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  Le déclin de la France ?

Conférence de Ph. Leconte

samedi 10 janvier 2004, par Ph. Leconte

1 - Déjà Robert Aron publie en 1931 : « Décadence de la nation française ». Depuis les années 90, de nombreux essais ont été publiés sur le sujet : A Cotta qui dans « La France en panne » (1991) évoque la « banalisation de la France », JP Fitoussi et P Rosanvallon sont les co auteurs de « Le nouvel âge des inégalités » (1996) . cette année le thème du déclin de la France rebondit avec deux ouvrages , celui de N Baverez, « La France qui tombe » Perrin et de A Duhamel « le désarroi français ». La question est aussi largement illustrée par la production cinématographique : on se souvient des « nuits fauves » (sur le SIDA) de C Collar, de « Ressources humaines » de Laurent Cantet et surtout de « La ville est tranquille » de R Guédiguian . Ces réactions témoignent de l’importance que tient en France la représentation d’un modèle susceptible de constituer une réponse satisfaisante aux nombreuses contradictions aux quelles nous sommes soumis.

2 - La pertinence de la question si l’on s’en tient à quelques critères statistiques. Les chiffres justifient à priori d’aborder le sujet, ils sont conformes à la présentation qu’en fait Baverez . La comparaison s’appuie sur les années 70 : référence nostalgique à une fin de période pseudo heureuse, érigée en mythe . Cette comparaison est-elle justifiée ? le contexte ayant profondément changé, les chiffres témoignent-ils de la même réalité ?

3 - Le terme « déclin » « Etat de ce qui tend vers sa fin », ce qui correspond à l’identité et au modèle, impose une problématique très large puisqu’elle suppose de s’interroger sur tous les aspects qui pourraient rendre compte de ce phénomène ou l’invalider. Puisqu’il s’agit de la France , il s’agit d’un système complexe , dans lequel tous les éléments ; politique, économique, culturel, démographique, institutionnel et religieux doivent être pris en compte.

4 - Le Plan de l’exposé

• La construction du « modèle » Français. • La France et les « menaces » extérieures ? • La France et ses fractures intérieures. • Le refus du déclin, un dessein plutôt qu’un destin.

(Commentaires : le «  ? » du II, montre un doute sur la pertinence de ces explications, le « . » du III montre que les problèmes sont bien là)


I - La construction d’un modèle français.

1 - Comment caractériser ce modèle ?

Comment visualiser cette France moderne ? on peut identifier quelques termes clés. Certains ne concernent pas exclusivement la France ( la famille, salariat, les syndicats) d’autres lui sont plus spécifiques :
- Un premier groupe de termes qui, implicitement ou explicitement concernent l’Etat : liberté égalité fraternité, , implicitement ou explicitement : Etat, intervention économique de l’Etat, nation, centralisation . on peut donc pré supposer ici une caractéristique forte.
- Un deuxième groupe de termes qui concernent l’économie : libéralisme éco et intervention éco de l’Etat ; on oublie que tout le long de sa maturation économique au 19e et 20e S la France marche sur ces « deux jambes », mais aussi « salariat » (aujourd’hui plus de 85% de la population active).
- Enfin des expressions font également apparaître des clivages, des tensions : lutte des classes, droite gauche ; valeurs religieuses et valeurs de la république.

- Le terme centralisateur, en lien avec l’Etat rappelle que l’organisation des pouvoirs publics s’inspirent du jacobinisme , dont la départementalisation est le résultat le plus spectaculaire.

- Enfin des expressions font également apparaître des clivages, des tensions : lutte des classes, droite gauche ; valeurs religieuses et valeurs de la république . On peut envisager un premier trie de ces caractéristiques avec une première grille distinguant les permanences et les changements

2 - Permanences et changements.

