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  Quelques réponses à la lettre du Président

dimanche 20 janvier 2019, par François Saint Pierre

Ce débat devra répondre à des questions essentielles qui ont émergé ces dernières semaines. C’est pourquoi, avec le Gouvernement, nous avons retenu quatre grands thèmes qui couvrent beaucoup des grands enjeux de la Nation : la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’État et des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté. Sur chacun de ces thèmes, des propositions, des questions sont d’ores et déjà exprimées. Je souhaite en formuler quelques-unes qui n’épuisent pas le débat mais me semblent au cœur de nos interrogations.

R Remarque

Où sont passé les deux questions clés de la justice sociale et du pouvoir d’achat ? Ces deux questions ne sont pas théoriques, mais bien au cœur de la vie des français qui constatent dans leur vie quotidienne, comme les économistes dans leurs études, que les inégalités augmentent. Les revenus des plus riches après impôts continuent à croître largement, le reste à vivre des classes moyennes se réduit, mois après mois.

La question du pouvoir d’achat concerne en fait le cap choisi depuis 2017. La baisse de la pression fiscale sur le capital et sur les plus riches avait pour objectif de favoriser l’investissement productif et donc indirectement de baisser le taux de chômage. Les premières études économiques, montre que cela n’a pas été efficace et que cela a favorisé l’importation de biens de consommation pour les classes les plus aisées, plutôt que de permettre une relance de l’économie productive française. Cela masque en fait l’absence de vrai politique d’accompagnement des secteurs économiques qui affrontent la concurrence internationale. L’exemple du numérique et de l’IA est flagrant, la politique actuelle consiste à supplier les GAFA de créer des laboratoires de recherche en France, plutôt que de soutenir notre recherche et de participer activement au développement d’entreprises compétitives nationales et européennes. On peut sur ce point souligner la baisse des recrutemen0st au CNRS et plus généralement le manque d’investissement dans la recherche et l’enseignement supérieur, symptôme de notre absence de vision à long terme.

C’est l’autisme du pouvoir, incapable d’entendre les plaintes des français pourtant relayées par les chercheurs en sciences sociales, qui a conduit les gilets jaunes à manifester avec vigueur. Cette écoute impossible est la conséquence d’une crise profonde de notre système politique qui n’est pas à la hauteur de ce que doit être une démocratie moderne. Pour y remédier il ne suffira pas de faire quelques aménagements constitutionnels sur la petite dose de proportionnelle ou le nombre de parlementaires.

Le premier sujet porte sur nos impôts,

R Préambule

Si la fiscalité est un outil qui se doit d’aller vers plus de justice en permettant la redistribution, il est important de comprendre que dans un état de droit républicain, la valeur d’égalité doit être respectée à tous les niveaux y compris dans la distribution des revenus. Par des lois sociales, l’état doit garantir la justice sociale et ne pas se considérer comme la roue de secours d’un système économique dont la seule boussole est la finance.

Les inégalités sociales sont souvent liées au patrimoine et pas uniquement aux revenus. L’aspect patrimonial freine très fortement la mobilité sociale qui est beaucoup moins forte que dans nombre de pays européens.

La fiscalité n’est pas un problème qui peut se penser uniquement dans le cadre français. La France doit peser de tout son poids politique pour harmoniser les politiques fiscales et pour mettre plus de justice dans l’imposition des revenus des multinationales, qui échappent trop souvent à la fiscalité en raison de leur mobilité.

L’augmentation trois fois plus rapide que l’indice des prix du coût du logement diminue rapidement le reste à vivre de beaucoup de monde et rend de plus en plus difficile la poursuite des études supérieures pour les enfants de ceux qui habitent loin des grands centres urbains. Les inégalités territoriales sont en augmentation en raison d’une volonté de centraliser dans les agglomérations les services publics, au nom de contraintes budgétaires.

Les solidarités intergénérationnelles sont importantes et baisser, comme cela a été fait en découplant le montant des retraites de l’indice des prix, les revenus des personnes âgées ne peut se faire que si l’état accompagne par des mécanismes forts de solidarité l’accès à la formation et à l’emploi de la jeunesse.

