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  Être ou ne pas être... salarié

lundi 26 janvier 2015, par Stuart Walker

Avec une croissance molle et 100 ,000 chômeurs de plus prévus par UNEDIC cette année, il semblerait que l’évolution la plus optimiste à moyen terme serait non pas l’inversion de la courbe mais un ralentissement de l’augmentation.

Selon certains les emplois dans un avenir proche seront réservés , soit aux hautement qualifiés qui sauront exploiter les nouvelles technologies, soit à ceux qui feront ce qui demande aucune qualification, les taches intermédiaires étant le domaine du robotique.

La sagesse nous apprend que quant quelque chose est inévitable, mieux vaut l’accepter . Est-ce que l’homme moderne aurait perdu sa capacité de s’adapter ? On s’ accroche au CDI, déjà minoritaire, très largement pour le statut qu’il fournit, dont une grande partie est psychologique. L’homme qui a inventé l’Internet et des sondes spatiales, ne pourrait-il inventer un système social ou on peut s’épanouir sans être salarié ? La flexi-sécurité est sûrement un pas dans la bonne direction

On s’est sans doute fourvoyé dans une économie trop libérale dont les méfaits sont chaque jour plus évidents. A quoi bon agrandir le gâteau, s’il appartient toujours aux mémés, qui ne laissent que les miettes aux autres ? Théoriquement les moyens existent de nourrir toute la planète. Théoriquement ils existent aussi pour offrir à chacun suffisamment de garanties pour se consacrer, s’il le choisit, à une activité locale associative ou culturelle. Tout viendra d’un changement de mentalités, ou l’opprobre attachée au non-emploi n’existera plus.

Autant les millionnaires peuvent devenir addictives de la richesse, autant le commun des mortels peut se laisser tenter par la surconsommation. Il est contradictoire de vouloir protéger la liberté en se construisant des maisons de plusieurs millions de dollars, privant ainsi d’autres de l’accès à 4 murs. Combien de ceux qui se bousculent dans les magasins de vêtements cherchent uniquement la nouveauté au-delà de toute nécessité, pour se munir d’ articles qu’ils jetteront quelques mois plus tard ? Combien de biens pourraient avoir une durée de vie multiplié par 10 si leur obsolescence n’était pas intégrée dans leur conception, dans le nom du sacro-saint emploi à vie ?

Parmi les personnalités les plus admirés par les Français , l’abbé Pierre, ou Gandhi doivent figurer en bonne place . Ni l’un ni l’autre n’était chantre de la consommation. Le premier a sauvé des dizaines de milliers de démunis, en créant un ONG basé sur le recyclage d’articles d’occasion ; le dernier avait choisi la roue à tisser pour représenter l’Inde, faisant de celui qui la manipulait un précurseur de ce que Rifkin appelle le pro(ducteur)consommateur

Il y a un peu d’utopie dans sa vision d’une société d’échange et de partage, mais les créateurs de l’État Providence du 19è siècle n’ont pas baissé les bras face à la difficulté. Il y a 20 ans l’ordinateur existait à peine. Rifkin a au moins le mérite d’avoir prédit, il y a longtemps déjà, notre désindustrialisation. Des villes inspirées par ses idées ont vu le jour en Californie, en Allemagne, en Chine… Il parle d’ailleurs plutôt d’une 3è Révolution Industrielle. Comme le savent bien les Français, ce qui est difficile avec une révolution c’est plutôt de l’arrêter une fois qu’elle est en marche. La vision de Rifkin s’inscrit d’ailleurs dans la démarche d’une transition énergétique , créatrice elle-même d’un grand nombre d’emplois.

Si d’autres branches suivent la voie ouverte pour le transport urbain par Uber, en généralisant les services à la demande, est -ce qu’il ne vaudrait pas mieux encadrer ces emplois à zéro heure, plutôt que de les interdire, et encourager ainsi l’uberisation (à l’Américaine) de notre société entière ? N’y a-t-il pas là un moyen pour le particulier de s’assumer, l’état n’étant plus capable de le protéger comme avant. Comme d’ailleurs Jacques Attila l’incite à faire dans son dernier ouvrage. Est-ce que le Francis a oublié qu’il est censé être le maître du Système D ?

L’auto-entrepreneur a une liberté que n’a pas celui qui est soumis au lien de subordination d’un contrat de travail, qui crée un mur entre ceux qui commandent et ceux qui exécutent , et termine souvent en litige. Avec un développement de formation de base en gestion , ce dispositif ouvre, dans l’idéal, la voie à la création de PME, le plus grand de nos gisements d’emploi. Il faudrait aussi sans doute, assez de résilience (ou de formation psychologique) pour qu’un ingénieur ne trouve rien de déshonorant à se convertir en boulanger.

Est ce que l’idée de la coopérative est enterrée ? Il me semble que c’est un environnement ou les cercles de qualité, qui étaient à la mode au début des années Mitterrand, peuvent être efficacement mis en place. C’est une forme de démocratie participative de considérer que l’exécutant est muni non seulement d’un bras, mais aussi d’une langue et d’un cerveau. Ce n’est que bon sens dans une entité commerciale de se sentir tous dans le même bateau ; ce serait encore mieux si tous ramaient dans le même sens. Ce n’est pas inimaginable que des participants solidaires et conscients des enjeux, déterminent leur propre rémunération, exercent de horaires libres, ou renouvellement régulièrement leur Direction.

Les hiérarchies des grandes entreprises pourraient aller plus loin dans la représentativité en acceptant la participation, avec droit de vote , de Délégués du Personnel aux Conseils d’Administration. La formation, toujours un quasi monopole des cadres, pourrait être orientée davantage vers les autres catégories, et inclure des modules de gestion pour responsabiliser ceux qui auraient un mandat au C/A. Les Allemands sont allés plus loin dans ce sens. Il ne s’agit pas d’en créer une copie conforme, mais d’être assez humble pour chercher à adapter à notre terrain ce qui marche ailleurs

L’innovation est indispensable, mais suppose des petites entités, même si elles sont au sein des grandes groupes. Une culture de start ups commence à s’établir en France ; On est encore loin du guichet unique pour les démarches de créateur d’entreprise. Celui qui tire son épingle du feu, est celui crée son activité pour une durée déterminée, sachant que la technologie sera rapidement dépassée ou copiée. Il créera des emplois , mais pour des job shoppers mobiles , prêts à changer souvent d’employeur, et , s’ils sont prudents, à assurer leur propre protection sociale.

Là ou notre déficit est le plus critique c’est dans le domaine de l’éducation. Le nombre de décrochages scolaires précoces est dramatique par rapport à nos voisins. Avoir son Bac ne garantit pas un emploi, mais il existe une corrélation très forte entre l’illettrisme et la délinquance. Il est à espérer que la refondation de l’école portera ses fruits à terme. L’école doit préparer les élèves à travailler, mais aussi disposer d’assez de ressorts dans le cas ou ils ne travaillent pas, ou pas régulièrement.

En fin de compte la plus grande utopie c’est le plein emploi. Un chaumage important peut néanmoins être considéré comme une forme de partage. Le travail que nous ne ferons pas sera fait par d’autres, qui en ont souvent plus besoin que nous