Le Café Politique

Parce que le citoyen doit penser pour être libre !
Accueil du site > Les rencontres des années précédentes > Les rencontres 2022 > U124 Abstention : l'impasse démocratique > Des enjeux mondiaux et un système politique trop national et trop (...)
  • Article

  Des enjeux mondiaux et un système politique trop national et trop hiérarchique

vendredi 28 janvier 2022, par Joseph Saint Pierre

Il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer une augmentation de l’abstention à des scrutins, élections ou référendums. Cette augmentation de l’abstention n’est pas spécifique à la France. La France a un système politique assez particulier avec une élection présidentielle ayant un rôle important depuis qu’elle se déroule au suffrage universel avec une augmentation des pouvoirs présidentiels. Une modification récente de l’organisation de cette élection est le passage du septennat au quinquennat ce qui place les élections législatives juste après les élections présidentielles. Cela a permis d’éviter ce que l’on a nommé la cohabitation et de renforcer le rôle présidentiel et aussi national, au détriment des tentatives de régionalisation ou de renforcement des pouvoirs locaux. Ces évolutions du système électoral semblent contraires à certaines évolutions très importantes du monde.

L’économie tend à se globaliser, cela est très net dans la construction automobile ou dans l’industrie pharmaceutique. Et certains enjeux que l’on peut qualifier de politiques sont mondiaux que ce soit le changement climatique, les pandémies, le développement des déplacements, l’utilisation du réseau Internet, le fonctionnement de la recherche, de l’enseignement. L’évolution économique s’accompagne d’une augmentation du niveau éducatif. Il semble bien que les abstentions aux élections puissent être désormais explicables par une augmentation de la connaissance et de l’implication dans des enjeux de nature politique. S’intéresser au changement climatique, au développement du réseau Internet, au fonctionnement de la recherche scientifique, aux relations internationales peut amener à considérer les élections présidentielles comme peu importantes car limitées à une dimension très réduite.

La France comme la plupart des pays européens est entrée dans un système économique où l’intervention de l’État est réduite. Les partis politiques de la gauche française comme celle de pays voisins ont longtemps eu des volontés de réguler l’économie, avec des nationalisations. Depuis la fin de l’URSS et plus généralement de ce que l’on a nommé les démocraties populaires, l’idée de contrôler fortement l’économie semble lointaine. En raison de la mondialisation de l’économie, il est devenu assez difficile de contrôler celle-ci au niveau des pays.

Le changement climatique et sa tentative de prise en compte par l’économie ont amené la mise en place d’organisations comme le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC). Les problèmes comme la pandémie devraient être aussi pris en compte par une institution existante, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). La prise en compte des enjeux mondiaux, internationaux semble incompatible avec une élection présidentielle très nationale. La prise en compte des enjeux mondiaux nécessite aussi souvent des actions individuelles, locales, régionales. Le système politique français fondé sur l’importance de la présidence de la République tend à réduire les responsabilités locales, régionales et à éloigner les responsabilités internationales et mondiales. Cette situation, si elle peut amener à une volonté de ne pas participer, peut favoriser l’importance de tendances politiques fermées à toute approche internationale et locale et amener le choix d’un chef charismatique. Un des effets de cette personnalisation forte est l’émergence de candidats isolés des partis politiques, comme l’a été Emmanuel Macron en 2017 ou Éric Zemmour cette année.

La baisse des effectifs dans les partis politiques ou dans les syndicats semble corrélée avec l’émergence de candidats loin des cadres assez anciens qui ont structuré longtemps la vie politique. La vie associative ne disparaît pas pour autant, il y a des organisations non gouvernementales, des formes d’organisations nouvelles, plus informelles qui s’appuient souvent sur le réseau Internet. Cela correspond à une évolution connue par la sociologie, des organisations très structurées, hiérarchiques, bien définies sont en déclin mais par contre apparaissent des réseaux informels qui peuvent être efficaces pour lancer des alertes, organiser des manifestations mais pas vraiment aptes à désigner des leaders, des candidats et à rentrer dans des organisations. On ne peut pas dire qu’il y ait un désintérêt croissant des enjeux politiques dû à un manque d’implication citoyenne. On peut envisager l’hypothèse inverse et donc considérer qu’une forte conscience des enjeux politiques mondiaux peut amener à se tenir à l’écart d’un système politique national trop étroit.