de seulement quelques mois, voilà que l’acharnement recommence.

Macron est sorti vainqueur d’un long processus électoral. Le soupir de soulagement qu’a provoqué le résultat était presque audible. Ceux qui n’en voulait pas avait l’embarras de choix. Parmi les 26 autres candidats le champion de la gauche proposait l’argent gratuit à tout le monde pour éradiquer la pauvreté. Il a recueilli 10% des voix.

Le monde n’a pas encore inventé de meilleur moyen pour un pays de choisir son chef d’état que des élections parlementaires. La réponse à la question "que faire après l’élection ?" la réponse est : gouverner. Ce qui ne sera possible sans respecter la confiance donné, ni accorder un minimum d’autorité, pendant la durée convenue. Un pays n’est pas une quo-opérative ouvrière. La quatrième république changeait de président pour un oui ou un non. Les résultats n’étaient pas concluants.

On est loin du bonapartisme, quoique Napoléon a accompli beaucoup de positif lors de son Consulat. Seulement il s’est grisé par le pouvoir. Si Macron prend le même chemin, le peuple le lui feront savoir. Il avait compris que la gauche et la droite étant divisées et décrédibilisées, la seule alternative pour sortir de l’impasse était de créer une nouvelle entité en reprenant les meilleurs idées des deux camps. De Gaulle s’était doté un gouvernement paritaire gauche/droite et avait permis à la France de se reconstruire.

Si quelqu’un veut faire bouger les lignes, c’est bien Macron. Mais les obstacles sont nombreux et lourds, souvent l’immobilisme des corporatismes et des intérêts acquis. Tout le monde veut que ça change, à condition que ce ne soit pas à ses propres frais.

La dérive monarchique n’existe que dans l’imagination des Cassandres. "On discute peu" est une contre-vérité. Macron avait passé plus de 200 heures en discussion avec les parties concernées pour faire accepter sa premier loi. Celle qui vient d’être entérinée l’a été sans les turbulences engendrées à l’époque de Mme El Khomry. Si Macron a réussi à faire voter une Chambre qui le soutient, il est par ailleurs encadré de contre-pouvoirs : le Sénat, le Conseil Constitutionnel, les corps intermédiaires, les instances territoriales, les Mairies , la Justice, les média, la rue... et bientôt une droite dure reconstituée. Il y a une différence entre autorité et le despotisme.

Le portrait de Macron comme le porte-parole du monde de la finance, qui a discerné en lui le plus à mémé à défendre ses intérêts, est une caricature. Est-ce que Ricoeur, Attali, Gallois ... font tous partie d l’entre-soi des grandes familles bourgeoises ? Ce dernier en tout cas a même négocié à la baisse son salaire, quand il a été nommé à la tète d’Airbus.

Aucun système n’a trouvé la clé pour éradiquer la pauvreté. Il y a des chances que ce soit de même pour les riches. Il faut sans doute accepter leur existence, en se consolant par l’idée que l’argent, s’il peut rendre la vie plus facile, ne garantit pas toujours le bonheur. Selon Macron "Il ne faut ni le chérir, ni le mépriser" . Dans son bagage, il n’a pas particulièrement mis en valeur la théorie du ruissellement. Une autre allégorie, citée par Kennedy, semble être plus juste pour résumer sa philosophie économique : "Une marée montante soulève tous les bateaux".

Pluton que de tenter d’interdire la richesse, une approche plus pragmatique serait d’humaniser la façon dont elle est acquise et l’emploi qui en est fait.

Même une majorité de la droite républicaine considère comme normal un niveau de protection sociale au delà de ce qu’ imaginait les pères fondateurs du socialisme. On a peut-être atteint les limites de ce que peut soutenir une population vieillissante. La France est championne d’Europe des prélèvements obligatoires, avec peu de retour au niveau des emplois . Les 3mds cédés par la modification de l’ISF peuvent être considérés comme un investissement. C’est une somme modique par rapport aux 430mds de transfert social, montant qui engendre une spirale de crédit/endettement.

Macron n’est pas de ceux qui croient que l’on peut confier l’intérêt général aux bons soins de la main invisible. Il n’a pas l’intention d’abroger la mesure par laquelle Hollande à sorti 1m de foyers modestes de l’impôt sur le revenu. D’après une étude publiée dans Le Monde, seuls certains retraités aisés seront globalement pénalisés par l’effet combiné de la hausse de la CSG et la baisse des cotisations sociales (sans compter les éventuelles dérogations de la taxe sur l’habitation.) Si le "flat tax" peut paraître injuste, on peut légitimement demander un effort à la "silver economy", qui a joui des avantages des 30 glorieuses, avantages qui ne font pas partie des perspectives des jeunes d’aujourd’hui.

Macron a commencé par le plus difficile, sans doute sur le principe que "qui peut faire le plus peut faire le moins. Le chantier de la formation (la contrepartie de la flexibilité) sera un test. Les 15mds promis devraient aider à faire bénéficier enfin les fonds de formation à ceux qui ont le plus besoin.

L’avenue d’une retraite à points rencontrera le plus de résistance de la part du secteur public, qui y verra une érosion de son différentiel avec le privé. Sans doute un grand nombre des agents de la fonction publique sont dévoués. Mais leur statut date de 1946, et a besoin d’être fluidifié. Ils ne peuvent assurer leurs missions efficacement en cumulant des sureffectifs, l’emploi à vie, l’avancement par l’ancienneté, les congés plus longues, les horaires plus courtes.... Les entreprises ont appris à "faire plus avec moins" en intégrant de nouvelles contraintes administratives, de sécurité et de qualité. La Suède a réalisé d’importantes économies en introduisant des passerelles entre les deux secteurs.

Macron a raison de mettre l’Europe au cœur de ses préoccupations. Il sait que son délitement signalera le risque d’un retour de ses vieux démons : deux guerres mondiales en un siècle, déclenchées par des conflits sur le continent. Ses propositions ne sont pas celles d’un libéralisme débridé. Sa politique européenne a même le soutien Yannis Varroufakis. Il préconise "une Europe qui protège". Il a choisi des partenaires européens pour sauver ce qui peut être sauvé d’Alstom, et des Chantiers Navals de St Saint-Nazaire. Sans les interdire, il préfère un régime plus restrictif pour les travailleurs détachés. Il souhaite un prix juste pour les agriculteurs pour qu’ils n’aient pas d’autre choix que de recourir à des méthodes industrielles ou de disparaître

Il a félicité Merkel pour avoir "sauvé l’honneur de l’Europe" L’Allemagne a accueilli sur son sol un million de réfugiés ; la France une trentaine de milliers. Lequel des deux a fait le plus pour l’humanité ?

Le plus grand danger que confronte Macron, c’est qu’une tendance à l’arrogance dégrade son image personnelle au point d’exaspérer les populations des banlieues toxiques et de la ruralité. S’il réussit à libérer les énergies et talents de la population, tout en gardant des minima sociaux, il aura transformé le pays en une sorte de Canada de l’Europe. Si, en créant une France à deux vitesses, il est désavoué en 2022 en faveur d’un Jean-Luc Mélenchon , on aura pris le premier pas sur la pente glissante suivie actuellement par l’Argentine.