1 - Ces termes expriment une continuité avant et après la Révolution ( L’ancien régime et la révolution, Tocqueville) : Etat, intervention économique de l’Etat, tradition interventionniste en économie que l’on trouve dès l’ancien régime ( colbertisme, 17e S) ainsi que la centralisation monarchique , mais aussi l’église (France fille aînée de l’église) la famille, les valeurs religieuses. 2 - D’autres expriment un changement, qui ne signifie pas rupture.
- Certains vont de soi : l’expansion d’un salariat misérable au 19e S , de plus en plus favorisé au 20e S ( Prés de 90% de la pop active aujourd’hui) est une donne historique forte qui n’est pas exclusive à la France.
- mais on commence à percevoir des singularités en situation quelques interactions entre les termes : par exemple Innovation au contenu très chargée (non réductible à la sciences , mais qui part de la sciences) , on peut ici insister sur la grande influence des saints simoniens qui confèrent à la sciences et à ceux qui la détiennent la mission de changer le monde, la société la politique donc au cœur du contrat social incarné par la devise « Liberté égalité fraternité ».
- Ensuite on remarquera le passage du terme Etat à celui de nation , ( « communauté politique, distincte des individus qui la composent et titulaire de la souveraineté »), qui s’appuie sur un patriotisme rassembleur que Ernest Renan, dans son ouvrage « Qu’est ce qu’une nation ? » publié en 1883 , qualifie de « Plébiscite de tous les jours » .
- Nous retrouvons les expressions « lutte de classe », « droite gauche » , qui peuvent exprimer des tensions , des contradictions fortes , constituant des moteurs du changement social à partir d’un système de régulation. Comment peut-on visualiser cela ?

3 - La France et ses valeurs : la recherche de l’équilibre.

Ce qui constitue la base d’une société ce sont ses valeurs. Le document montre que la France qui « bascule » dans la modernité , est confrontée à travers ses permanences et les changements qu’impose ce basculement, à un problème de « conflit » entre des valeurs apparemment contradictoires. On remarquera :
- Un télescopage entre les valeurs issues de la société aristocratique de l’Ancien régime et les valeurs républicaines censées incarner la modernité scientifique, économique et sociale.
- Il y a donc nécessité ( non pour résorber mais pour réguler les tensions résultant des clivages) de mettre en œuvre un contrat social autour des valeurs « nationales » (susceptibles de devenir« universelles » ,qui le seront effectivement en 45, tout au moins à travers une déclaration) représentées par la laïcité, dont l’Etat est le garant.
- Mais on remarque au sein de ce système de valeur une contradiction qui n’a pas échappée à Tocqueville entre « égalité » et « liberté » . En France ce sera primat de l’égalité sur la liberté au sein de ce contrat (à la différence des EU), ce qui justifie le choix d’un Etat centralisateur et d’un Etat qui incarne la nation.

Plus largement cette recherche de l’équilibre s’insère ans un modèle de régulation économique et sociale.

4 - des valeurs à la régulation économique et sociale.

Comment peut on à partir de ces valeurs, rendre compte de la régulation socio économique (qui tient compte des mêmes caractéristiques du transparent 3) des valeurs à la régulation économique et sociale.

Les trois agents intégrateurs ( transmetteurs) de valeurs sont la famille, l’école (gratuite, laïque, obligatoire), dont l’Etat est le garant ; mais des valeurs communes (le travail)ne tendent pas vers les mêmes objectifs :
- Les enjeux tournent autour de la notion de progrès : économique ? social ?
- Le conflit porte sur la question des richesses mais aussi plus largement sur celle des pouvoirs : économique, social, culturel, politique ; la démocratie et la méritocratie qui en découle, exacerbent les rivalités autour de ces pouvoirs ( ce qui n’est pas le cas dans une société d’ordre liée à un droit donné à la naissance).

La particularité de la France est de confier principalement à l’Etat la légitimité de l’arbitrage et de la régulation . Dés lors on peut commencer à soulever certains problèmes qui maintenant ont un sens pour défendre l’hypothèse du déclin :
- les agents « intégrateurs » sont -ils encore opératoires ? cad sont-ils encore en interaction ? à moins que des groupes sociaux « investissent » l’institution scolaire à leurs profits ( sociologie de la reproduction : Bourdieu).
- l’Etat est-il encore légitime et opératoire, via la protection sociale pour assurer cette fonction ?
- Les syndicats sont-ils toujours en mesure de jouer leur rôle ?