Pour le chômage qui est une plaie économique française, on sait que pour les 60% de français qui ont une qualification professionnelle le taux de chômage est d’environ 5%, par contre pour ceux qui n’ont aucune qualification il est de 15%. Pourquoi cette question de la formation n’est pas mise en débat ? Elle ne peut se réduire à la formation professionnelle continue, elle touche tout notre système scolaire et et ce qui concerne l’apprentissage. Cette question doit être traitée en tenant compte de la diversité du territoire.

Sur cette première partie on peut donc dire que les questions posées partent du principe qu’il y a trop de dépense publique et donc trop d’impôts. Ces questions ne répondent pas à beaucoup des préoccupations des français. Ce choix partial fausse de manière inacceptable le débat.

Q Comment pourrait-on rendre notre fiscalité plus juste et plus efficace ?

R Les mesures qui ont fait baisser la justice fiscale comme la suppression de l’ISF, la création de la flat tax et l’augmentation des taxes, ont avantagé très fortement les catégories sociales les plus aisées, Il faut donc, pour changer de cap, augmenter d’abord fortement la progressivité des impôts pour aller vers un peu plus de justice fiscale. Cela peut se faire pour l’impôt sur le revenu, sur la modulation des taxes et des cotisations sociales, mais aussi en augmentant fortement les droits de succession pour les grandes fortunes.

Il est à noter que les indicateurs d’inégalités mesurent trop souvent les écarts de revenus entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres. L’augmentation des inégalités est surtout liée à l’explosion des très hauts revenus et à la croissance plus rapide que l’inflation de la valeur des patrimoines.

La CSG, qui est en fait une composante de l’impôt sur les revenus payée par tous, pourrait aussi à son tour devenir progressive, cela pourrait se faire en fusionnant la CSG et l’impôt sur le revenu. L’usage des taxes, lié à la consommation d’un bien ou d’un service, doit être parcimonieux et en tenant compte des effets sociaux, uniquement pour freiner légèrement les consommations nuisibles pour l’environnement. Pour comprendre l’absence de justice fiscale du principe de la taxe. On peut donner les exemples de la taxe sur les carburants, d’un timbre fiscal ou des contraventions. Une amende de 135 euros ou une augmentation mensuelle de 100 euros de frais de carburant peut être catastrophique pour une famille en difficulté financière et relativement dérisoire pour quelqu’un qui gagne 5 fois le SMIC.

Il faut en outre travailler sur les niches fiscales, la fraude fiscale et les multiples possibilités d’optimisation fiscale qu’a permis la construction de l’UE et la mondialisation. L’absence de volonté d’aller vers une harmonisation fiscale européenne est une source importante d’inégalités.

Défendre au niveau de l’Europe et de la mondialisation une vision trop libérale du développement du capitalisme ne peut qu’engendrer des inégalités que les états nations ont de plus en plus de mal à compenser. La compensation par l’assistanat de salaires insuffisants ne peut qu’induire de la dette publique et ne permet pas aux états d’avoir les moyens financiers pour lutter efficacement contre les grands enjeux environnementaux comme le réchauffement climatique ou la perte de biodiversité. C’est le cap politique néolibéral actuel qu’il faut interroger, même s’il a été acté par les élections de 2017.

L’efficacité d’une fiscalité implique deux aspects. En premier, la répartition au niveau de l’usage qui est fait de l’argent récolté par les prélèvements obligatoires. En deuxième la collecte fiscale ne doit pas avoir d’effets indirects négatifs sur le système économique et social. Les arguments mis en avant par la puissance publique pour justifier ses choix, relèvent trop souvent de la "méthode Coué" et non d’une analyse sérieuse qui s’appuierait sur des études sérieuses. Sur la question fiscale on ne peut s’appuyer pour faire des choix uniquement sur des convictions idéologiques, qu’elles soient d’inspiration libérale ou autre.

