Le Café Politique

Parce que le citoyen doit penser pour être libre !
Accueil du site > Les rencontres des années précédentes > Les Rencontres 2008 > F50 Crise financière et économique : causes et conséquences. > La crise financière sonne-t-elle le glas du néolibéralisme ou celui de la (...)
  • Article

  La crise financière sonne-t-elle le glas du néolibéralisme ou celui de la société de consommation ?

samedi 1er novembre 2008, par François Saint Pierre

1- La crise racontée à la télé.

Le discours dominant sur la crise actuelle est globalement assez simple. Depuis les années 80, sous l’impulsion de Thatcher et Reagan, le courant néolibéral s’est imposé dans le monde occidental. La finance s’est peu à peu découplée de l’économie réelle et l’État providence a laissé de plus en plus de place à la régulation de l’économie par le marché. La baisse des prix de l’immobilier aux EU a mis en difficulté les banques qui avaient pris des garanties hypothécaires sur la valeur des biens (la fameuse crise des subprimes). La titrisation des risques, plutôt que de fonctionner comme un système de répartition qui aurait permis d’éponger les coups durs, a entrainé par l’échange sans contrôle de "titres toxiques" la contamination de tout le secteur bancaire mondial. La confiance interbancaire ayant été perdue le crédit s’est raréfié, ce qui a conduit automatiquement au ralentissement de l’économie réelle. Conscient de la gravité de la situation, tous les chefs d’États, pour sauver les intérêts des particuliers et pour faire fonctionner les entreprises, se sont déclarés prêts à mettre des milliards d’euros pour apporter une caution au système bancaire. Après un ou deux ans de récession, le temps de mettre en place quelques nouvelles règles financières et de faire quelques efforts de moralisation, comme la suppression des parachutes dorés en cas de faillite des entreprises, le système reprendra sa course vers la croissance... La droite libérale, au nom de la responsabilité, met l’accent sur la moralisation du système, la gauche social-démocrate insiste sur la nécessité de revenir à une économie régulée comme au temps où les idées de Keynes étaient appliquées. C’est cette version qui semble assez unanimement acceptée que je me propose d’analyser.

2- Quelques précautions linguistiques

La bataille des idées se fait avec des mots. Le principe est de donner une coloration négative aux mots qui caractérisent l’adversaire. Le sens des mots utilisés en économie est à géométrie variable et dépends beaucoup de celui qui les utilise. Quelques mots sont particulièrement ambigus comme le libéralisme, l’économie de marché ou le capitalisme. Nous sommes tous partisans d’une certaine dose de liberté dans la société, tous convaincus que certaines activités peuvent être mises dans un secteur encadré mais concurrentiel. De même une grande majorité de citoyen pense que la loi de l’offre et la demande fait partie des indispensables éléments de régulation de l’économie. Le capitalisme, affublé parfois d’adjectifs très négatifs, peut aussi être vu comme la capacité des hommes, sans passer par la puissance publique, à se structurer et à investir collectivement pour produire des biens qui ne pourraient pas l’être de manière artisanale. Si pendant longtemps le préteur était voué en tant qu’usurier à l’enfer, le développement du microcrédit a permis au bangladais Muhammad Yunus d’obtenir le prix Nobel de la Paix et l’accès au crédit est maintenant considéré comme un droit important. L’économie de marché a fini par être un concept consensuel qui n’a plus aucun sens économique. On ne sait ce qu’il recouvre : personne en effet ne précise les champs respectifs de l’économie publique, de l’économie sociale et de l’économie concurrentielle, ni le niveau de régulation et de justice sociale que cela implique. Ce qui a caractérisé ces dernières années les néolibéraux ou les ultralibéraux c’est la volonté de réduire le rôle de l’État, à qui ils ne concèdent qu’une responsabilité sur la sécurité. Pour eux l’économie soumise à la loi de l’offre et de la demande est capable de s’auto réguler grâce à la "main invisible" du marché et cette concurrence généralisée est le moyen le plus efficace de produire de la croissance et donc d’améliorer globalement le niveau de vie de tous. C’est ce modèle, y compris dans la volonté de privatisation des services publics, qui a eu le vent en poupe dans tout l’Occident, soit aux EU avec les républicains sous sa version dure et conservatrice, soit en Europe sous sa forme social-libérale comme peut en témoigner le texte proposé pour l’établissement d’une constitution européenne en 2005 ("La concurrence libre et non faussée" érigée en principe fondateur !).

