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  Un peu d’utopie…pour l’Europe

jeudi 3 juin 2004, par François-Xavier Barandiaran

En l’espace de quelques semaines 3 événements se seront télescopés à propos de l’Europe : le premier mai c’était l’Europe élargie à 25 membres ; entre le 10 et le 13 juin, selon les pays, ce seront les élections des députés au Parlement de Strasbourg ; et finalement les 17 -18 juin, le Conseil à Dublin, où les 25 Chefs d’État essaieront de se mettre d’accord sur le projet de nouvelle constitution, accord qui avait capoté une première fois à cause des gouvernements espagnol et polonais.

Ce tiercé dans le désordre est un peu à l’image de la formation chaotique de L’Europe : on augmente le cercle de famille, en associant 10 nouveaux membres et en rendant, de ce fait, l’Europe ingouvernable, alors qu’on n’a pas réussi à définir la règle de fonctionnement. On élargit avant d’approfondir : déjà le maintien du vote à l’unanimité, qui convenait parfaitement aux britanniques et aux « euroceptiques » de tout poil, bloquait toute décision allant dans le sens de davantage d’intégration dans des domaines comme les droits sociaux ou la fiscalité. Alors, qu’en sera-t-il dans une Europe à 25 ?

C’est pour cela que la commission présidée par Giscard d’Estaing avait préparée l’ébauche de Constitution que les Chefs d’État essaieront d’adopter le 18 juin. Si c’était le cas, elle ne s’appliquerait qu’en 2009, et après avoir été ratifiée par tous et chacun des 25 membres. Mais, ratifiée comment ? Par voie parlementaire ou référendaire ?

Nous touchons là à une autre caractéristique de la formation de L’Europe : elle a avancé souvent sans que les peuples qui la composaient y aient été étroitement associés, mis à part le référendum sur Maastricht en 1992. Ils sont restés, la plupart du temps, spectateurs. Tant et si bien que le débat sur les questions européennes est systématiquement éludé par les gouvernements et les partis politiques. En France, un consensus semble s’être créé sur l’opportunité de soumettre la ratification à référendum. Seul le Président, à qui revient le dernier mot, hésite encore et réfléchit !

Mais, pourquoi ces mêmes partis politiques, qui semblent convaincus de la nécessité de consulter l’ensemble des électeurs sur une question aussi importante, escamotent-ils le débat sur les enjeux de l’Europe, y compris pendant ces quelques semaines de campagne qui précédent la date du 13 juin ?

Déjà que la nouvelle modification de la règle du jeu, avec la création de 8 régions électorales surgies du néant, ne peut que troubler et démotiver les électeurs, et que la présentation de 168 listes au nom de 41 partis dénature forcément l’enjeu du scrutin, voilà que les deux grands partis (UMP et PS) ne traitent dans leurs meetings que tangentiellement la question de quelle Europe veut-on construire .Il est vrai qu’à ce sujet il y a dans leur sein de profondes divisions. Cela permet, par exemple, au PS de botter en touche, en parlant de la nouvelle « raclée » à donner au gouvernement Raffarin III (sans doute bien méritée !) et en découvrant après tant d’années de jachère que l’urgence c’ était l’Europe sociale.

Mais il vaut mieux tard que jamais ! Parce que, c’est sur la nature d’une identité sociale européenne, dans une période où le tout-libéralisme triomphe, ainsi que sur la volonté d’atteindre une intégration politique (Europe des nations ou fédération européenne ?), que se situeront les convergences ou les divergences entre les forces pluralistes de la gauche et de l’extrême gauche. Mais, pour le moment, on renvoie ces débats à plus tard, quand il s’agira de ratifier ou pas la Constitution.

Depuis quelques années l’Europe manque de souffle et un majorité d’européens est traversée par le doute sur la question de l’emploi et de la croissance économique ou sur le modèle social européen à préserver (libéral à l’américaine ou fondé sur la solidarité et le maintien du service public ?).D’autres,-ou les mêmes-, se demandent a quoi vont servir les renoncements à des pans entiers de souveraineté nationale : est-ce, seulement, pour créer une vaste zone économique stable, mais soumise au dollar ?

Il aura fallu 50 ans, depuis que les Fondateurs lancèrent en 1951 la Communauté européenne du charbon et de l’acier, pour en arriver au stade actuel. Aujourd’hui, il faudrait un triple grand projet pour relancer l’élan unitaire qui a perdu de sa force :

· d’achèvement de l’intégration économique avec l’adoption d’orientations économiques et fiscales de plus en plus convergentes, alors qu’actuellement chaque pays essaie de tirer le maximum de profit, au préjudice des autres ;

· d’harmonisation par le haut des systèmes de couverture sociale pour préserver, dans une société qui va de plus en plus vers l’exclusion des moins compétitifs, ces services publics qui maintiennent la cohésion sociale ;

· de promotion d’une Europe politique proposant un modèle de gouvernance mondiale autre que celui que les USA nous imposent aujourd’hui.

Pour le dire avec un peu de lyrisme : l’Europe des cloîtres romans et des cathédrales, de la Renaissance et de la Philosophie des lumières, des droits de l’homme et de la révolution industrielle, peut encore ouvrir des voies nouvelles à l’humanité pour montrer que le « vivre ensemble » est possible, aussi bien entre couches sociales qu’entre pays ou blocs de pays différents.

Faudra-t-il encore 50 ans pour atteindre ce nouveau palier d’européanisation ?

Nos petits enfants (ou arrière petits-enfants) seront, alors, à même d’attaquer la troisième étape, celle des « États-Unis d’Europe ». Mais, là, je rêve en pleine utopie.