Q Quels impôts faut-il à vos yeux baisser en priorité ?

R Baisser globalement le montant des impôts n’est pas une priorité, bien au contraire, il faut une nouvelle répartition plus juste. En France le montant des impôts pour le fonctionnement de l’état, contrairement à ce qui se dit trop souvent, est raisonnable. Nous avons par contre des prélèvements obligatoires liés aux cotisations sociales importants, mais qui ne relèvent pas de la logique d’imposition régalienne, mais d’une organisation de la solidarité nationale sur la santé, les retraites, les familles, etc….. Transformer des prélèvements faits par des institutions garanties par l’État en versement indispensables à des organismes privés n’augmentera pas le pouvoir d’achat ni la qualité de vie de la grande majorité des français. Tout au plus elle permettra aux plus aisées d’échapper à la part de solidarité qui existe dans notre système social.

Il faut donc baisser les impôts non progressifs. Ne garder que quelques taxes pour influer sur les consommations nuisibles à l’environnement, mais en respectant une progressivité qui tienne compte des moyens des uns et des autres. Exemple : taxer encore bien plus fortement le luxe que les produits de consommation courante.

A Nous ne pouvons, quoi qu’il en soit, poursuivre les baisses d’impôt sans baisser le niveau global de notre dépense publique.

R Affirmation grossièrement fausse. On peut augmenter l’efficacité des services pour les améliorer à coûts constants et augmenter le rendement de l’impôt en luttant contre les niches fiscales obsolètes et contre la fraude fiscale.

Q Quelles sont les économies qui vous semblent prioritaires à faire ?

R Économies sur le fonctionnement, mais pas sur le service rendu

Q Faut-il supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers par rapport à leur utilité ?

R NON. Il faut surtout s’intéresser à respecter l’égalité d’accès tant au niveau social qu’au niveau territorial. Certains services publics doivent être modernisés et parfois les économies faites dans le renoncement à l’adaptation, notamment numérique des services publics, peut s’avérer coûteuse sur le long terme. Les adaptations liées au numériques doivent tenir compte des différentes capacités d’accès au numérique des citoyens et éviter de marginaliser des pans entiers de la population.

Q A l’inverse, voyez-vous des besoins nouveaux de services publics et comment les financer ?

R OUI. Exemple : il faut créer un service public pour accompagner le développement économique dans les territoires. Ce service devrait servir de conseil aux entrepreneurs et faciliter les démarches administratives pour s’installer ou en cas de difficultés économiques ou même lors de nécessaire anticipation de l’évolution des marchés. L’exemple des difficultés de reconversion des équipementiers qui travaillaient pour le diesel est très parlant, l’état n’a pas su aider les entreprises à anticiper une évolution qu’il envisageait d’impulser.

Il faut les financer par l’impôt car c’est un investissement productif. Une entreprise qui a été accompagné dans sa réussite aura ensuite la capacité de créer de la valeur et de participer au budget de la nation. Un service public n’est pas sur le long terme une charge, mais un atout pour les citoyens et plus généralement pour la Nation.

Q Comment mieux organiser notre pacte social ?

L’état redistribue les cotisations en introduisant trop peu de solidarité et même de moins en moins. Exemple le choix annoncé, sous prétexte de justice, de strictement coupler le montant de la retraite avec le montant des cotisations versées, alors que cela pénalise fortement les femmes qui ont souvent des périodes de cotisations moins longues, va à l’envers de toute solidarité …. Le pacte social consiste à demander aux gens des efforts cohérents avec leurs capacités contributives et de rendre des services communs au prorata des besoins. Ce n’est plus le cas. Un exemple récent qui a agacé beaucoup de personnes dans les classes moyennes qui vivent dans le rural ou le périurbain : aider par des aides importantes les classes aisées à se payer une voiture électrique et augmenter fortement les taxes sur les carburants. Cela revient en effet à faire payer des classes moyennes pour subventionner quelques membres des classes supérieures qui vivent dans les grandes agglomérations.

Q Quels objectifs définir en priorité ?