3- Un peu d’histoire récente

Les années 1920 se sont traduites par une croissance économique importante et une forte augmentation de l’indice Dow Jones (multiplié par 5 entre 1922 et 1929). Lors de la stagnation des cours, consécutive a une baisse de la production industrielle au début de l’année 1929, les actionnaires qui avaient une couverture de seulement 10% se sont retrouvés obligés de vendre pour rembourser les intérêts de leurs emprunts. Ce mécanisme a entraîné un effondrement des cours de la bourse. Les idéologues de l’époque ont naïvement pensé que la crise allait s’autoréguler en éliminant les canards boiteux. Une grave dépression économique a suivi, qui a eu des conséquences économiques et politiques fort diverses suivant les pays. John Maynard Keynes défend l’intervention de l’État dans l’économie et la relance de l’économie par la consommation. C’est donc une profonde réorientation du modèle social : on accepte de transformer les prolétaires en consommateurs. C’est la fin d’une période ultralibérale qui avantageait outrageusement les propriétaires du capital par rapport aux travailleurs. C’est le "New deal" de Roosevelt qui, marque la naissance de l’État providence. Ces idées se sont retrouvées dans les accords de Bretton Wood (Avec Keynes représentant les Britanniques) qui ont mis en place, en juillet 1944, une régulation de la finance mondiale.

Ce modèle, avec plus ou moins de particularité locale, a servi de référence jusque dans les années 1970. La guerre du Vietnam et la course à l’espace ont entraîné une inflation démesurée de dollars. Face à cette inflation et à la pression des pays qui demandent le remboursement en or, les EU le 15 aout 1971 suspendent la convertibilité avec l’or. Le système de changes flottants, qui favorise la spéculation au niveau mondial, est mis en place et le rôle du FMI est réduit, c’est le début d’une longue période de dérégulation du système financier. Les économistes ultralibéraux comme Friedrich Hayek et Milton Friedman de l’école de Chicago ont de plus en plus de succès. Le Chili de Pinochet appliquera quasiment à la lettre les consignes de Friedman, pour certains cela a donné le miracle chilien, pour d’autres un des pays les plus inégalitaire du monde. L’Islande, qui traverse en ce moment une crise très grave, a été aussi pendant longtemps très fière de suivre les leçons de l’école de Chicago. Avec quelques résistances syndicales plus ou moins fortes, ce modèle s’est généralisé. La part de l’économie publique a été réduite par de nombreuses privatisations et le système financier libéré des contraintes posées par les politiques s’est lancé dans les spéculations tous azimuts. L’argent faisait de l’argent, 15% sur retour d’investissement, telle était la norme. Les patrons comme les cadres dirigeants voyaient leurs rémunérations exploser, les traders jouaient à : "pile je gagne, face tu perds" avec les investisseurs, et les chinois reprenaient la production industrielle abandonné par l’occident. Pendant ce temps, les salaires stagnaient et les classes moyennes et inférieures voyaient leur part du gâteau se réduire. Pour poursuivre le rêve américain et compenser la stagnation relative du pouvoir d’achat, l’administration Clinton avait poussé les banques à donner du crédit aux pauvres, l’augmentation du bien devant permettre de couvrir les risques en cas de non paiement. Dans les années 2000, le fameux gâteau a commencé à ne plus grossir et le néolibéralisme a perdu sa justification principale : l’augmentation des richesses. Augmentation du prix de l’énergie, coût excessif de la guerre en Irak et en Afghanistan, concurrence des pays émergents. Le modèle commençait à s’essouffler, la croissance de la valeur des indices boursiers et du prix de l’immobilier devenait de plus en plus fictive. La crise était inévitable.

Quelques politiques lucides ont tenté de chercher un nouveau souffle dans le développement des nouvelles technologies liées au monde de l’Internet ou dans une croissance verte à base de développement durable. Cela est resté marginal et n’a pas permis de réorienter notre modèle économico-politique. Ce dernier, basé sur un algorithme de court terme, n’a pas pu penser les grandes crises qui couvent dans le monde entier. Changement climatique et problèmes écologiques nombreux (eau, pollution, dégradation des sols...), pénurie d’énergie, explosion de la crise alimentaire, accroissement des inégalités sociales. La société de production et de consommation, imaginée pendant la dépression des années 1930, arrive à son terme et ce n’est pas le modèle néolibéral qui permettra à l’humanité de sortir de ce mauvais pas.