Pour mesurer le degré de « fragilisation » du modèle que l’on vient d’observer , commençons par envisager l’hypothèse des menaces extérieures ?

II - La France et les « menaces » extérieures ?

1 - Crise du compromis fordiste, crise du modèle français ?

Ce que l’on constate c’est que l’émergence d’un modèle français érigé comme nous l’avons vu dans la première partie est conforme à l’évolution économique du 20e siècle qui tend vers ce que l’on nomme « un compromis fordiste » , c’est à dire un mode de régulation qui s’appuie sur une conception nouvelle du partage des richesses.

Le modèle français pouvait , comme d’autre (Allemagne) se prévaloir d’éviter le conflit entre innovation sociale et économique (conflit vérifié au 19e S), notamment pendant les 30 glorieuses ; un partage de la VA dans le sens d’un compromis fordiste permet d’assurer au salariat une position de plus en plus favorable et de résoudre, provisoirement les contradictions du système.

Le compromis fordiste est en phase avec le modèle français et le consolide.

La lutte contre l’inflation, la globalisation financière internationale remet en cause la régulation précédente : Les politiques de désindexation ont remis en cause la politique d’augmentation salariale. Les grandes entreprises face à l’intensité de la concurrence internationale, aux contraintes de compétitivité et donc de restructuration, sont tenues d’ouvrir leur capital ( croissance externe), en sollicitant les marchés financiers déréglementés et décloisonnés ( Globalisation financière. Définition : « désigne l’état très poussé qui caractérise les marchés des capitaux dans l’économie mondiale. »). Cela contraint une alliance entre les GE et leurs actionnaires organisées en fonds de pension qui exigent une rentabilisation de leurs apports : ce nouveau partage du pouvoir correspond à « la gouvernance d’entreprise ». Le compromis fordiste ne tient plus, l’emploi et les salaires deviennent des variables de plus en plus flexibles. Au capitalisme industriel succède un capitalisme patrimonial.

Dans quelle mesure ce scénario perturbe-t-il particulièrement le modèle français ?
- Le monde de l’entreprise s’est plutôt bien adaptée , un certain nombre de secteurs ont pu même trouver des opportunités de développement , l’automobile, la grande distribution, traitement de l’eau, restauration de collectivité ( sodhexo), l’aéronautique etc…
- La variable sociale souffre : la dégradation de la condition salariale est en partie liée aux contraintes extérieures.
- La légitimité de l’Etat est remise en cause, de par son impuissance à faire face par exemple aux délocalisations.

Ces évolutions mettraient donc à mal deux fondements de l’organisation à la française : l’égalité face au travail, et l’action de l’Etat.

2 - Puissance économique et souveraineté nationale : la rupture ?

Jusqu’aux années 70 , l’idée d’une juxtaposition quasi parfaite entre territoire nationale, sociale et économique pouvait être défendue et même constituer un projet politique : la mise en place de la nation, forge une citoyenneté constitutive d’une société qui elle même s’incarne dans une économie nationale. La politique industrielle (et la planification) et surtout la nationalisation incarne bien cette volonté de soumettre les forces économiques et financières au service de la nation ; Cette volonté a pu se décliner différemment :
- Colbertisme de haute technologie avec De Gaulle dans les années 60.
- Recherche de l’indépendance énergétique par le choix du nucléaire civile.
- Recherche de l’indépendance stratégique par le choix du nucléaire militaire.
- Nationalisation de pans entiers de l’industrie et surtout de la banque par la gauche en 1981.

