mardi 11 mai 2010, par Pierre Lefèvre
Vu de France, les Etats-Unis sont souvent perçus comme un pays où la puissance publique est en retrait face aux élites économiques et aux différents groupes de pression et ce, à tous les échelons politiques, du gouvernement fédéral aux municipalités en passant par les administrations des différents États fédérés. À de nombreux égards, ces différents éléments présents depuis longtemps dans la conception du fonctionnement de la puissance publique aux Etats-Unis se retrouvent aujourd’hui ailleurs, et participent depuis deux décennies à l’émergence d’un débat autour de la notion de gouvernance – et par extension un débat sur la question de la gouvernance urbaine – dans nos sociétés de la "vieille" Europe.
En effet, à l’heure où l’on s’interroge sur l’avenir institutionnel du grand Paris et où l’on observe l’adoption massive du régime intercommunal sur l’ensemble du territoire français, la question de la gouvernance des grandes agglomérations s’impose comme un enjeu de société majeur. Dans un contexte mondial marqué par un processus de métropolisation, les villes connaissent des mutations profondes – spatiales, sociales, économiques – qui remettent en cause le contrôle qu’exercent les sociétés sur leur environnement urbain. La morphologie changeante des espaces urbains soumis à la métropolisation n’a pas seulement une incidence sur la nature des problèmes que l’on tente d’y résoudre ; elle transforme aussi les conditions politiques du traitement de ces problèmes. Lorsque les agglomérations grandissent et que l’accès à certains espaces convoités devient un critère d’ascension sociale ou la condition de la prospérité économique, le territoire urbain devient un enjeu politique et cristallise les tensions sociales et la concurrence économique à l’intérieur de l’agglomération.
Conjointement à l’importation de l’expression "gouvernance urbaine" pour permettre d’évoquer le nouveau contexte politique suscité par ces changements, le vocabulaire politique et universitaire s’est vu enrichi d’une autre, celle de "démocratie participative". La démocratie participative implique une consultation en amont des citoyens, des habitants, des usagers, bref de tous ceux qui sont l’objet des politiques. Parfois présentée comme une panacée, elle permettrait ainsi de surmonter certains dysfonctionnements d’une démocratie représentative supposée en crise. D’autres au contraire y voient un moyen de plus pour contenir les mouvements de contestation et d’opposition, tel un écran de fumée utilisé par ceux qui détiendrait le "vrai" pouvoir dans un contexte de gouvernance urbaine. Qu’en est-il vraiment de la participation des habitants à la gouvernance des villes ?
Pour tenter de répondre à cette question, l’exemple californien apporte des éléments de réflexion intéressants, pour plusieurs raisons. D’une part, à l’inverse des configurations gouvernementales longtemps observées en Europe, où l’Etat est un acteur majeur, l’arène politique américaine se démarque depuis longtemps par sa pluralité. Cette pluralité s’explique par la multiplicité des acteurs influents sur les processus de production et de mises en œuvre des politiques publiques – État fédéral et États fédérées, corporations, groupes de pressions religieux, identitaires ou idéologiques, etc.- D’autre part, la Californie s’est dotée au cours de son histoire d’un arsenal imposant de loi permettant aux habitants de prendre part aux décisions politiques, des plus futiles aux plus importantes, et de s’opposer ainsi de façon frontale aux élites politiques et économiques.
Même s’il n’a pas la prétention de proposer une comparaison internationale entre deux modèles supposés, français et états-unien, ce travail offre donc un éclairage sur un aspect de la gouvernance urbaine aux Etats-Unis. Par le biais de ce travail, il s’agit de rendre compte de la pertinence, ou au contraire du caractère trompeur ou inexact, d’un certain nombre d’images concernant la participation des habitants à la gouvernance des grandes villes.
Pierre Lefèvre, LISST-Cieu