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  La nature comme enjeu politique

mercredi 14 septembre 2005, par François Saint Pierre

Les pays occidentaux, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, ont traversé une période faste : énergie à gogo, production sans précédent de biens de consommation, croissance et espérance de vie toujours à la hausse. Malgré quelques alertes, notamment venant d’intellectuels comme ceux du club de Rome ou de quelques inquiétudes liées aux premiers chocs pétroliers, l’humanité semblait définitivement bien partie.

Au dire de beaucoup la clef de cette réussite réside dans l’efficacité du modèle libéral et de son axiome de base : si chacun essaye de vivre au mieux et de produire le plus possible de richesse, l’ensemble de la société ne pourra que progresser. Depuis quelques années après l’effondrement du communisme en URSS et dans l’Europe de l’Est, le discours idéologique s’est durci. Armée et police nationale OUI. Santé, sécurité des personnes, organisation de la société, transports etc... NON. Beaucoup de pays suivent sans état d’âme ce modèle, allègement d’impôts et privatisations vont de pair avec l’abandon des responsabilités traditionnelles. Les campagnes électorales d’Angéla Merkel en Allemagne, de Koizumi au Japon, ou même de Sarkozy en France, vont tout à fait dans ce sens. Même si chaque pays a ses spécificités, l’ensemble du monde occidental est plus que jamais aligné sur une idéologie qui privilégie l’individu au dépend de la société et qui reste conforme au discours cartésien d’un homme maître et possesseur de la nature. L’immense convoi de marchandise qu’est devenu notre monde continu d’avancer, la Chine et l’Inde sont même en train de s’accrocher au convoi et consomme de plus en plus d’énergie. « Le mode de vie des américains n’est pas négociable » (G.W. Bush) et ce mode de vie reste la référence.

Pourtant la nature résiste, tsunamis, cyclones, effet de serre, crise énergétique.

- Les optimistes disent que l’homme le temps voulu s’adaptera. On trouvera des nouvelles sources d’énergie, on enfouira le carbone ce qui ralentira le réchauffement de la planète et pour les catastrophes naturelles il suffira d’organiser des services plus efficaces comme on l’a fait dans la lutte anti-terroriste.

- Les pessimistes, souvent pleins d’imagination, prévoient l’apocalypse pour bientôt. Humanité retournant dans les grottes pour survivre dans une planète surchauffée et traversée par des tempêtes à répétition.

- Les pragmatiques se disent qu’il faudra bien s’adapter, quitte à serrer un peu la ceinture, à la fin prochaine de cette période de boulimie, qui restera pour les historiens comme un âge d’or irresponsable.

Évidemment toute l’humanité n’a pas profité des progrès de la science et des technologies. Quatre cinquièmes de l’humanité est resté à l’écart de cette société de consommation. Ce modèle que l’on croyait fantastique, pour des raisons élémentaires de limitation des ressources naturelles, n’est pas généralisable. L’incapacité des Etats-Unis, grande puissance économique, à réagir correctement face au cyclone Katrina est la preuve qu’une société ne peut pas compter uniquement sur l’individualisme et les qualités de chacun pour affronter les grandes difficultés. Il est certes rassurant d’expliquer les faiblesses de cette super puissance par l’incurie et le cynisme d’une équipe de néo-conservateurs ou par un résidu de racisme envers la population noire, mais point n’est besoin de prendre la loupe pour trouver dans notre vieille Europe des dysfonctionnements graves. Par exemple, les digues du Rhône ont, comme pour le Mississipi, la fâcheuse tendance à ne pas résister. En France comme ailleurs, passé les moments d’émotion et de compassion provoquer par les images télés, ces problèmes retombent vite dans l’oubli et ils ne reviennent que rarement sur le devant de la scène au moment des choix électoraux.

Si l’excès de mise en commun conduit à l’inefficacité économique et au totalitarisme, l’ultralibéralisme actuel ne conduit-il pas l’humanité vers une impasse ?