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  Et si ce n’était pas politique ?

mardi 24 novembre 2020, par Pascal Meledandri

Et si ce sujet de la fin de vie, plus qu’un autre, pouvait échapper aux classiques antinomies du 20ème siècle ou de ce que nous pensons savoir des siècles précédents ? Si ce sujet plus qu’un autre pouvait échapper aux prises de positions instinctives de notre présent frénétique ou à l’enthousiasme modéré de nos perspectives d’avenir ? Y a-t-il un sujet plus global ? Plus intemporel ? Y a-t-il des hommes et des femmes, qui, quelque soient les arrières mondes qu’on leur aura promis, n’ont pas envisagé avec un minimum d’appréhension et de doute, ce franchissement ultime ? Jésus, lui-même, apparemment en pleine santé, capable des prouesses physiques et intellectuelles les plus étonnantes, après avoir tout fait, volontairement, consciemment, pour se retrouver dans la fâcheuse position que l’on croit, si j’ose dire, n’a-t-il pas laissé échapper ce célèbre "eloï, lamma sabachtani", ou quelque chose comme ça ?

La question me vient avec d’autant plus de force qu’elle fait écho à une étude en psychologie politique, publiée en 2017 https://onlinelibrary.wiley.com/doi... . Cette étude, mentionnée par l’excellente chaine Youtube "Science4all", suggérait que l’orientation politique des individus biaisait fortement leur capacité de raisonnement, ce dont on se doutait déjà, mais, de façon plus contre-intuitive, elle suggérait également, que plus les individus étaient éduqués et intelligents, plus cela, au lieu de les rendre sages et sensés, au contraire, les renforçaient dans leurs erreurs. Le fait de ne pas appartenir à cette dernière cohorte m’incite peut-être à lui accorder plus de crédit qu’il ne faudrait, mais ce n’est pas le propos.

Au fond, ce qu’il paraissait vaguement intéressant de suggérer, c’est que, peut-être, pour faire avancer le débat sur une question qui semble promise aux passions les plus enflammées, aux convictions les plus solides, et aux rythmes les plus ternaires, il faudrait profiter de ce que justement cette question n’appartient pas aux champs de batailles ordinaires pour lui trouver une réponse raisonnablement satisfaisante. La question de la fin de vie, au moment où elle se pose, et je fais l’hypothèse que tout le monde partage la même compréhension de ce qu’il faut entendre par fin de vie, intervient à un moment où l’individu n’appartient plus à la société des hommes, mais à lui-même. Ce n’est plus une question de dominants et de dominés, ce n’est plus une question de morale, de traditions à maintenir, de dogmes anciens, de chapelles ou d’églises, ce n’est plus une contrainte biologique que sous tendrait la contrainte évolutive de toujours croître et multiplier pour perpétuer l’espèce. A ce moment précis, quand l’individu a fait ce qu’il pouvait, a fait ce qu’il devait, alors la réponse à cette question, ne peut être que personnelle. La fin de celui qui enfin se couche, relève de l’intime.

Reste à savoir pour celui qui se sent concerné, comment se mesure ce qu’il devait et ce qu’il pouvait, quelles sont les modalités techniques, s’il peut être assisté sans se faire assassiner, combien d’oreillers, l’orientation du lit, bref, tout ce qui semble déjà très compliqué, et qu’il reste à discuter. C’est sur ces points précis, techniques, eux même déjà froids, qu’il faudrait à mon sens, se concentrer. Pour les raisons invoquées, chacun aura, c’est certain, un point de vue, mais un point de vue personnel, rien qui n’impose de défendre son clan, son camp, son groupe ou son espèce. Sans doute une telle multiplicité des opinions est-elle plus fatale aux réponses idéales qu’un verre de glyphosate à l’alimentation d’un végan, mais on peut y voir aussi un terreau fertile pour les compromis, les consensus, les qu’on espérait plus, cette fraternité née de l’insatisfaction partagée qui fait de nous des animaux sociaux, auxquels il arrive de trouver du mérite, et peut être même, parfois, quelques grandeurs.