Depuis le grand virage de 1983 (qui correspond aussi, ce n’est pas un hasard, à la modernisation de la bourse en France), la connexion entre ces trois « territoires » s’accélère. Soit par acquisition d’entreprises françaises par des entreprises étrangères ( PUK absorbé par Alcan), soit par acquisition d’entreprises étrangères par des groupes français ( Nissan et Renault), soit par des alliances ( Thomson : TCL). Ce qui marque aussi cette déconnexion c’est l’accélération du mouvement des IDE vers l’extérieur et inversement vers le territoire français ( grand succès pour la France deuxième pays d’accueil après la Chine). Il faut observer le même phénomène entre le « territoire social » représenté par les syndicats et les territoires économiques représentées par les grands entreprises : les syndicats sont particulièrement présents là ou la pression de la mondialisation est , pour l’instant atténuée : fonction publique, SNCF, EDF. Le décalquage entre entité économique, sociale et politique est représentatif d’une situation de « no man’s land » historique évoquée par J. Attali.

3 - L’hypothèse de la pression de la mondialisation sur les systèmes sociaux.

On peut envisager ici les systèmes sociaux au sens large : retraite santé, éducation , culture en particulier.

Le thème de la menace sur ce qui constitue le cœur même de nos spécificités et de notre identité est tout à fait à la mode , faute de pouvoir tout aborder contentons nous de quelques propos :
- La problématique d’un système social c’est d’abord celui de son financement, la responsabilité de la contrainte mondiale pourrait ici s’apprécier à deux niveaux : une partie des sources financières sont prélevées au niveau du travail ( cotisations), tout alourdissement des cotisations grèvent la compétitivité des entreprises ou peut les encourager à délocaliser ; compenser par un prélèvement sur le capital rencontre les mêmes limites : le risque d’une fuite des capitaux vers l’extérieur , dans un contexte de totale liberté de mouvements des capitaux. Les marges de manœuvre sont donc étroite ( ce qui a incité l’actuel gouvernement à faire le choix de la facilité pour les retraites en allongeant le temps de travail).
- La menace sur la culture est atténuée par la clause d’exception culturelle obtenue à Marrakech en 1993, malgré ses imperfections , elle a permis la sauvegarde de la production cinématographique française ( que l’on doit aussi, il est vrai, au dérapage du système des intermittents du spectacle.)
- La menace sur le système éducatif est largement démesurée, les volontés de décentralisation certes discutables, ne peuvent être interprétées comme un glissement vers une situation de marché à l’américaine. De plus les français ont déjà ce choix, qui n’est pas arbitré par les lois du marché, puisqu’il s’agit du choix entre école public et école privée sous contrat.
- La menace extérieure sur la retraite est aussi à nuancer : Il est prématuré d’envisager une victoire du système par capitalisation (assurance individuelle et privée) à l’américaine sur notre système par répartition au moment ou le caractère très heurtée de l’évolution des cours boursiers confèrent un rendement aléatoire aux produits financiers (ENRON). En fait on sait que le facteur principalement déstabilisant est démographique ( en ce cas c’est plutôt l’ouverture à l’extérieur par la voie d’une immigration jeune et productive qui pourrait être une solution).

4 - L’hypothèse de l’affaiblissement des positions diplomatiques extérieures.

Oui…
- L’incapacité de la France à agir seule , comme tous ses partenaires européens sur des terrains diplomatiques ou militaires

Non…
- La France au sein des organismes internationaux( membre permanent du Conseil de Sécurité)
- La France face aux EU
- La France une puissance nucléaire

« A coté de l’unique superpuissance américaine, existe en fait une dizaine d’Etats qui répondent à la définition de la puissance dans la mesure ou ils peuvent plus ou moins influer sur la politique menée par les autres pays. Aucun d’entre eux ne joue cependant sur la gamme complète de la puissance. Pas plus la France que les autres. Mais lorsque l’on détaille les différents critères objectifs de puissance, on constate qu’ils sont favorables à la France : puissance réelle sur le plan économique et commerciale, puissance technologique, militaire et culturel. » Pascal Boniface. Directeur de l’IRIS ( Institut des Relations Internationales et Stratégiques)