R L’état doit affronter globalement et partout ses responsabilités. Prioriser ses objectifs est une démarche légitime en entreprise, mais qui n’est pas adapté à un gouvernement républicain.

Le deuxième sujet sur lequel nous devons prendre des décisions, c’est l’organisation de l’État et des collectivités publiques.

R Préambule

Les dernières réformes notamment les lois NOTRE et MAPTAM sur l’organisation de l’État et des collectivités publiques n’ont pas simplifié le mille-feuille territorial ni augmenté l’efficacité de la puissance publique. Cette organisation renvoie bien évidemment aux questions des inégalités sociales et territoriales.

Q Y-a-t-il trop d’échelons administratifs ou de niveaux de collectivités locales ?

R OUI. Il faut en supprimer, non pas en faisant remonter la compétence vers le haut et en éloignant le citoyen des responsables, comme cela s’est passé lors des dernières lois d’organisation du territoire, notamment avec la fusion des régions, mais en redistribuant les responsabilités à des niveaux inférieurs. Exemple du département vers les intercommunalités plutôt que vers la région. Le département doit garder son rôle de découpage territorial au niveau de l’administration, mais non au niveau des choix politiques. Sur l’urbanisme la situation est devenu en certains endroits caricaturales tellement il y a d’institutions en charge de ces questions. Cela déresponsabilise les acteurs et empêche de mettre en avant un projet de territoire cohérent. L’exemple de Toulouse où les découpages administratifs ne correspondent pas à la réalité des usages et des pratiques, montre bien l’irresponsabilité de l’état pour organiser le territoire quand les acteurs locaux sont incapables de faire émerger l’intérêt commun.

Q Faut-il renforcer la décentralisation et donner plus de pouvoir de décision et d’action au plus près des citoyens ?

R OUI, mais l’état doit mieux assumer son rôle de garant vis-à-vis des lois d’intérêt national ou mondial, tout particulièrement pour les questions environnementales. Il doit sur les sujets locaux savoir laisser l’initiative aux citoyens et aux élus locaux et se contenter de faire un contrôle sur la cohérence avec les enjeux supérieurs dont il a la responsabilité.

Les instances "inter" comme les intercommunalités ou les syndicats mixtes qui élaborent les SCOTs ou les PDUs ont une gouvernance, qui malgré la volonté de concertation affichée, les éloignent grandement des citoyens. On est dans de la démocratie indirecte qui est bien trop opaque pour l’ensemble des citoyens. Paradoxalement la complexité du mille-feuille qui mène à des guerres d’influence néfaste, va aussi avec l’absence de planification territoriale aux échelles intermédiaires. Une métropole n’a pas les moyens de dialoguer efficacement avec les territoires environnants, ni les SCOTs, ni les SRADDETs ne sont à la bonne échelle.

Q À quels niveaux et pour quels services ?

R Tous à condition de garder une cohérence de l’ensemble.

Q Comment voudriez-vous que l’État soit organisé et comment peut-il améliorer son action ? Faut-il revoir le fonctionnement de l’administration et comment ?

R Moins d’échelons, moins de doublons dans les compétences, moins de cofinancement et plus de capacités à identifier les responsabilités. La lisibilité de l’action publique est bien trop faible pour que le citoyen puisse jouer un rôle dans les prises de décisions. Ce manque de lisibilité provoque une absence généralisée de transparence et empêche tout contrôle des citoyens sur les choix réellement effectué. Le débat politique se résumant à la croyance ou non en des promesses électorales.

L’État doit garder sa capacité d’expertise et d’analyse scientifique et ne pas sous-traiter des questions majeures comme l’environnement à des officines privées. La baisse des crédits de fonctionnements des services du ministère de l’écologie est en contradiction avec les objectifs affichés. Cette expertise scientifique est un bien commun qui doit être utilisable par tous, élus ou associations pour ne pas se laisser gouverner par les lobbies financés par les grandes entreprises.

Q Comment l’État et les collectivités locales peuvent-ils s’améliorer pour mieux répondre aux défis de nos territoires les plus en difficulté et que proposez-vous ?