4- Les mécanismes financiers du néolibéralisme.

Cette bulle spéculative mondiale a sa logique profonde, mais la déconnexion entre la valeur des biens et les cours de bourse ou les cours sur les marchés de gré à gré mérite une analyse lucide.

Ce qui vaut de l’argent n’est pas la capacité de production ou la valeur d’usage mais la capacité d’une rentabilité à court terme. Un investissement est intéressant s’il permet un retour de 15% sur investissement. Que des usines soient fermées après un plan drastique de restructuration n’est pas en jeu.

La titrisation a permis une répartition du risque et rendu le système globalement solidaire... c’est grâce à cela que les responsables politiques sont obligés de sauver tout le système ! L’abandon de Lehmann Brother a été, à cause de cette solidarité dans la possession de titres douteux, une grossière erreur qui a déclenché un vent de panique. "Too big to fail" s’est avéré vrai, il n’y avait pas seulement en cause quelques canards boiteux mais tout un système que le pouvoir politique ne pouvait laisser s’effondrer.

La plupart des acteurs du système avaient, malgré les risques, intérêt à le faire durer. Plus il y avait de transactions plus ils empochaient de l’argent. En cas de faillite ils ne perdaient que leur travail. Privatisation des bénéfices, nationalisation des pertes. De plus, grâce aux rémunérations extrêmement élevés, le trading a attiré une bonne partie de nos meilleures élites. Brasser de l’argent était infiniment plus lucratif que de faire de la recherche ou de l’ingénierie.

Si les États gardaient une certaine capacité de contrôle sur les grandes banques, la filialisation a permis à tous les grands établissements d’être présent dans tous les "paradis fiscaux" soigneusement protégés. Les "hedge funds" et les sociétés écrans peuvent y prospérer à l’abri de toute fiscalité et de tout contrôle. En Europe nos trois principautés, Andorre, Monaco et Liechtenstein, fonctionnent sur ce modèle. Dans le même ordre d’idée il est frappant de voir l’absence de volonté de l’Europe d’aller vers une harmonisation fiscale. Et cela avec le soutien des sociaux démocrates !

Le marché utilise, pour évaluer les risques, des agences de notation, qui ont des revenus directement liés aux sociétés qu’elles doivent évaluer. Manque flagrant d’objectivité qui visiblement ne gêne personne. Dans la théorie économique un marché pour se rapprocher de l’optimum suppose des acteurs parfaitement informés, dans la pratique boursière nous sommes loin du compte.

5- Quelques idées de fond

Quel est le sens de l’évolution actuelle ? Cela renvoie à des questions fondamentales que l’on a tendance à mettre au second plan en période de prospérité.

L’Europe a patiné au départ de la crise, elle a semblé se reprendre ensuite, mais sur le fond l’axe central France-Allemagne n’a pas fonctionné. Si médiatiquement Sarkozy a joué la carte Gordon Brown, sur le fond la solution française ne correspond pas à la solution anglaise qui passe par une prise de contrôle des banques, via des prises de participations dans le capital. Beaucoup d’agitation mais une Europe fondamentalement divisée. C’est normal car jusqu’à présent le discours dominant, qui est celui du traité de Lisbonne, repris du feu traité constitutionnel, est de faire une Europe libérale et marchande et non une Europe maitresse de son économie. L’harmonisation fiscale a été refusée et la BCE a été voulue impuissante, seulement responsable de la partie inflationniste qui correspond à la valeur des biens de consommation et aux salaires. Pour elle, les actifs de bourse ou les valeurs immobilières ne rentrent même pas dans leur définition de l’inflation. L’histoire éclaire cruellement l’ineptie des choix de ceux qui ont pensé que l’on pouvait faire une Europe en s’appuyant uniquement sur le "marché".

L’Asie, avec la Chine en tête, montre bien sa puissance montante. Les hésitations fin aout du pouvoir chinois sur l’opportunité de continuer les achats de bons du trésor américains ne sont pas pour rien dans la rapide dégradation de la "confiance" des banquiers. Même si la Chine représente encore un pourcentage modeste de l’économie mondiale, on peut s’attendre à un déplacement vers l’Asie du pouvoir économique. Les accords de Bretton Wood étaient basés sur l’hégémonie de la superpuissance américaine, les prochains accords devront entériner la multipolarité actuelle. Il est évident que du pouvoir de régulation doit être donné à des organismes internationaux en lien avec l’ONU comme le FMI. Pas de gouvernement mondial en vue, mais au moins une amélioration de la gouvernance mondiale. Cela est une condition nécessaire pour lutter efficacement contre le système des paradis fiscaux ou pour aller dans le sens d’une légère harmonisation fiscale. Certes la France doit pratiquer une politique ferme avec Monaco ou avec l’Andorre mais les moyens de rétorsion nous manquent pour contrôler ce qui se passe aux Bahamas.