Conclusion / transition

La menace extérieure est suffisamment ressentie pour que la France d’aujourd’hui soit fortement exposée à ce que A. Duhamel nomme les « Quatre formes de pathologie nationale » ( « Le désarroi français » Plon 2003)

Face aux incertitudes le repli de l’opinion peut s’envisager de la manière suivante :
- La nostalgie souverainiste concerne ceux qui estiment que la France a déjà trop céder au nom de sa participation européenne et de la pression mondiale : l’abandon du franc est emblématique ; (De Villiers, Pasqua, Chevènement).
- Le corporatisme conservateur, selon Duhamel incarné par les groupes à statut privilégié , défendant leurs privilèges (SNCF)
- L’archaïsme anti mondialiste : comportement d’arrière garde de ceux qui estiment que l’identité française est soluble dans la mondialisation (J Bové).
- Fascination pour le libéralisme anglo saxon incarnée par une partie des managers français ( Jean Marie Messier), mais aussi certains créateurs d’entreprise et salariés.

Au total le fait d’accuser l’extérieur de tous les maux dont souffre la France, hormis le fait que cela est excessif, représente un continuum dans le comportement d’une France néo malthusienne que l’on a déjà connue dans les années 30. Surtout cette inquiétude structure une partie de l’opinion entre « souverainistes » dénonçant le fait que la politique n’est plus décidée à Paris , les anti ou les alter mondialistes qui considèrent les FMN et les BMN comme responsables du marchandisation du monde ( J Bové « Le monde n’est pas une marchandise » la Découverte 2000). Pourtant une lecture qui consisterait à opposer les intérêts nationaux aux nuisances venus de l’extérieur n’est pas suffisante : ces tensions et ses contraintes sont par contre de puissants révélateurs de dysfonctionnements propres à la France.

III - La France et ses menaces intérieures.

1 - La fracture sociale ?

a - Qu’entend-on par « fracture » ?.

On connaît la récurrence du propos médiatico politique sur cette fracture : sociale( campagne électorale présidentielle Chirac de 1995) urbaine et culturelle, (discours de Valenciennes Chirac 10/2003). Aux termes de « lutte » ou de « conflit » se substitue celui de « fracture ».
- Les deux premiers termes induisent une opposition qui entraîne une régulation ; c’est ainsi que se déroule , comme nous l’avons vu , le processus de changement social conduit par cette opposition.
- Le deuxième terme suppose la cohabitation de plusieurs mondes qui ne sont plus en liens , cette situation est bien plus périlleuse car les moyens de régulation « traditionnelle » sont déficients, l’attente vis à vis de l’Etat est d’autant plus forte et l’éventuelle inefficacité de son action accentue sa perte de légitimité.

Au terme fracture, il faut ajouter celui d’ atomisation au sein des catégories sociales (classe ouvrière) ceci multiplie les cas de « désaffiliation » (Castel) , dissémine des ensembles de population que l’on croyait homogène (la « galaxie RMI » Paugam).

b - Causes et incidences de la fracture et de l’atomisation de la société.

On peut envisager plusieurs pistes : • Celle du monde du travail :
- Le clivage population active occupée / population active aux chômage ( 10% de la population active), qui masque en fait d’autres clivages.
- Celui qui oppose les chômeurs de longue durée et ceux en simple transit.
- Ou encore celui qui oppose les salariés à statut précaire et ceux à statut stable

Dés les années 80, des auteurs rendent compte de ce danger : « Toujours plus » F de Closets (livre de poche 1984) « La France à deux vitesses » L Stoleru (Flammarion 1983). • Celle de la technologie : la fracture numérique, qui correspondrait à la mise à l’écart de tous ceux qui n’utilisent pas les NTIC. • Celle qui est liée au développement urbain , par le phénomène des banlieues ( les zones de non droits) frontière urbaine qui souligneraient les frontières culturelles voir ethniques ou religieuses, autre fracture souvent retenue (sociologues de Chicago). • Celle liée aux écarts de qualification et de degrés d’employabilité.