R Améliorer l’organisation des services. Mieux utiliser les nouvelles technologies pour apporter plus de services. Faire plus participer les citoyens à la vie locale. Informer les citoyens est indispensable, mais la participation des citoyens doit aller bien plus loin. La parole des usagers des services publics doit intervenir dès la conception des projets en synergie avec celle des élus et des professionnels. Cette concertation doit se poursuivre dans le suivi, une fois les projets réalisés. L’évaluation des politiques publiques locales, doit se développer. Le local doit aussi prendre en charge une partie de la réflexion prospective et ne pas être uniquement dans l’application des directives nationales. Les mutations sociales et économiques doivent être questionnées à tous les échelons.

Une proposition concrète : aller plus loin que la simple redistribution. Travailler avec les entreprises pour que les territoires un peu éloignés des centres des métropoles, puissent se développer dans l’économie productive et non pas uniquement dans l’économie résidentielle. La France a quasiment abandonné toute politique industrielle dans les territoires, se contentant de jouer aux pompiers en cas de crise.

La transition écologique est le troisième thème

R Préambule

La transition écologique ne relève pas d’un choix idéologique, mais d’une nécessité. Force est de constater que notre pays a pris du retard dans cette mise en œuvre. La transition écologique ne se résume pas à la question des émissions de CO2 et les arbitrages entre pollutions, santé des citoyens, efficacité économique, maintien de la biodiversité font intervenir des réflexions complexes. Les travaux scientifiques nous alertent depuis de nombreuses années sur ce que nous appelons le progrès, que nous avons trop tendance à mesurer en terme de croissance du PIB.

Q Comment finance-t-on la transition écologique : par l’impôt, par les taxes et qui doit être concerné en priorité ?

R Par l’impôt à condition d’augmenter sa progressivité. Très légèrement par les taxes pour freiner les consommations problématiques pour l’environnement. La progressivité sur les taxes doit aussi jouer pour freiner les consommations excessives des plus riches. Mais il faut aussi utiliser des tarifications écologiques et sociales pour l’eau, l’électricité, le gaz, etc. Actuellement le coût excessif des abonnements pénalise les petits revenus qui ont des consommations modestes et avantages les gros consommateurs. L’exemple de l’eau pour les piscines montrent clairement l’injustice sociale qui se cache derrière la tarification de l’eau.

Q Comment rend-on les solutions concrètes accessibles à tous, par exemple pour remplacer sa vieille chaudière ou sa vieille voiture ? Quelles sont les solutions les plus simples et les plus supportables sur un plan financier ?

R Remplacer n’est pas toujours écologiquement la meilleure solution car cela ne tient pas compte des coûts cachés dans la fabrication des produits. L’état doit donner un signal précoce sur les orientations écologiques lorsqu’il s’agit d’achat de produit dont la durée de vie dépasse largement 10 ans. Il faut se méfier des effets de seuil dans les aides qui sont accordées. La transition écologique doit concerner les classes moyennes et non uniquement les plus démunis

Q Quelles sont les solutions pour se déplacer, se loger, se chauffer, se nourrir qui doivent être conçues plutôt au niveau local que national ? Quelles propositions concrètes feriez-vous pour accélérer notre transition environnementale ?

R La mise en œuvre doit être locale, mais les stratégies doivent être nationales et conforme aux logiques mondiales. Une idée : articuler les PDU et les PLUIH. Bien des idées circulent dans les instances de participation, le plus important c’est de les évaluer et de les mettre en oeuvre. Peu de monde sont en fait en charge de l’évaluation des idées nouvelles et les rares chercheurs chargés de ces évaluations sont totalement surchargés par le travail que demande l’adaptation de notre société aux nouvelles contraintes environnementales.

La question de la biodiversité se pose aussi à nous tous.

Q Comment devons-nous garantir scientifiquement les choix que nous devons faire à cet égard ?

