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  Du poujadisme à la Suède

lundi 29 septembre 2003, par François-Xavier Barandiaran

Du poujadisme à la Suède

Il y a quelques semaines on a enterré Pierre Poujade, qui, en 1956, en levant le drapeau de la lutte contre les impôts, créa le mouvement dit « le poujadisme » et obtint une cinquantaine de députés (parmi lesquels un certain Jean-Marie Le Pen). Quoi d’étonnant dans une France qui pratique, de façon atavique, le contournement et la fraude du fisc comme une sorte de sport national ? A contrario, il y a quelques jours une majorité de suédois a dit non à l’euro : ce que beaucoup d’analystes ont interprété comme une volonté de garder le système d’avantages sociaux scandinaves, même si le taux d’imposition fiscale est le plus haut d’Europe.

Voilà deux attitudes diamétralement opposées qui traversent toujours les débats sur la construction de l’Europe. Cette Europe écartelée entre la volonté de maintenir un système social unique au monde, qu’on appelle l’Etat-Providence, et la nécessité d’introduire à tous les niveaux la concurrence libérale. En effet, depuis les années 1980 souffle sur la planète le vent du libéralisme, cher aux économistes de l’école de Chicago. Et, s’il est vrai que la souveraineté des états européens est totale en ce qui concerne la fiscalité directe (et donc, les impôts sur le revenu), une forte pression se fait sentir en faveur de la baisse des impôts, non seulement dans les pays gouvernés par la droite – Espagne, Portugal, Italie,Autriche, Pays Bas -, mais aussi dans l’Allemagne socialiste de Schröder ou en Grande-Bretagne toujours marquée par le thatchérisme.

Or, le service public, cette grande invention des pays européens, vise à concilier efficacité économique et efficacité sociale. Ce qu’on a communément appelé l’Etat-Providence se bâtit par l’impôt progressif sur les revenus et par les prélèvements sociaux. C’est le rôle de l’Etat, comme régulateur social et garant de la cohésion d’une société marquée par de nombreuses inégalités.

Dans la plupart des pays de notre « vieille Europe » l’un des critères de la bonne gouvernance c’était de pratiquer la redistribution fiscale, autrement dit, la réduction des inégalités sociales par l’impôt. En tous cas, cela faisait partie du credo socialiste et des forces de gauche, en général.

Mais, depuis quelques années, le débat entre la gauche et la droite s’est estompé, à cause du consensus sur la baisse des impôts et l’encouragement fiscal des placements boursiers. Est-ce que le parti socialiste vient de faire machine arrière, tout dernièrement, en promouvant la réhabilitation de l’impôt ? De toutes façons, le rôle des partis politiques de gauche n’est pas de faire écho à une certaine schizophrénie de beaucoup de contribuables qui sont favorables à la fois à la diminution des impôts et à l’extension des services publics.

Dans ce rapide survol du volet social de la fiscalité je voudrais pointer deux anomalies du système français :

  si au niveau de l’ensemble des prélèvements obligatoires –environ 45% du PIB- la France se situe parmi les taux les plus hauts d’Europe, en revanche, comme l’écrit Marc Leroy dans « La sociologie de l’impôt » (Que sais-je, PUF), le poids de l’impôt sur le revenu est beaucoup plus faible qu’ailleurs. Ce qui a comme corollaire une moindre efficacité de la redistribution entre les plus riches et les moins fortunés : « en effet, sur le plan fiscal (impôts uniquement) c’est la progressivité de l’impôt sur le revenu qui assure la quasi totalité de la redistribution » (Marc Leroy, ibidem).
  La deuxième anomalie a trait à la répartition entre la fiscalité directe et indirecte : d’un coté , la moitié des foyers fiscaux n’est pas assujettie à payer l’impôt sur le revenu ,avec tous les risque de démotivation civique et politique, alors que la TVA ou la taxe d’habitation grèvent lourdement le budget de tous les citoyens, et surtout ceux de la « France d’en bas ». Il est vrai que d’après les sociologues les prélèvements indirects ont un caractère plus indolore !

En revenant à l’actualité immédiate, nous assistons aux contorsions du Gouvernement Raffarin qui s’efforce d’appliquer les promesses du candidat Chirac, cependant qu’il diminue les aides de l’APA (aide personnalisée d’autonomie) ou l’ASS (allocation de solidarité spécifique) versée aux chômeurs en fin de droits.

Ainsi va la justice distributive dans notre pays !