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  La responsabilité climatique des villes

mardi 19 mai 2015, par Joseph Saint Pierre

Adapter la ville au changement climatique, ne doit pas empêcher de penser que le développement urbain des deux derniers siècles, tout comme la croissance générale de la population et le relatif abandon de la ruralité est tributaire d’une consommation croissante d’énergie et notamment d’énergie fossile, or il semble avéré que la consommation d’énergie fossile par les êtres humains soit à l’origine du changement climatique.

Le développement urbain ne peut être analysé sans penser au déclin de la part de l’agriculture, élevage, chasse, pèche, cueillette, dans les activités humaines. L’agriculture au sens large s’est très fortement mécanisée et utilise beaucoup d’énergie et de l’énergie fossile, l’agriculture contribue fortement au dégagement de gaz carbonique et donc aussi au changement climatique. Mais l’agriculture sert à nourrir l’ensemble de la population humaine et donc la part toujours plus importante des urbains. Adapter la ville au changement climatique peut passer par une adaptation de l’agriculture et surtout par un changement des liaisons entre les villes et les espaces agricoles servant à leur alimentation. L’agriculture consomme de l’énergie directement mais une part importante de l’énergie consommée vient aussi des transports de produits agricoles, bruts ou transformés.

En raison des interactions entre les villes et les milieux proches ou lointains dont elles dépendent, il semble nécessaire d’avoir une approche globale sur les liens entre les consommations humaines et les changements climatiques. L’approche du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat semble nécessaire, il semble aussi nécessaire de passer par une réflexion philosophique, historique globale, et qui soit assez partagée, sur les responsabilités humaines dans le changement climatique.

Les principaux points de discussion semblent résider dans les niveaux où doit être pris en charge le changement climatique et les actions à mener pour y face. Une attitude simpliste consisterait à considérer qu’il s’agit d’une responsabilité individuelle, si l’ensemble des individus étaient convaincus que leur mode de vie, leurs consommations sont responsables du dérèglement climatique peut-être qu’une prise de conscience se traduirait par une attitude vertueuse tendant à faire baisser les consommations d’énergie fossile et donc les émissions de gaz carbonique. On peut citer de nombreuses actions souvent individuelles, comme le déplacement à bicyclette, l’achat de fruits et de légumes issus de l’agriculture locale, le végétarisme, l’isolation plutôt que le chauffage, l’installation de panneaux solaires etc. Une autre attitude consiste à faire reposer la réflexion et l’action sur les États, cela est assez fréquemment le cas dans un pays centralisé comme la France qui a produit un Grenelle de l’environnement et où il est encore assez fortement accepté que les grandes questions doivent être traitées au niveau national. Dans ce cadre là on peut imaginer que la question sur l’adaptation de la ville pourrait déboucher sur un modèle juridique, administratif, valable pour toutes les villes. On peut envisager des formes de décentralisations et des réflexions locales sur comment adapter une ville donnée, Marseille, Lyon, Albi, Carcassonne en prenant des comparaisons avec d’autres villes dans le monde Bristol, Fribourg, Rio de Janeiro, Osaka etc. Dans ce cas là on peut imaginer une réflexion sur l’urbanisme local, sur les relations de cette ville avec son voisinage, les effets de son organisation sur la consommation d’énergie.

En tant que mathématicien j’ai étudié depuis très longtemps le danger des extrapolations et l’usage abusif des chiffres, l’extrapolation fait partie du sujet de ma thèse soutenue en 1983. Depuis cette époque j’ai vu très souvent des hypothèses farfelues sur la croissance démographique globale de la planète ou de certaines grandes villes notamment Toulouse, ou sur l’étalement urbain. Il est absolument impossible de prolonger les courbes en suivant les évolutions passées. Je ne peux pas reprendre tous les textes que j’ai écrits sur ce sujet depuis des années et qui figurent sur ma page web. L’exemple du développement urbain Japon semble facile à comprendre en raison de l’étroitesse du territoire habitable où se trouve les plus grandes agglomérations du monde et où de très grandes villes "conurbent" comme Tokyo et Yokohama ou Osaka, Kobé et Kyoto, une croissance urbaine qui se prolongerait donnerait une agglomération de 400 km de long de Tokyo à Osaka englobant Nagoya et quelques autre grandes villes. Les modèles de croissance urbaine se situent dans un espace qui n’est pas infini et où il y des contraintes, mers, montagnes. Les modèles linéaires ou exponentiels de croissance sont en général incapables de comprendre correctement les contraintes.

Un des dangers secondaires du changement climatique est de sombrer dans le pessimisme consistant à dire que la catastrophe est inéluctable, voire déjà là, et en conséquence de ne rien envisager ou d’opter pour une attitude très critique face à la modernité.

J’ai déjà longuement abordé ce sujet pour un café politique de mai 2006 dont le sujet était " Notre "salut" passe t-il par la croissance ? " http://lecafepolitique.free.fr/spip...

Il me semble que l’on peut envisager la décroissance de certaines consommations tout en s’appuyant sur des éléments de la modernité technique.

Je reprends intégralement l’extrait d’un entretien avec Neil Gershenfeld inventeur des FabLabs

http://rue89.nouvelobs.com/2015/04/...

"Quel peut être l’impact des fablabs sur le système économique ?

Prenons l’exemple de Barcelone. Le cycle économique est basé sur l’entrée de navires déchargeant au port des marchandises venues de Chine, et la sortie de déchets partant vers les campagnes alentours. Développer les fablabs, c’est rompre avec ce système.

L’été dernier, lors du forum Fab10, le maire de Barcelone Xavier Trias a lancé une opération visant à transformer sa ville en "fab-cité" d’ici 40 ans. Au lieu de faire des villes dépendantes de chaînes d’approvisionnement vulnérables aux changements économiques, il s’agit de créer des citées autonomes. Cela remet en question la notion de ville et son fonctionnement.

L’objectif est de produire ce qui est consommé. Pour cela, il faut créer des fermes urbaines pour produire des aliments. Il faut récupérer et produire l’énergie. Il faut aussi repenser notre mode de consommation sans limite des matériaux et producteur de déchets. C’est un changement important et difficile basé sur les technologies des fablabs. Ils doivent être au cœur du fonctionnement des villes."

Dans cet extrait Gershenfeld expose des idées séduisantes sur la possibilité d’utiliser de la technique extrêmement nouvelle pour produire et consommer localement.

Il existe aussi des réflexions sur les monnaies locales pouvant favoriser la production locale. Dans ce domaine plutôt que de voir un simple retour en arrière il est impossible de voir une cohérence globale avec monnaies type bitcoins.

L’utilisation des données produites par les citoyens pourraient aussi servir à mieux organiser les circulations et donc les consommations d’énergie et pas uniquement à augmenter la consommation d’énergie.

L’adaptation des villes au changement climatique sera difficile mais cela peut donner de nouveaux défis extrêmement passionnants.