R En payant correctement des chercheurs et en finançant de manière raisonnable les études. En écoutant aussi les nombreuses associations qui travaillent cette question et les professionnels qui tirent depuis longtemps la sonnette d’alarme. Il est à noter que les restrictions budgétaires classiquement invoquées comme prioritaires sont typique d’une vision à court terme de notre gouvernance et vont à l’encontre de l’intérêt commun si on se place sur un point de vue de moyen ou long terme. Malgré les nombreuses déclarations sur la perte de biodiversité, les budgets alloués aux chercheurs, notamment au ministère de l’écologie, qui s’occupent de ces questions et les subventions accordées aux associations sont souvent à la baisse.

Q Comment faire partager ces choix à l’échelon européen et international pour que nos producteurs ne soient pas pénalisés par rapport à leurs concurrents étrangers ?

R En commençant par être cohérent au niveau national. En accompagnant les producteurs pour qu’ils ne souffrent pas excessivement des choix nécessaires pour la santé de tous. La France doit de plus avoir une attitude claire dans les instances européennes et internationales, ce qui est hélas n’est pas toujours le cas. Sur ces questions on arrive à la contradiction du discours basé sur le "en même temps". Sur les questions importantes qui comporte des arbitrages entre court et moyen termes il faut choisir, mais il faut aider suffisamment ceux qui ont des impacts négatifs des décisions prises pour faciliter la transition.

Enfin, il est évident que la période que notre pays traverse montre qu’il nous faut redonner plus de force à la démocratie et la citoyenneté.

R Préambule

L’aspect constitutionnel est très important, mais le fonctionnement réel de l’état de droit est tout aussi important. La répression excessive qui a frappé le mouvement des gilets jaunes dans son ensemble, et pas uniquement ceux que l’on nomme les casseurs, est pour le moins un échec de notre démocratie. La France, contre l’avis du défenseur des droits, utilise massivement, lors des manifestations, les lanceurs de balle de défense LBD 40 et des grenades GLI-F4, armes qui sont très souvent proscrites ailleurs en Europe car elles provoquent des mutilations graves. Environ 2000 manifestants ont été blessés, dont certains gravement, depuis le début des manifestations, cette violence inhabituelle de la part des forces de l’ordre ne peut pourtant se justifier que dans les cas exceptionnels de violence physique contre les forces de l’ordre.

La violence est toujours illégale, mais c’est l’histoire qui jugera de la légitimité de la violence populaire. Par contre dans un état de droit la violence excessive de la police est toujours illégale et illégitime. La liberté n’est pas qu’un slogan, c’est une valeur républicaine fondamentale. L’usage inconsidéré par les forces de l’ordre d’armes qui provoquent des blessures graves lors des manifestations et le contrôle a priori des citoyens n’ont pas leur place dans une démocratie.

Une démocratie qui fonctionne doit allier dans des processus continus l’aspect représentatif, direct et participatif. La capacité à faire émerger des élus qui représentent toutes les composantes de la Nation doit être largement amélioré, notamment pour minimiser les effets liés aux positions de dominations économiques, culturelles ou de genre, mais les deux autres aspects sont dans notre République bien trop embryonnaires.

Q Faut-il reconnaître le vote blanc ?

R OUI, mais il faut envisager toutes les conséquences de cette décision pour ne pas se retrouver dans des impasses institutionnelles. Il faut dans l’immédiat mettre une pile de bulletins blancs pour lui donner plus de visibilité.

Q Faut-il rendre le vote obligatoire ?

R Non. Cela me paraît totalement inutile. Par contre il faut faire en sorte qu’avant les élections les processus pré-électoraux, notamment lors de la sélection des candidats ou la rédaction des questions posées, donnent le sentiment à tous que l’enjeu électoral les concerne. Les partis politiques, encouragés en cela par un système médiatique bien trop tourné vers la politique politicienne sont trop souvent devenus des écuries électorales.

Q Quelle est la bonne dose de proportionnelle aux élections législatives pour une représentation plus juste de tous les projets politiques ?

R 50% voire intégrale et non un petit pourcentage comme cela est envisagé.

