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  La gratuité, le commun

dimanche 13 juillet 2014, par Equipe d’animation d’Horizons De Civilisation Toulouse

Compte rendu de l’atelier du 31 mai 2014 : Gratuité, commun.

La discussion sur la gratuité et le commun renvoie à la lutte contre les inégalités et à la nécessité de casser la logique de financiarisation de l’ensemble de la société. Elle a aussi un lien avec le débat sur des thèmes comme le salaire universel.

Nous pourrions aborder le sujet de la gratuité et du commun en nous questionnant sur les besoins de base des êtres humains. Quels sont les besoins de base ? Quels sont, par exemple les besoins en eau ?

Remarquons que le terme « besoin » est un terme « à double tranchant ». Certes, d’un point de vue physiologique nous voyons très bien ce que cela veut dire. Mais d’un point de vue juridique (et économique), le terme de « besoin » s’oppose aux termes de droit fondamental (dans les conventions mondiales sur l’eau des années 1990, l’expression « droit fondamental » à été remplacée par le mot « besoin ». On ne peut pas aller devant un tribunal international pour demander à ce qu’un besoin soit satisfait, alors qu’on peut le faire pour un droit).

Cette question des droits fondamentaux (ou des besoins) auxquels les individus devraient avoir accès (d’où la gratuité et le commun) a été posée dans certains endroits et pour certaines ressources (ou biens). Par exemple, dans la région des Flandres en Belgique, les premiers mètres cubes d’eau sont gratuits . C’est donc bien que le combat pour la gratuité est accessible, si un gouvernement veut le mettre en place, il n’y a pas de problème (technique). (1)

Cette question peut être étendue à d’autres domaines : la précarité énergétique, la création de monnaies alternatives.

L’idée d’Halimi est que nos sociétés n’ont pas besoin aujourd’hui d’une relance par les salaires (relance keynésienne), en raison notamment des contraintes écologiques et parce qu’ il est aussi nécessaire d’inciter à la sobriété. Nous n’avons pas besoin de consommer plus. Par contre, nous avons besoin d’avoir accès à certains biens, services, ressources. Pensons aux réseaux, par exemple (télécom, électricité, autoroutes, ...) ceux-ci font partie de la res-publica...

Le débat sur la gratuité et le commun, lors de la réunion, à été illustré par une réflexion sur les transports à Toulouse. Le prix des transports toulousains ne couvre pas tout (uniquement 16% du coût), doit-on quand même passer à 0% ? C’est une question qui partage (cf réunion des amis de la terre). Doit-on laisser un prix ou préférer la gratuité complète sur un domaine qui relève du commun. La gratuité a des limites, il peut y avoir des abus, d’où l’idée de fixer un prix à l’euro symbolique. Pour le TAD, le coût est environ 14 euros et ceux qui en profitent le plus sont ceux qui ont choisi de vivre hors de Toulouse, pour leur commodité personnelle et pour avoir accès à des propriétés plus grandes, avec jardin, etc. C’est le problème de la mise en place du commun, chez Dardot et Laval, ce problème peut être résolu si l’on considère que le commun doit être mis en place par une action collective. Si chacun participe démocratiquement à la mise en place du commun, il est possible de limiter les abus.

Cette notion de co-activité rejoint d’une certaine manière celle de "communauté des hommes libres", formulée par Monique Chemilier Gendreau et base selon elle de tout fonctionnement démocratique.

Le commun est lié au droit, à la spoliation. Moins le propriétaire a de droit, plus il peut y avoir de commun. La démocratie est liée au commun sur deux aspects : la société c’est du commun, c’est le commun qui fait le sentiment d’appartenance (culture, histoire, etc.) Si on n’a que la propriété privée on n’a pas de commun. Les individus sont dans une position de consommateurs. L’exemple des coopératives peut illustrer ce point. De même le contre-exemple de l’Argentine où l’on a essayé de faire passer les réseaux de fibres optiques dans les champs etc.

