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  Quels espaces agricoles et naturels pour Toulouse ?

mardi 20 septembre 2011, par François Saint Pierre

L’équilibre ville-nature-campagne siècle n’a pas été un problème jusqu’au milieu du XXème. Les grandes cultures se faisaient un peu loin de la ville, les maraîchers étaient à l’orée des habitations, quelques forêts résistaient ça et là, les zones humides étaient asséchées ou rentabilisées au mieux. La ville proprement dite, de superficie réduite, se contentant de garder quelques jardins d’agréments et de maîtriser la Garonne.

L’explosion de l’habitat pavillonnaire en périphérie de Toulouse pendant les années 1960-2000 a profondément changé cet équilibre. Les maraîchers ont disparu des quartiers les plus proches du centre, la vente de leurs terrains au profit de l’habitat a profité à certains, mais a largement contribué à affaiblir les circuits courts traditionnels. Les terres adaptées au maraîchage se font même de plus en plus rares autour de Toulouse. Les nouveaux espaces conquis par la ville ont souvent eu droit à un pourcentage non négligeable de terres non bâties, mais souvent disposées sans cohérence et sans grande utilité sociale.

Toulouse, qui était une ville moyenne, agréable à vivre, se découvre, à l’aube de son nouveau statut de métropole, obligée de changer radicalement de cap. La faible densité induite par l’urbanisation récente, nécessitant l’usage de la voiture particulière, rend d’un côté les transports en commun peu rentables et peu efficaces et de l’autre les modes doux de déplacement inadaptés. Le confort des multiples villas qui réjouit les propriétaires apparaît nettement contraire à l’intérêt général. Pertes de terres agricoles, rejet dans le lointain de la nature, difficultés des déplacements etc…, ce modèle d’urbanisation n’est plus durable, même si avec les années un modèle économique s’est mis en place pour produire à des prix compétitifs ces maisons individuelles. Mais ce modèle à courte perspective, qui ne prend pas en compte les coûts induits croissants des réseaux sanitaires, des réseaux routiers extensifs à développer, des infrastructures sociales diffuses à mettre en place et des nuisances collectives générées par les déplacements quotidiens des habitants aux seules heures de pointe, ce modèle n’est plus viable.

On ne peut pas compter sur une évolution naturelle portée par la demande des nouveaux accédants à la propriété, il faut provoquer un changement radical ! Des textes nationaux et des décisions fiscales adaptées sont nécessaires, on ne peut se contenter des déclarations du Grenelle, il faut faire évoluer les réglementations et résoudre les questions économiques induites. Une métropole même puissante n’a pas forcément les cartes en main pour empêcher le développement d’un habitat diffus très loin de son centre, qui induit les effets négatifs cités plus haut, s’il est le seul accessible au budget des classes moyennes. Cela doit être inscrit dans les documents locaux comme l’InterSCOT, le SCOT, le PDU, le PLH, sans oublier les interfaces avec les utilisateurs que sont les PLU, mais aussi dans un ensemble de décisions locales sur les transports et les aménagements qui rendent ce nouvel urbanisme agréable à vivre. Faire de l’urbain ne saurait se résumer à une liste d’interdictions et d’impositions.

Les documents en cours d’élaboration pour l’agglomération de Toulouse sont tous imprégnés par la prise de conscience que le changement est nécessaire. Le débat ne porte donc que sur le projet et les moyens de le mettre en œuvre. Dans le SCoT en cours d’adoption on peut cerner, à travers deux interrogations qui sont profondément liées, une forte ambiguïté qui peut fortement affaiblir les grands principes évoqués :

- faut-il mettre à l’aide des trames vertes et bleus et par une politique foncière volontariste un peu plus de nature dans la ville ou faire une couronne verte ?

- la polarisation doit-elle se faire à partir du centre de Toulouse ou s’appuyer clairement sur des "pôles secondaires" et des "centralités sectorielles" ?

Le modèle implicite qui semble s’imposer est de faire de Toulouse une métropole forte tout en freinant la tendance actuelle à une urbanisation de trop faible densité dans la périphérie lointaine. L’idée d’une couronne verte autour de l’agglomération correspond à la volonté de préserver à long terme des espaces de nature proche de la ville. Ce choix, est à la fois trop ambitieux par la surface concernée et donc difficilement réalisable, n’a pas de diffusion territoriale ne concernera donc pas le plus grand nombre d’habitants qui résident dans la ville dense et qui sont ceux qui ont le plus besoin, enfin il ne sera pas assurée d’une pérennité intergénérationnelle. Il peut même s’avérer à terme totalement illusoire, l’histoire montrant souvent l’inanité des lignes "Maginot", et laisser penser que la nature n’a pas sa place dans la ville, ce qui n’est pas conforme à l’inversion du regard sur le patrimoine naturel et agricole qui était clairement affirmée dans la Vision Stratégique de l’InterSCoT. Dans ce document c’est bien un "modèle urbain polycentrique et hiérarchisé" qui est mis en avant : ce choix protège les espaces naturels de valeurs et les terres agricoles diversifiées de production nourricière, de détente et de paysages, au contraire d’une ville trop compacte qui n’offrirait pas à ses habitants une bonne qualité de vie et qui sacrifierait la possibilité de mettre en place des circuits courts pour l’alimentation demandés par les urbains d’aujourd’hui. La densité est cruciale à proximité des transports en commun, mais il est cependant important de laisser, dans l’intérêt de tous, des interstices naturels et agricoles suffisants.

La volonté affichée dans le SCoT de construire énormément dans la vallée de l’Hers, alors que c’est une continuité écologique très importante, est l’illustration de cette erreur. La forte polarisation autour du centre de Toulouse est suffisante pour ne pas mettre la vallée de l’Hers dans le cœur d’agglomération.

Il faut donc que la politique d’aménagement de l’agglomération toulousaine se donne les moyens d’une vraie politique d’équilibre de territoires agro-urbains tant en ville qu’en sa périphérie : un « patchwork agro-urbain » . Cela passe évidemment par une politique réglementaire qui permette de signifier clairement que certains terrains n’ont pas vocation, même à très long terme, à être bâti. L’intérêt de cette démarche est de briser la spéculation foncière sur ces zones. Parallèlement un Établissement Public Foncier (il existe déjà un modeste EPF-Local) doit prendre ses responsabilités et acheter des terres, soit pour valoriser directement les espaces de nature, soit pour établir des contrats avec des agriculteurs locaux. Cette démarche nécessitera aussi de la part de la puissance publique un important accompagnement pour mettre en place des circuits de distribution de proximité conformes à la volonté affichée de faire du développement durable. Pour cela le Grand Toulouse dispose d’un atout majeur : le Marché d’Intérêt National (MIN) dont la rénovation et la modernisation sont très avancées.

La Vision Stratégique de l’InterSCoT ainsi que celle du SCoT ont d’ores et déjà affirmé la volonté des diverses collectivités de rendre notre urbanisme durable au regard des nouvelles contraintes énergétiques, écologiques et climatiques. Aux diverses instances concernées de traduire cette volonté dans le réel en s’appuyant sur des textes clairs, des engagements à long terme crédibles et des décisions cohérentes.

François Saint Pierre