Mais la question suppose que l’on doit simplement modifier quelques paramètres, alors que c’est tout notre système politique qui est en échec

Il faut supprimer le régime présidentiel dont la verticalité ne correspond plus aux progrès de l’éducation. De plus les nouvelles technologies numériques ont permis de développer une culture adaptée à plus d’horizontalité. Notre cinquième République qui revient à choisir un monarque en CDD est obsolète et non conforme à ce que l’on attend d’un régime moderne. Ce n’est pas un toilettage de la constitution qu’il faut, mais un nouveau texte qui revitalise l’alliance entre les classes aisées adaptées à la mondialisation et les classes moyennes qui font marcher l’économie résidentielle ou qui travaille dans les grandes entreprises. Lorsque les classes moyennes qui représentent 73% de la population française ne sont plus que 13 % à l’Assemblée Nationale, on ne peut pas être satisfait de notre système politique. Cette distorsion dans la représentation saute aussi aux yeux dans notre système médiatique.

Q Faut-il, et dans quelles proportions, limiter le nombre de parlementaires ou autres catégories d’élus ?

R Peut-être, mais c’est marginal. Il faut par contre leur donner les moyens de remplir leurs missions.

Q Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil Economique, Social et Environnemental doivent-ils jouer pour représenter nos territoires et la société civile ?

R Un rôle important. Le travail produit par le CESE est en général mal utilisé. L’État et les médias ne lui accordent pas la légitimité qui devrait être la sienne. Plus généralement les instances qui représentent la société civile organisée, comme les CESER et les Conseils de développements ne sont pas assez valorisées. Cela ne sert à rien d’avoir des instances multiples si la seule opinion qui compte c’est celle du Président de la République.

Q Faut-il les transformer et comment ?

R Il est plus important de mieux préciser leurs missions et les moyens qui vont avec. La mission d’évaluation des politiques publiques doit être renforcée. La piste d’une fusion Sénat et CESE me semble une fausse bonne idée. Il est plus important d’introduire à tous les niveaux de ces instances, qui représentent le territoire et la société civile organisée, d’introduire une part de tirage au sort, de mieux préciser leur champ de responsabilité et de mieux garantir leur mode de fonctionnement. La fusion ne peut qu’augmenter la verticalité du pouvoir.

Q En outre, une grande démocratie comme la France doit être en mesure d’écouter plus souvent la voix de ses citoyens.

R Remarque : Le peuple s’exprime déjà bien souvent. En manifestant dans la rue, à travers les corps intermédiaires et de manière indirecte à travers les médias et les nouvelles technologies liées au numérique. S’il faut améliorer le fonctionnement des instances de dialogues, il faut au minimum montrer sa capacité d’écoute sur ce qui existe déjà et non pas s’enfermer sur ses certitudes comme l’a trop souvent exprimé le pouvoir en France depuis quelques années. Les élections permettent de faire des choix, mais la démocratie doit se vivre en continu et un choix électoral fait sur une personne ne peut être un blanc-seing pour plusieurs années. Comme sur un navire le cap doit être modifié lorsqu’un obstacle imprévu surgit.

Q Quelles évolutions souhaitez-vous pour rendre la participation citoyenne plus active, la démocratie plus participative ?

R Donner plus de pouvoirs et de moyens de fonctionnement à tous les corps intermédiaires et aux associations. La participation existe si cette dernière produit des effets. Il faut dépasser le modèle consultatif pour aller vers plus de co-construction des décisions.

Q Faut-il associer davantage et directement des citoyens non élus, par exemple tirés au sort, à la décision publique ?

R Oui. Mais comme pour le choix d’un jury d’assise il faut bien organiser ce tirage au sort. Une liste minimale d’aptitude doit être mise en place et pour que la participation des citoyens tirés au sort soit effective il faut que ce soit aussi des citoyens volontaires et motivés. La difficulté est de choisir entre le volontariat préalable au tirage ou au contraire le volontariat sur une liste restreinte tirée au sort. Les expériences de conférences de citoyens ou de consensus avec tirage au sort montrent clairement que c’est un des moyens de mieux faire vivre la parole du peuple dans l’organisation démocratique.