Le protectionnisme était devenu un concept démodé, cela aurait pu être envisageable dans un monde globalement régulé, mais dans notre monde réel l’anti protectionnisme ambiant n’était qu’un acte de foi dans les vertus de l’ultralibéralisme. L’universalisme ne consiste pas à nier que notre monde est structuré par des espaces de solidarité nationale. Les gouvernants en charge de ces espaces doivent pouvoir défendre les intérêts légitimes des citoyens. Un protectionnisme excessif peut nuire à l’économie mondiale mais il est normal que des pays puissent avoir des moyens de résister aux appétits des grandes multinationales. L’OMC n’a pas encore été mise sur la sellette dans cette crise, il faudra certainement repenser son rôle.

La loi de l’offre et de la demande est un algorithme de régulation des échanges qui est basé sur une évaluation à court terme. Des administrations et diverses institutions sont aussi chargées de ce court terme, par contre le politique, au niveau local comme national, doit pouvoir penser ses choix en fonction du moyen et du long terme. Les grands problèmes écologiques comme le climat ou la gestion de l’eau ont fait apparaître la nécessité de remettre du très long terme dans nos choix de société. L’ONU, avec la conférence de Rio en 1992 et ses propositions sur le développement durable, s’est placée dans cette optique. Pour autant, face aux urgences climatiques, énergétiques, sociales nous sommes loin du compte. Ce qui a caractérisé la fin du vingtième siècle c’est le "court-termisme", voire le "présentisme" d’une minorité qui s’est enrichie sans se poser de questions. Un algorithme efficace pour fabriquer de la richesse peut être positif pour certains mais globalement extrêmement nuisible. Le dirigisme absolu a aussi fait la preuve de son inefficacité. C’est donc une société en recherche perpétuelle du meilleur équilibre entre initiative individuelle et prise en charge institutionnelle de l’intérêt général qui est la seule solution possible.

Depuis quelques années les philosophes nous ont expliqué que la question morale n’avait rien à voir avec l’économie et la politique. L’économie serait comme la physique régit par des lois, il suffirait donc de faire des calculs mathématiques pour optimiser ses choix. De même la politique doit avant tout être pragmatique et se mesurer à ses conséquences. Morale conséquentialiste ou utilitariste dont le seul défaut est d’avoir une évaluation des choix qui se fait localement et sur un temps court. Si une partie de la tradition chrétienne n’aime pas les riches, depuis Florence et Venise les marchands ont su expliquer que la richesse des bourgeois profitait à toute la société. Argument utilisé par John Rawls en 1971 dans sa "Théorie de la justice" : une inégalité peut-être justifiée si elle est censée améliorer le sort des plus pauvres. Les économistes libéraux de l’École de Chicago se sont empressés d’utiliser la philosophie de Rawls pour justifier un système structurellement inégalitaire. Cela allait aussi dans le sens de la tradition calviniste pour qui la richesse était le symptôme de la grâce divine. La réflexion éthique conduit souvent à un choix entre des valeurs contradictoires, la liberté d’entreprendre est certes importante mais comment a-t-on pu, au nom de cette valeur, cautionner un système qui conduit à des écarts de salaires aussi importants (Le salaire du mieux payé des patrons français est de 1550 fois le SMIC) ? C’est pour le moins une faillite des intellectuels qui n’ont pas su interpeller les médias, les politiques et le peuple.

Les classes moyennes sont historiquement le pilier de la démocratie, le modèle ultralibéral conduit à les prolétariser. Si la partie la plus aisée peut, à l’aide de quelques placements judicieux, profiter du système, la grande majorité voit depuis quelques années son pouvoir d’achat se réduire et se trouve même en difficulté, si elle ne bénéficie pas d’un héritage bienvenu, à devenir propriétaire. Si dans le modèle des trente glorieuses une majorité de la population avait l’impression d’être sur une courbe ascendante ce n’est actuellement plus du tout le cas. A terme cela pourrait conduire la majorité à se défier du système politique ce qui peut conduire aux pires situations, comme cela a été le cas dans les années qui ont suivi la dépression consécutive au Krach de 1929.

6- Comment penser l’avenir

Une simple moralisation n’est pas suffisante, c’est tout le système qui est fondamentalement immoral, par rapport aux classes défavorisées et par rapport aux générations futures. Réguler le système peut se traduire par l’aménagement de quelques contrôles pour éliminer quelques excès. C’est donc à l’évidence une réforme de l’économie mondiale qui est nécessaire. Pour cela il faut au préalable définir quelques axes majeurs comme la volonté de retrouver un peu de justice sociale et celle de limiter les dégâts des crises écologiques. L’axiome de la concurrence libre et non faussée, moteur de la croissance et idéal de notre modernité, doit être au plus vite déboulonné de son piédestal. L’avantage comparatif et la concurrence ont leur place dans l’économie mais il faut clairement délimiter ce qui n’est pas de leur ressort car sous la responsabilité directe des pouvoirs démocratiques. La gestion des biens publics et des services publics doit pouvoir être faite dans une optique de long terme ou de très long terme quand il s’agit d’enjeux planétaires. Il faut donc pour cela donner des capacités politiques à un certains nombre d’organismes internationaux en charge de la gouvernance de ces biens. La gouvernance mondiale marche aussi avec la reconnaissance d’une certaine autonomie locale. Actuellement nous avons des pouvoirs locaux quasiment impuissants face aux grands lobbies et une gouvernance mondiale presque absente. Il faut donc redonner du pouvoir à l’action des politiques face aux forces du marché.

Si l’impôt sur la fortune ne s’avère pas être une bonne idée, il ne faut pas avoir peur de taxer les richesses quand elles changent de propriétaire, que ce soit lors d’une succession ou lors d’une transaction entre banques. Une taxe sur les transactions financière avec une collecte mondiale pourrait permettre de financer les nécessaires adaptations à la crise écologique actuelle, mais elle pourrait aussi permettre de rééquilibrer l’énorme différentiel de richesse. L’encadrement des revenus est une piste possible mais par contre l’idée de bouclier fiscal est absolument contraire à toute morale politique Les nombreuses révélations sur les scandaleux profits faits par les financiers et grands patrons démontrent très largement l’ineptie de cette mesure. Si le système ne limite pas les gains il est normal que la progressivité de l’impôt soit importante. Un minimum d’harmonisation fiscale et quelques règles internationales devraient pouvoir freiner la fuite des capitaux vers les paradis à faible fiscalité.

La crise actuelle est bien une crise profonde qui traduit la fin du modèle fordiste, où l’employé pouvait s’acheter la voiture qu’il fabriquait. Ce concept à la base de la société de consommation était loin d’être parfait mais il donnait un peu de dignité et de confort aux travailleurs. Le néolibéralisme, mais aussi l’augmentation phénoménale du prix de l’énergie, a fini par rendre ce modèle obsolète, et la consommation du « made in China » n’a fait que retarder l’échéance. Notre société industrielle a pu se développer grâce au charbon et au pétrole. Les prix actuels ont déjà porté un coup dur à "l’American way of life". Même avec une meilleure répartition des revenus il faudra arrêter cette société du gaspillage, taxer les activités les plus nuisibles pour l’environnement, remplacer beaucoup de produits utilisés sans réflexion par de l’intelligence.

L’ultralibéralisme est mort... il a perdu le combat sur le terrain de l’économie réelle en prouvant son incompatibilité avec les valeurs démocratiques. La société de consommation n’est pas encore morte mais cette crise est une première alerte sérieuse. Les recettes keynésiennes qui sont invoquées par les sociaux démocrates mais aussi par les libéraux un peu lucides ne me semblent pas à la hauteur de l’enjeu. Si cette société de croissance et de consommation était porteuse de bien des excès elle avait aussi ses avantages, si on ne veut pas les perdre rapidement il va falloir la faire évoluer vers un modèle basé sur la frugalité. Développement durable dans la version optimiste, décroissance soutenable dans la version réaliste. Cela ne nous empêchera pas d’essayer de faire croitre le bon indicateur qu’est l’IDH (indice de développement humain ) plutôt que le PIB, qui a été pendant trop longtemps une mauvaise boussole pour l’humanité.