Le Café Politique

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  Pourquoi et comment faire de la politique

mardi 18 janvier 2005, par François-Xavier Barandiaran


- Il y a juste un an était lancé le mouvement « sauvons le recherche », qui devait aboutir à la décision, de la part des directeurs d’équipe et de laboratoire, de démissionner de leurs responsabilités administratives.

- Pendant des mois au cours de l’année écoulée les intermittents du spectacle ont rivalisé d’invention dans les moyens de dénonciation de leur statut.

- L’été dernier, encore, des centaines de faucheurs volontaires ont participé à des actions contre les OGM.

Voici des types d’action politique nouveaux qui allient la contestation, la désobéissance civile et la non-violence, et qui débordent largement des canaux classiques de faire de la politique. Même, un document de l’Episcopat français y est allé de son couplet en engageant les catholiques à secourir les sans-papiers et les demandeurs d’asile acculés souvent à la clandestinité, par des moyens qui peuvent aller jusqu’à la désobéissance civile (chapeau bas -pour une fois- au Comité épiscopal des migrations et des gens du voyage !)

C’est, sûrement, le désenchantement par rapport à l’action politique classique et la lassitude, après le peu d’efficacité des grèves du printemps 2004 et/ou des victoires électorales de la gauche, qui amènent beaucoup de personnes à s’interroger sur d’autres formes d’action politique. Dans le fonctionnement de notre démocratie par délégation, quelle que soit la place,-incontournable pour les syndicats, irremplaçable, pour les partis politiques-, de ces institutions congénitales à la vie démocratique, force est de constater qu’elles ne remplissent plus leur fonction structurante de jadis. Nous sommes témoins, à la suite de l’apparition des mouvements alter-mondialistes, d’une floraison de nouvelles formes de contestation. Sans vouloir toutes les citer, pensons aux groupes « stoppub » du métro parisien, aux « hacktivistes » qui s’attaquent à la toute-puissance de Microsof ou aux sites internet symboles du pouvoir, aux faucheurs des plants transgéniques, etc…

Ce sont souvent des intellectuels précaires, bien intégrés socialement, mais n’ayant pas de statut professionnel défini. Leur action est à l’image de leur travail, à durée déterminée pour ainsi dire, ne s’inscrivant pas dans une classe ouvrière animée par l’espoir d’une libération globale. Ils se réapproprient l’espace public, les couloirs du métro, le temps d’une manif éphémère, ponctuelle, et souvent festive. Ils ne croient plus à la révolution ni même à de nouveaux modèles de société, mais, selon les envies du moment, ils disent « merde ! à une société où le libéralisme économique continue son œuvre de désagrégation totale.

Ces mouvements de citoyens, ces collectifs fonctionnant, parfois, sur la base de groupes d’affinités, ces ONG et associations du type « Agir ensemble contre le chômage » ou le Dal (« Droit au logement »), participent à leur façon aux luttes d’émancipation, montrant ainsi que les partis et les syndicats n’en ont pas le monopole. A travers eux on peut découvrir, aussi, que l’asservissement au pouvoir n’est pas uniquement celui du prolétaire soumis aux rapports de travail et de propriété des moyens de production : la division sexuelle, les conflits nationaux, le non respect de l’écologie, l’exploitation du Tiers monde…sont à l’origine de luttes interclassistes qui participent à l’œuvre d’émancipation.

Certes, ces mouvements sociaux de contre-pouvoir, non seulement sont hétérogènes, mais apparaissent à certains comme un phénomène volatile, fruit du scepticisme et du dépit des nouvelles générations. On y trouve, selon l’expression de Naomi Klein, auteur de « No Logo »

« un peu de marxisme, un peu de socialisme, un peu d’anarchisme, un peu d’environnementalisme, un peu de tiers-mondisme, un peu de droit-de-l’hommisme ». Mais, ils contribuent, sans doute, à l’émergence d’une opinion publique qui n’accepte pas la pensée unique d’un capitalisme sans états d’âme.

En changeant un peu de registre, je pense, aussi, qu’il faut réhabiliter d’autres formes d’action politique qui sont inhérentes au quotidien de chacune et de chacun d’entre nous : femme au foyer, membre d’un club naturiste, retraité participant à une chorale ou bénévole d’une association humanitaire… nous restons tous des citoyens appelés à gagner la bataille idéologique qui précède l’action politique.

On a tendance à considérer le pouvoir comme étant unique et centralisé. Or, il est éclaté et multiforme, et nous le rencontrons dans toute la texture de nos relations sociales. Ce sont les micro-pouvoirs dont parlait Michel Foucault.

Adeptes d’une démocratie de participation, nous savons que, « in fine », la possibilité d’alternance du pouvoir passe par un rapport de forces et des élections : soit, la délégation de pouvoir. D’où la nécessaire articulation entre les mouvements contestataires, qu’ils soient anciens ou nouveaux, et l’action des partis politiques. On n’a pas trouvé, pour le moment, d’autre façon meilleure de gérer collectivement nos relations sociales !

Nonobstant, on peut comprendre que certains, déçus par l’absence de projet alternatif à ce raz-de-marée de l’ultralibéralisme qui envahit et emporte tout sur son passage, soient sensibles au refrain soixante-huitard : « Elections, piège à cons ! ». Et cela durera tant que la politique ne reprendra pas le dessus sur l’économie.