Q Faut-il accroître le recours aux référendums et qui doit en avoir l’initiative ?

R Oui. Il faut des conditions qui permettent d’en faire suffisamment pour que ce ne soit pas vécu comme des plébiscites. L’initiative doit être populaire comme en Suisse avec un niveau de contrainte pour sa réalisation qui ne soit pas excessif comme l’actuel RIP. Sur les sujets qui concernent les grandes déclarations sur les droits humains et les traités internationaux, on doit mettre en place un système exceptionnel qui pourrait allier l’aspect référendaire et l’aspect parlementaire avec des majorités qualifiées. Un changement de cap important, comme cela a été le cas pour le "Brexit" en Grande Bretagne aurait dû se faire avec une double contrainte référendaire et représentative. De même l’aspect révocatoire pourrait exister avec une majorité qualifiée avec un délai temporel raisonnable par exemple à mi-mandat. Le changement de cap ou la révocation doit donc être possible, mais doit se faire avec un niveau de contrainte supérieur aux élections habituelles. Que proposez-vous pour améliorer l’intégration dans notre Nation ? De faire un effort pour diminuer les multiples discriminations sociales et économiques.

Q En matière d’immigration, une fois nos obligations d’asile remplies, souhaitez-vous que nous puissions nous fixer des objectifs annuels définis par le Parlement ?

R Cette question est surprenante car elle laisse supposer que la question de l’immigration est une question qui se joue au seul niveau national. Cette question va notamment et de manière démagogique à l’encontre de tous les discours que la France et son Président tiennent sur l’UE. Faire croire que le rapport à l’immigration appartient à la seule volonté nationale est une illusion. L’immigration est un problème qui concerne l’humanité et ne relève qu’en partie de la souveraineté nationale. Si le parlement a son mot à dire, il ne doit pas être le seul à trancher ce débat crucial pour l’avenir. Comme pour le changement climatique la France est un acteur qui représente des droits et des intérêts mais qui doit participer au niveau mondial à la régulation des problèmes. Pendant longtemps nous avons cru que la division en états nations souverains permettait de réguler la planète. La mondialisation économiques et la finitude de la planète nous conduisent à repenser, sur certains problèmes, la gouvernance mondiale, tout en conservant le principe de subsidiarité. Ce n’est pas la fin des frontières, mais la prise de conscience qu’il faut aussi tenir compte de notre appartenance commune à la planète. La démocratie doit exister au niveau national et local mais elle doit aussi se généraliser au niveau mondial. Les pays occidentaux ont trop longtemps fait comme s’ils menaient la marche du monde. Le développement de la Chine, de l’Inde et de grandes puissances émergentes, le durcissement idéologique de mouvements inspirés par un islam radical nous montrent que ce n’est qu’une illusion.

Q Que proposez-vous afin de répondre à ce défi qui va durer ?

R D’affronter le réel. Les migrations ne sont pas un choix franco-français, mais la conséquence de situations complexes et souvent difficile à maîtriser comme l’évolution climatique. Il faut donc s’adapter pour réguler au mieux les flux migratoires et non partir d’une position de principe. Il vaut mieux lutter contre les causes des migrations que de croire en une hypothétique ligne Maginot.

Q Comment renforcer les principes de la laïcité française, dans le rapport entre l’Etat et les religions de notre pays ?

R En Respectant avec rigueur l’excellente loi de 1905, ni plus ni moins. Donc en ne changeant pas cette loi pour faire plaisir à ceux qui se croient assiégés par l’islam.

Q Comment garantir le respect par tous de la compréhension réciproque et des valeurs intangibles de la République ?

R Surtout pas en faisant, comme cela semble le cap choisi, une démocratie de surveillance qui empilerait les textes répressifs et augmenterait la pression des forces de l’ordre. Mais en ayant des institutions - école, police, justice, hôpitaux publics, administrations - exemplaires sur les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité