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  R&D dans un grand groupe industriel européen

Quelques réflexions, par un retraité depuis 10 ans

vendredi 14 mai 2021, par Philippe Delclaux

1. Des moyens importants :

La dimension européenne crée une dynamique intéressante : croisement de cultures diverses propres à stimuler la créativité, avec une certaine émulation dont bénéficie l’innovation. Aussi, des budgets significatifs.

2. Une emprise croissante des structures financières : Les dépenses de R&D doivent donner lieu à justification, ce qui est légitime. Par contre, l’utilité n’est trop souvent jugée qu’à l’aulne du Retour sur Investissement, chose qu’il est souvent impossible à estimer compte tenu de la part d’aléas inhérente à l’activité de recherche. De plus, les objectifs de résultats sont de plus en plus rapprochés dans le temps, rendant illusoire les approches basées sur le long terme. Enfin, c’est une vision purement financière qui domine et qui conduit souvent à des choix discutables sur le plan de la logique industrielle.

3. Une difficulté à bâtir des partenariats :

Les grands groupes sont peu agiles pour développer l’innovation en interne et devraient s’associer à des petites entreprises de type "start up" plus à même de pousser une idée jusqu’à sa concrétisation. Malheureusement, les partenariats buttent souvent sur les diktats d’équipes juridiques posant, en matière de propriété intellectuelle, des conditions propres à faire fuir les petites structures. Les cultures ont du mal à cohabiter, et c’est le "gros" qui impose des conditions dans lesquelles les petits ne se retrouvent pas. Des raisons similaires rendent laborieux les partenariats avec les organismes publics de recherche.

4. Programmes de R&D sur financements publics :

Les industriels sont confrontés aux mêmes difficultés que les labos des organismes publics : une dépense d’énergie disproportionnée pour élaborer des réponses à des appels d’offre, qu’ils soient d’origine nationale ou européenne. Une bureaucratie tatillonne qui a même conduit des auditeurs européens à venir éplucher le détail des dépenses de communications téléphoniques rattachées à un projet…

5. Crédit Impôt Recherche :

Difficile d’évaluer son impact sur la politique de R&D. Ce que j’en ai vu, c’est surtout le grand branle-bas de combat au moment de faire la déclaration, pour identifier les dépenses de l’année passée éligibles à crédit d’impôt (chose que se fait d’ailleurs sérieusement : les critères d’éligibilité sont stricts). Mais ça ne guide pas vraiment le plan de R&D, et c’est après-coup que l’on essaye de recenser ce qui permettrait de diminuer la charge fiscale. À noter enfin que, à l’époque où j’étais en activité, le fruit de l’allègement des impôts ne tombait pas dans l’escarcelle des équipes de R&D, mais venait abonder le budget général de l’entreprise, conduisant à un découplage entre cette incitation fiscale et l’objet même de cette incitation.