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  LE SOCIALISME : REQUIEM IN PACE

lundi 24 novembre 2014, par Stuart Walker

Par les temps qui courent le pragmatisme nous servira mieux que les dogmes. Si on prend un exemple historique, Henri 1V était un Protestant qui s’est converti en Catholique pour une cause supérieure : la tolérance. Il a été vilipendé par les extrêmes. Par rapport à application de l’Edit de Nantes la réforme territoriale est un jeu d’enfant. Il a donné lieu à d’innombrables négociations et dérogations. Le Henry bashing était un sport national qui a fini comme on le sait. Et pourtant c’est un roi qui a redressé une économie en ruines, et jeté les bases d’un état moderne, très largement décousues par son successeur.

Ce qui ne veut pas dire qu’il faut jeter le bébé avec les eaux sales. Camus distinguait deux types de pauvreté. D’une part un noyau dur qui ont l’assistance quasiment dans leur ADN. Il y a plus de 2000 ans il a été dit que nous aurons toujours les pauvres avec nous. Pour ceux-là il est humainement indispensable que l’état fournisse un filet de sécurité. Blair ne disait ni ne faisait autrement en Angleterre.

Et, d’autre part, il y a les pauvres méritants, qui ne demandent de l’état qu’un coup de pouce pour s’en sortir. Si l’ascenseur social est en panne, on peut éclairer l’escalier pour qu’ils puissent le prendre. L’Angleterre n’est plus l’état providence qu’elle était, mais une statistique entre d’autres indique que, par exemple, les enfants des immigrants du Bangladesh à Londres, à priori d’un milieu modeste, ont un taux de réussite, à l’examen de fin de scolarité, deux fois supérieur à celui des enfants des Londoniens de souche.

Le niveau de protection sociale en France, unique parmi les pays développés, n’est malheureusement pas soutenable. Les visionnaires de l’époque de Jaurès ont accompli leur mission. Est-ce qu’on peut continuer à épaissir le Code de Travail ? Si l’état ne peut équilibrer son budget, comment peut il le demander au citoyen ?

Un autre regard ailleurs peut être instructif. Les 100mds de dollars que l’Iran a dépensés en subventions en 2013 n’ont pas empêché les salaires de baisser de 40% et le chômage de monter en flèche. Le Venezuela, qui, lui aussi, subventionne massivement, n’est pas mieux loti. Jospin était un prophète dans son pays quand il a dit que le Socialisme ne peut pas tout faire.

Le sociologue américain Jérémy Rifkin trace, dans son dernier livre, un avenir ou le capitalisme sera remplacé par une économie de partage et de recyclage. Plus près de chez nous, Jacques Attali se fait l’avocat d’une société ou l’individu s’assume, basée ni sur le modèle Allemand, ni sur celui des Etats-Unis mais sur celui d’une France libérée Ces deux auteurs ont des affinités certaines avec les fondamentaux des valeurs de gauche

Le Socialisme en tant que doctrine relève cependant d’une autre époque. C’était la réponse aux affres de la Révolution Industrielle et la première guerre mondiale. Il a fait son temps. Mieux vaut aujourd’hui la Troisième Voie, une nouvelle gauche plurielle, englobant les progressistes du centre et les écologistes. Faut de quoi, le mieux que la majorité puisse espérer pour le deuxième tour en 2017 est un remake de 2003, avec Juppé dans le rôle de Chirac.

Une telle alliance tournerait le dos à la méfiance de l’entrepreneur, et le mépris du technicien. Elle reconnaîtrait que certains syndicats se rangent parmi les nantis. Elle tiendrait compte du monde tel qu’il est. Faudrait-il que les dizaines de millions, que la globalisation a permis de sortir de l’extrême pauvreté, fassent marche arrière pour que nous puissions conserver nos privilèges ? Ce sont pour la plupart des gens qui travaillent plus, et gagnent moins, tout en économisant davantage.

François Hollande est sans doute la victime volontaire, mais expiatoire, des adaptations qui s’imposent. D’autres chefs d’état avant lui, en Allemagne, en Suède, au Canada… ont redressé l’économie de leur pays au prix de leur mandat. Desservi par la Présidentialisation rampante, il n’est pas le seul à être accusé par les Cassandres de tous les maux de son pays. Barak Obama se trouve aujourd’hui face à un Sénat hostile ayant comme programme d’exercer ses pouvoirs de blocage accrus.

Il faut néanmoins un capitaine à bord, ne serais-ce que pour attirer les foudres des mécontents, et permettre à ceux qui l’entourent de faire le job au quotidien. Ses nouvelles nominations (Royale, Macron, Cazeneuve, Belkassem ..) ne sont pas sans compétences. Est-ce que les frondeurs feraient mieux à leur place ? Si les critiques les plus volubiles ( Duflot, Mélenchon....) tenaient les rennes demain, est-ce que le pays pourrait continuer à pouvoir payer ses fonctionnaires grâce à la possibilité d’emprunter à 1% ? Que ferait le retour de la cupidité décomplexée, ou un programme de 500mds d’économies, pour les plus fragiles ?

Quoi qu’il arrive, Hollande laissera un solde positif. Le CICE est une mesure phare destinée à pallier aux difficultés chroniques des entreprises. (Il a été mis en place suite au rapport Galois, quelqu’un qui, lorsqu’il était PDG d’un fleuron français, a négocié son salaire à la baisse.) Les emplois jeunes, les créations d’emploi à l’Education Nationale, un début de refondation de l’école, sont aujourd’hui des réalités. La réforme de la Formation Professionnelle rendra la formation plus accessible à ceux qui ont le plus besoin, et les formations plus adaptées à l’employabilité. La transition énergétique est sur la table. Les démarches administratives des entreprises et des citoyens sont en train d’être simplifiées. Il y a eu des progrès réels sur le non-cumul des mandats, et la parité. Les Parlementaires déclarent la totalité de leurs revenus. Les abus des services sociaux sont sérieusement traqués. Les professions réglementées vont s’ouvrir à la concurrence. Ceux qui le veulent vont pouvoir ouvrir leur magasin le Dimanche. Cette administration a fait plus pour avancer le nécessaire redécoupage des Régions que la précédente, qui, elle aussi, le considérait comme souhaitable. Presque 2 millions de foyers modestes vont sortir de l’impôt sur le revenu. Un début de rationalité a été introduit dans la répartition des allocations familiales. Les retraites chapeau sont en ligne de mire…

Ce gouvernement a indiscutablement eu une influence sur le climat d’opinion à Bruxelles, ou l’excès d’austérité commence à être critiquée, ou on parle d’un plan d’investissement de 300mds, et ou Mr Junker est critiqué pour ce qu’il a laissé faire au Luxembourg.

Les chantiers mis en place demandent patience et persévérance. Pour ne pas être abrogeables, l faut que leurs instigateurs écoutent et tiennent compte des avis de toutes les parties concernées. La preuve qu’on est en démocratie est que, lorsque on veut aller trop vite, les opposants peuvent effectivement démettre leurs élus, comme ils l’ont fait en 1997.

Les objectifs de justice sociale restent primordiaux. Les divergences se situent au niveau des moyens pour les réaliser. Oui, on peut lutter contre les écarts de revenu soulignés par Piketty, contre les paradis fiscaux, les dérives de la finance, l’explosion de la détresse, les poudrières que sont les ghettos… tout en desserrant les carcans qui freinent les initiatives des forces vives du pays. Mais ce n’est pas le Socialisme de nos aïeux qui va le faire.