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  L’Europe des contradictions

jeudi 3 juin 2004, par Jean Luc Soubie

L’Europe des contradictions

Sous quelque angle que l’on prenne la question européenne, on se trouve face à des contradictions fondamentales. Les mêmes qui rêvent d’appartenir à une grande entité continentale souhaitent un rapprochement du pouvoir avec le peuple, au travers d’une régionalisation accrue. En réalité, l’exercice du pouvoir, que ce soit ou non par le peuple, ne se divise pas en sous-ensembles dont on ne prendrait que la partie valorisante et exaltante, laissant le sale boulot à je ne sais quelle structure tierce, qui pourrait servir de bouc émissaire. Gouverner, c’est faire des choix cohérents avec un système de valeurs auquel les citoyens puissent - ou non - s’identifier. La tare fondamentale de l’Europe telle qu’elle se construit, c’est l’absence de clarté sur les valeurs fondamentales qui y sont défendues, au-delà des belles paroles sur la paix et la puissance économique potentielle de l’union. A bien regarder pourtant, la seule constante dans la construction européenne - mise à part la PAC, mais on voit dans quel sens elle évolue -, c’est le libre échangisme et la déréglementation, qui constituent la condition du développement du libéralisme. Celui-ci n’a pas besoin de volonté populaire pour se développer et produire ses effets dévastateurs pour l’emploi, l’environnement et l’exploitation des faibles (hommes et pays). Dans le même temps, en chaque occasion, les divisions sur l’attitude à avoir devant les grandes questions du monde se font jour entre les nations qui constituent l’union européenne élargie ; il n’est qu’à voir le dernier épisode sur l’Iraq pour s’en persuader et se souvenir de l’attitude pitoyable de l’Europe dans les guerres des Balkans. Devant les difficultés de gouvernance de l’Europe à 15, un travail a été fait pour proposer une constitution, dont l’élargissement de l’union rend quasi impossible l’adoption, sauf à faire fi de la démocratie et à l’imposer sans consultation des peuples concernés. Alors, osons nous poser la question : n’est ce pas une fuite en avant que de reporter sur une Europe rêvée la solution aux problèmes que les peuples qui la composent et leurs gouvernements respectifs n’ont pas le courage d’affronter dans leur cadre national ? Le jour où le marketing laissera la place au vrai débat politique (merci le café politique), les électeurs reviendront peut-être voter pour porter au pouvoir des responsables qui ne se défausseront pas systématiquement sur l’Europe en jurant la main sur le cœur qu’il s’agit d’une grande idée. Mais 26 listes plus ou moins folkloriques ou commerciales dans notre « Land » du grand Sud-Ouest pour le parlement européen, n’est-ce pas un coup porté à la crédibilité de cette institution ?