Même si en droit nous sommes dans une démocratie, l’oligarchie qui s’est mise en place a entraîné un mouvement de confiscation. Elle a eu aussi pour conséquence de diaboliser l’Etat. Mais l’Etat c’est nous ! L’Etat a été confisqué.

Pour cette raison, certains participants à la réunion sont en désaccord avec Dardot et Laval parce qu’ils se situent toujours hors de l’Etat. Non, il faut que l’Etat (cf Edgar Morin, système complexe, auto adaptatif, etc.) intègre le peuple qu’il fonctionne avec le peuple. Il faudrait que l’Etat gère le commun, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. En fait, la perte de souveraineté du peuple se traduit par la disparition du commun et s’il n’y a plus de commun, il n’y a plus de démocratie. Nous sommes dans cette situation parce que l’on est dans une oligarchie et non dans une démocratie. Cf. la charte de la terre : comment faire, comment poser des étapes ? Ces questions rejoignent l’autre atelier : la démocratie.

La démocratie représentative, il est possible de la biaiser par l’argent, et de transformer nos dirigeants politiques en valet des lobbies, c’est l’oligarchie. Mais il ne faut pas aller trop vite. Il reste encore en France beaucoup de commun, on en a encore 50%. En particulier les entreprises qui devraient être considérées en droit comme un commun car elles n’ont pas un véritable statut juridique.

Développer le commun s’inscrit aussi en contre-point d’une fiscalité distributive et il serait donc opportun d’étendre le pouvoir d’avoir du commun plutôt que de corriger a posteriori les inégalités créées par le marché.

La ligne de démarcation entre la propriété privée et le bien commun est un combat actuel. De nombreuses luttes en témoignent : brevets sur le génome humain, brevets sur les plantes traditionnelles, création artistique, publication de livres, …

La question de la gratuité et du commun renvoie aussi aux questions et aux enjeux liés à l’internet : que fait-on des données personnelles ? Est ce que cela fait partie du commun ? Comment doit être rémunéré l’artiste ?

Avec le protocole TCP/IP : on ne peut pas facturer, ce qui n’a pas empêché les universitaires américains de l’utiliser pour construire Internet comme un commun fonctionnant sur une base de gratuité alors que chez nous son développement a été bloqué dans un premier temps. Le 3W (cern Genève) a été créé pour être du commun, il y a au départ une grande idée. Au départ la structure n’est pas prévue pour faire de l’argent. Ces questions renvoient au droit d’auteur, droit à l’oubli, etc.

Le compositeur qui faisait partie de l’atelier fait remarquer qu’il serait prêt à abandonner ses droits afin que ses œuvres soient entendues. On pourrait peut-être plutôt inviter le compositeur et le payer pour sa venue, propose-t-il. Il est difficile de se reconnaître au sein de la sacem (sauf à composer de la musique de variété). Le compositeur est un alchimiste, un "œuvrier", il ne peut pas être rémunéré selon le (seul) critère marchand.

Le thème de la gratuité et du commun renvoie aussi à d’autres sujets que nous n’avons pas eu le temps d’aborder, par exemple la fiscalité mondiale sur les grandes entreprises. La question essentielle reste : que met-on dans le commun ? Avec quelles régulations ? Il semblerait que l’on ne puisse pas tout y mettre et qu’il faudrait trouver un équilibre entre le commun et le marché, d’où l’idée de commencer par les besoins ou les droits fondamentaux. La question renvoie toujours, aussi, à la décision démocratique de ce qui doit être gratuit. Or, dans une société trop inégalitaire, il ne peut pas y avoir de démocratie ; il est donc essentiel de lutter contre les inégalités qui ont au contraire, actuellement, tendance à s’aggraver.

1) En vertu des dispositions légales, toute personne domiciliée raccordée au réseau de distribution d’eau reçoit annuellement 15 m³ d’eau gratuits. C’est l’équivalent d’environ quarante litres d’eau par jour et par personne. Au-delà des 15m³ annuels par personne, l’eau est payante.