Le Café Politique

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   Requiem pour une candidature mort-née

dimanche 28 janvier 2007

Aux élections présidentielles du printemps prochain, une candidature brillera par son absence, celle, unitaire, des collectifs anti-libéraux. Parce que la candidature probable de José Bové, qui pourrait être officialisée le 1er février, soutenue par les 700 délégués représentant plus de 300 collectifs et par des milliers d’internautes, ne peut être considérée que comme une candidature de rattrapage ! C’est le constat qui s’impose après l’échec, lors du week-end du 9-1O décembre, quand les délégués des 750 comités créés dans toute la France ne sont pas parvenus à un consensus, devant le maintien par le PCF de la candidature de M.George Buffet. Ainsi s’est terminé, tristement, le premier épisode de l’aventure commencée pendant la campagne de ratification d’une constitution pour l’Europe, et poursuivie lors des manifestations victorieuses contre le CPE (Pour certains l’embryon de ce mouvement remonte aux luttes sociales de l’hivers 1995 contre le plan Juppé) . . Bien sûr, la difficulté de trouver un candidat unique n’échappait à personne, devant la large diversité de tous ces anti-libéraux, véritable mosaïque politique, constituée par le parti communiste, les minoritaires de la LCR, des Verts et du parti socialiste (Gauche Républicaine de Mélenchon), par le Mars chevènementiste favorable à une alternative républicaine et sociale et autres militants anticapitalistes, féministes, écologistes, alter mondialistes… Comment ce véritable puzzle allait pouvoir s’entendre et parler d’une même voix ? L’accord adopté, le 15 octobre 2006, était de bon augure : un accord programmatique autour de 125 propositions. Mais, l’entente sur le nom du candidat allait se trouver beaucoup plus difficile à obtenir. Pour y arriver on devait proposer la règle du « double consensus », c’est-à-dire consulter les milliers des membres des 750 collectifs, d’une part, et, d’autre part, s’entendre consensuellement entre les diverses organisations sur le nom de celui ou de celle qui porterait les couleurs des anti-libéraux. Règle nouvelle dans la vie politique française, certes, et règle, - à en juger par l’expérience de ce qui s’est passé dans les collectifs-, naïve et presque impossible à appliquer, devant la confrontation des ego, le patriotisme des partis et les contraintes institutionnelles. Toujours est-il que l’unité, obtenue dans les luttes contre la mondialisation libérale, en ayant appris à se connaître et à militer dans la diversité, et lors de l’élaboration de l’accord programmatique entre la gauche radicale gestionnaire et l’autre gauche protestataire non habituée aux rouages du pouvoir, cette unité-là a éclaté à l’heure de nommer le candidat commun. Personne n’ignorait la présence majoritaire des militants communistes dans les collectifs, ce qui s’est traduit par une tendance préférentielle pour la candidature Buffet, lors de la consultation de ceux-ci, mais la règle choisie n’était pas celle de la démocratie arithmétique ! Même dans la perspective annoncée d’un retrait du secrétariat national du parti communiste, la candidature Buffet comportait une connotation trop communiste pour pouvoir rallier consensuellement toutes les organisations des collectifs anti-libéraux. Pourtant, après un deuxième vote quelques jours avant Noël, 80 % des militants du PCF confirmaient leur premier choix (à rappeler que 20%, y compris des responsables nationaux, étaient d’un avis contraire, affirmant que leur parti commettait une grave erreur !). Adieu la candidature unitaire de rassemblement ! Du débat interne, il en ressort qu’une majorité des membres du parti, en regardant vers le passé, s’est accrochée à son identité, au lieu de faire preuve d’ouverture et de courage, contribuant ainsi à la naissance d’une alternative au libéralisme. Après avoir apporté beaucoup au débat politique depuis quelque temps, en maintenant contre vents et marée sa candidate, il porte, pour beaucoup, la responsabilité de la rupture, et risque de le payer cher au niveau du résultat électoral et, surtout, au niveau d’un projet politique que, tout seul, il n’est pas capable de proposer au peuple de gauche. Comme dit Nathalie Stoll, ex secrétaire fédérale du PCF de la Haute Garonne : « Nous avons atteint les limites historiques de la notion de parti, au PCF comme à la LCR. Nous évoluerons en faisant de la politique une affaire citoyenne ». D’ailleurs, dans la configuration actuelle, il ne restera au PC qu’à aller à Canossa pour négocier avec le PS un certain nombre de circonscriptions aux élections législatives et municipales à venir. Pourtant, à ce propos, - n’en déplaise à la LCR qui continue à justifier la candidature de Besancenot par une prétendue absence d’engagement clair des anti-libéraux à ne pas se rapprocher du parti socialiste, au cas où sa candidate l’emporterait,- la décision des anti-libéraux était claire et précise de ne passer aucun accord de gouvernement avec la gauche et, même, de ne voter dans l’assemblée qui sera élue en juin qu’en fonction du contenu de chaque projet de loi. En revanche, il y aurait un appel à désistement au deuxième tour en faveur de Ségolène Royal pour battre la droite et a fortiori l’extrême droite. A la différence des trotskistes, en général, refermés sur leur dogmatisme révolutionnaire et qui ne visent pas une majorité de gauche gouvernementale, et de la LCR, en particulier, toujours en lutte pour l’hégémonie avec le PCF, la majorité des militants anti-libéraux ne confondent pas la droite de Sarkozy avec la gauche socio libérale des socialistes ! Conséquence de cette candidature mort-née, au lieu d’obtenir entre 10% et 15% des voix, chaque parti devra se contenter de 3% à 4%, dans l’émiettement et l’insignifiance. Mais, au lieu de nous attarder à chercher les responsables (la faute est sûrement partagée !), il n’est pas trop tôt pour se demander comment, au-delà de ce premier échec, chercher à dépasser la bipolarisation et le bipartisme auxquels apparemment nous condamnent la constitution actuelle et les mœurs politico-médiatiques ? Si on a raté le coche pour la prochaine élection présidentielle et, par conséquent, pour les législatives, doit-on perdre tout espoir de créer à l’avenir un courant anti-libéral, qui, compte tenu de la diversité de ses composants ne pourrait pas prendre la forme d’un parti ? La difficulté provient des fortes différences de conception d’une future recomposition de la gauche anti-capitaliste. Est-ce que les forces anti-libérales peuvent se créer un espace politique entre la gauche social-démocrate et l’extrême gauche anti-gouvernement ? Et dans quel type de rassemblement ou de confédération ? Puisque les partis politiques continuent de donner la priorité au maintien de leur credo et de leur structure, peut-on imaginer un autre mode de coordination ? Avec d’autres mots, est-ce que tous les mouvements anti qui véhiculent le mécontentement d’une grande partie de l’opinion vont être capables de se constituer en force politique pour jouer le rôle d’aiguillon de l’autre gauche ? Les 20 et 21 janvier les délégués qui ont poussé Bové à porter le programme des antimondialistes l’ont fait aux cris de « unité, unité, unité ». Espérons que cette candidature de dernière heure, si elle est corroborée par l’obtention des 500 parrainages, va être à l’origine d’une véritable dynamique populaire, au lieu de se transformer en un facteur supplémentaire de division. Répondre à cet article