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  Un ogre imaginaire

lundi 8 février 2021, par Stuart Walker

Les lois d’exception qui se déroulent en France sont loin d’être une sérieuse menace pour les libertés fondamentales. Autant ces libertés sont bafouées dans de nombreux pays, autant en France elles se sont consolidées. Le chef de l’État ne porte pas d’uniforme, on n’arrête pas des manifestants par milliers, il n’existe pas sur notre sol des camps de rééducation. Si un PISA du rapport sécurité/liberté à l’échelle mondiale était élaboré, il est probable que la France serait placée vers le haut du classement.

Il est vrai que les bavures policiers, telles qu’elles sont révélées par les caméras et les médias, sont incontestables et inacceptables. Tant que les enquêtes sont confiées à l’IGPN, à la fois juge et partie, la majorité des supposés auteurs seront disculpés. Une autorité indépendante devrait être une priorité de la réforme.

Notons cependant que le Ministre de l’Intérieur a, parmi ses projets, un renouvellement, en nombre et en qualité de formation, des forces policières.

Le tableau est aussi entaché par le traitement de nombreux immigrés, notamment dans la dispersion de camps de fortune sans logement alternatif. Il s’agit de droits universels de l’homme, et non pas uniquement ceux du citoyen de tel ou tel pays. On ne dira jamais assez que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part.

Certaines des mesures peuvent être envisagées non seulement compatibles avec les droits civiques, mais nécessaires à leur maintien. Si des manifestations non autorisées, comportant des éléments plus ou moins armés et excités, ont comme conséquence le blocage de services publics ou le saccage de centres urbains, les autorités ne peuvent se comporter en simple spectateurs. Quel que soit les griefs sociaux à l’origine des telles manifestations, il y a d’autres moyens de les résoudre.

La force doit, bien entendu, être proportionnée. Mais aujourd’hui la police est confrontée à des groupements avec des stratégies quasi militaires, des QG internationaux et une mobilité inédite grâce à la communication téléphonique. Dans ces conditions l’utilisation encadrée et limitée de drones, retoquée par les instances, me semble quand même défendable.

Un autre objectif de la loi sécuritaire est une plus grande réglementation de l’Islam radicale. Celle-ci est un plus grand danger pour les droits civiques que les mesures dites liberticides. Selon un sondage, une minorité significative des Musulmans croient que les injonctions du Coran sont au-dessus des lois de l’État, ce qui est en directe contradiction avec les principes de laïcité établis en 1905. D’autant plus que cette référence est un amalgame sur plusieurs siècles de différentes interprétations des paroles du Prophète, et comporte de nombreuses contradictions.

Les irrégularités sont clairement identifiées : des discours inflammatoires par des imams auto-déclarés dans des mosquées financées par des puissances étrangères ; des écoles primaires privées coraniques susceptibles d’endoctriner des d’enfants de bas âge ; la possibilité de diffuser impunément sur les réseaux sociaux des messages de calomnie, de harcèlement ou de haine raciale, ou les mouvements d’un agent de l’État dont on souhaite l’élimination…

S’il y a un ogre en France c’est ici qu’il se cache. La pratique d’une autre foi, dans les limites de la loi, n’est en aucune façon visée. Mais les auteurs de telles discours ont comme objectif ni plus ni moins que la destruction des sociétés dans lesquelles ils vivent, qu’ils considèrent comme impies.

Jusqu’aux années ’70 il y avait un coin à Hyde Park à Londres réservé à la liberté d’expression. N’importe qui pouvait monter sur un podium et donner libre cours à ses convictions sans restriction du contenu. C’était une attraction touristique, citée dans les manuels scolaires comme emblématique de la tolérance.

Malheureusement ce phénomène a donné lieu à l’idée que Londres était un havre de paix pour des terroristes en herbe. Des cellules se sont installées dans la Cité et la banlieue et il y a eu une série d’attentats. En conséquence, la plateforme d’Hyde Park a été fermée et Londres a aujourd’hui une des plus grandes densités de caméras de surveillance dans le monde. Ce qui n’est pas considéré par la population comme un inconvénient, mais le prix de leur protection.

En ce qui concerne la lutte contre le virus, le resserrement, plutôt qu’un 3ème confinement, était un compromis judicieux. Le choix entre l’économique et le sanitaire a tout d’un dilemme cornélien. Mais les mesures auraient pu être un peu plus contraignantes.

Ceux qui cherchent leur équilibre psychologique par un weekend en Espagne ne servent pas l’intérêt public, ni, à la longue, la leur. L’effet est de compromettre les efforts consentis par la majorité qui respectent les consignes en sacrifiant un peu de leur liberté. Les vaccinations sont obligatoires pour les enfants. Quid pour les adultes qui se comportent comme les enfants ? Ou est la logique qui, au nom des libertés, interdit à la police d’intervenir dans le cas de fêtes nocturnes arrosées dans des locaux privés fermés ?

On ne peut attribuer l’ampleur de la crise sanitaire à la faiblesse à un système trop autocratique. À l’exception peut-être de la Nouvelle Zélande et le Taiwan, aucun pays développé, même ceux cités initialement en modèle, a mieux réussi que nous. La pénurie des vaccins est due en partie au fait que, en bons européens, nous n’avons pas fait cavalier seul, comme l’ont fait les Britanniques. On n’avait jamais réussi à mettre au point un vaccin en un an. Cela a entraîné d’innombrables problèmes de droits de brevets, de contrats financiers, et de logistique.

La Chine est sans aucun doute un pays totalitaire. On ne peut donner aucune crédibilité à leurs chiffres. Mais elle a été capable de remettre en marche une mégapole qui était à l’arrêt. Si on pouvait s’imposer un centième de la discipline acceptée par les chinois on aurait aujourd’hui de meilleurs résultats.

Nous nous sommes dotés d’un arsenal juridique d’une envergure rare dans le monde. Même les auteurs présumés d’attentats ont droit à un avocat, une protection policière, un procès et des conditions de détention respectueuses de leur humanité.

Le pouvoir de l’exécutif est circonscrit par de nombreux contre pouvoirs. A tel point que, depuis le quinquennat, les présidents n’ont qu’une lune de miel pour réaliser leur programme. Les critiques de tout part, dont ils sont ensuite l’objet, réduisent ce qui reste de leur mandat à une présence symbolique. Outre-Manche nous avons vu des gouvernements entravés par 3 ans de discussions sur le Brexit, au détriment de toute législation sociale.

Qu’est-ce qui pourrait remplacer notre système de gouvernement pyramidal ? Une configuration conique avec un vide au sommet ? Toute entité a besoin pour fonctionner d’un responsable, que ce soit une association de quartier ou une instance internationale.

Ce n’est pas une malédiction d’avoir un Président intelligent, apparemment infatigable, déterminé et capable d’entendre l’opinion publique sans en être l’esclave. Avec l’alternative qui se pointe à l’extrême droite, à égalité dans les derniers sondages pour la Présidentielle, nous ne gagnerions ni en sécurité, ni en liberté.