Le Café Politique

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  « On ne vous dit pas tout »…sur les retraites

mardi 27 avril 2010, par François-Xavier Barandiaran

C’est tout à fait à propos qu’on peut reprendre le générique de l’humoriste Anne Roumanoff.

Après avoir vanté le système par capitalisation, les effets de la crise ayant rendu ce produit invendable, pour le moment, voilà que le Medef et la droite - et même quelques ténors du parti socialiste – essaient de faire admettre à l’opinion publique d’autres évidences : puisqu’on vit plus vieux, il faudra travailler plus longtemps, en retardant l’âge légal de départ à la retraite et en augmentant les annuités de cotisation. Et, pour faire passer la pilule, le gouvernement accepte du bout des lèvres qu’on tienne compte de la pénibilité de certains métiers.

Évident, Dr Watson ! La réforme des retraites serait aussi simple que ça ! C’est la nouvelle antienne, relayée par beaucoup de médias, qu’on nous rebat ad nauseam, pour gagner la bataille de l’opinion publique. Et pour compléter la dramaturgie on ajoute une note tragique : on fait des projections de déficits abyssaux pour les décennies à venir. Si bien qu’on inocule le doute dans les têtes : qui n’a pas entendu des jeunes actifs, et même des personnes entre 40 et 50 ans, se demander si les système par répartition persistera encore au moment de leur départ à la retraite ? Alors, pour garantir notre système de solidarité intergénérationnelle, l’allongement de la durée de cotisation est vraiment incontournable, et retarder l’âge légal jusqu’à 62 ans voire 65, absolument nécessaire ?

Pour le moment, le Gouvernement consulte, la semaine dernière les syndicats du privé et, cette semaine, ceux du public, et se garde bien d’avancer les solutions proposées. Le parti socialiste, pratiquant une prudence de sioux, ne veut pas non plus dévoiler les siennes : messieurs du Gouvernement, tirez les premiers !

Alors, en attendant le temps des négociations, c’est le moment de mener la bataille idéologique : non, la vraie solution au problème du financement des retraites n’est pas essentiellement d’ordre démographique (le nombre estimé d’actifs qui doivent cotiser pour un retraité). La pérennisation d’un système juste, où les retraités bénéficieraient d’un niveau digne de vie, passe par le partage du travail – obliger des centaines de milliers de plus de soixante ans à allonger leur vie active équivaut à maintenir autant des jeunes au chômage – et de la richesse ajoutée. Mais, justement cela est le tabou auquel la droite ne veut pas toucher, c’est la question dont on ne doit même pas parler ! Le gouvernement exclue a priori de faire appel à une augmentation des cotisations, et surtout d’élargir l’assiette aux « niches sociales », comme l’intéressement aux bénéfices ou les « retraites chapeaux » des dirigeants d’entreprise…Il veut poursuivre dans la logique des réformes initiées par Balladur en 1993 et complétées par la suite en ce qui concerne les complémentaires : calcul de la retraite sur les 25 meilleures années, 40 d’annuités au lieu de 37,5 et indexation des pensions sur les salaires et non sur les prix. Or, cette logique ne peut aboutir qu’à une paupérisation généralisée des retraités que dénonce le collectif d’associations TOP-Alerte. Avec seulement quinze ans de recul on peut constater déjà qu’à cause des carrières tronquées par le chômage et des nouveaux critères de calcul introduits par ces réformes la situation de beaucoup de retraités a bien changé. Si, à la fin du siècle dernier, on a pu parler du pouvoir d’achat confortable des retraités issus de la période des « trente glorieuses », actuellement il dégringole à vue d’œil : alors qu’en 1993 la retraite nette moyenne s’élevait à 75 % du salaire, aujourd’hui elle représente autour de 63 %. Avec des écarts énormes : 826 euros pour les femmes (à cause en particulier des carrières incomplètes) et 1426 euros pour les hommes. Ce qui fait une moyenne pour les 15 millions de retraités de 1126 euros mensuels. Autre chiffre significatif : la moitié des retraités touchent moins que le SMIC. Nous assistons, ainsi, à un recul rapide de la retraite par répartition, ce qui subrepticement est le meilleur moyen d’inciter les français à faire des économies et de préparer les esprits à la retraite par capitalisation. Voilà le nerf de la guerre idéologique qu’on ne doit pas perdre !

Pour se donner les moyens de bien comprendre les enjeux tout citoyen intéressé par la question de la réforme des retraites devrait prendre connaissance de deux documents élaborés par ATTAC-Fondation Copernic : « Dix questions, dix réponses sur les retraites » et « Dix contrevérités sur les retraites ». D’ailleurs, tous les leaders des partis situés à gauche du PS ont paraphé l’appel de l’association Copernic, en affirmant que le débat essentiel sur le financement des retraites est celui d’une nouvelle répartition de la richesse produite. Et cela commence par rétablir plus équitablement la part qui revient aux salariés : on reconnaît, maintenant, qu’en quelques décennies 10 % de la richesse produite a été transférée – pour ne pas dire volée – des salaires vers les dividendes des actionnaires, ce qui, entre autre, a provoquée la crise dans laquelle nous sommes. Or, qui dit augmentation des salaires dit accroissement des cotisations pour alimenter les caisses sociales.

Par conséquent, pour sortir de la crise la seule solution équitable, ce n’est pas de faire payer une fois de plus les salariés, en les obligeant à travailler plus longtemps et en rognant les pensions des retraités, mais en faisant cotiser les profits.

Français, prenez garde : sur la réforme qui vous menace on ne vous dit pas tout !