Il faudrait là un deuxième exposée pour confirmer la pertinence de toutes ces observations et en évaluer les interactions, et un troisiéme pour analyser les facteurs. L’important est plutôt ici de souligner le fait que l’ancien monde social implose sous ces différentes contraintes, comme nous avons commencé à le voir dans la première partie . Au delà de l’exemple classique de l’implosion de la classe ouvrière, on peut revenir sur la classe moyenne : Nous l’avons vu, elle incarne la méritocratie, principal ressort du changement social dans les sociétés démocratiques. La dégradation des positions socio économiques pour une partie d’entre elle se traduit par une crise de confiance vis à vis des acteurs sociaux susceptibles de promouvoir la promotion sociale par le mérite, en particulier l’école.

« Jusque dans les années 80, on assistait à l’émergence de la société salariale, marquée par la figure du salarié stable en CDI, auquel des droits sociaux nouveaux s’ouvrent au long de la trajectoire de travail. Le débat des années 70 est celui des « nouvelles classes moyennes » salariées, du public et du privé, rétribuées autour de 1500 de nos euros, classes qui supplantent les « anciennes classes moyennes » agrégeant fonctionnaires et petits commerçants. La dynamique de moyennisation était leur fait (thème au cœur des discours politiques en particulier ceux de Chaban Delmas ou de VGE dans les années 70). Que s’est-il passé à partir des années 80 ? D’une part, la part des salaires s’est effondrée face aux profits dans le,partage des revenus. La croissance des salaires est bloquée autour de 0,5 % par an, de sorte que le temps de doublement du revenu, qui était d’une vingtaine d’années en 1960, est multiplié par cent ! Le blocage de l’ascenseur social provient aussi de cette dynamique. Désormais, au sein des classes dites moyennes, il y a deux destins possibles. D’abord, celui de gens qualifiés, mais dont les revenus stagnent. Ceux-là rencontrent des difficultés à transmettre leur statut social à leurs enfants. Ensuite, il y a une classe moyenne en voie d’enrichissement : des indépendants, des salariés ayant accès aux stock-options. Ceux-là sont en mesure d’accumuler un patrimoine de haut niveau qui leur permettra de transmettre leur statut social à leurs enfants, notamment en leur offrant un accès aux lycées sélectifs du centre ville . » Louis Chauvel maître de conférences à l’IEP de Paris. SH 01/20

2 - Face à cette situation, la crise des institutions ?

a - Un Etat trop centralisé : tradition jacobine (départementalisation) , manque d’aptitudes pour l’exercice du pouvoir régional.

« Les bilans et enquêtes le montrent d’abondance : aux niveaux les plus décentralisés, il est parfois fort difficile de collaborer entre services différents, d’éviter les effets de domination de certains partenaires (les responsables politiques locaux , par exemple) si ce n’est plus fondamentalement de rompre avec une culture jacobine toujours prégnante (prise en main directe , par exemple , de dossiers sensibles par le cabinet du ministre aux dépens des administrations locales compétentes. » M. Lallement Sociologue au CNAM. Sciences Humaines HS n° 39 01/2003.

On trouve une réelle résistance à l’idée même de décentraliser (ex : éducation nationale), l’Etat centralisateur étant considéré comme garant du maintien de l’unité de la France (préoccupation historique), donc comme seul légitime pour assurer la permanence des missions dévolues à l’administration ;

Cette inaptitude est lourde de conséquences quand les administrations centrales deviennent trop lourdes et que les administrations locales décalées , dans leurs pouvoirs, par rapport à leurs homologues européens. (expl : M. Malvy / J. Pujol).

b - Crise des élites, crise de légitimité ?

« L’ère des grands serviteurs désintéressés de l’Etat, s’est refermée. Les élites se sont peu à peu mises à ressembler à la noblesse d’Ancien Régime, cumulant trop de privilèges et pas assez de services. Il y a dans ce constat objectif un des points centraux du malaise politique français. La critique des élites touche encore juste quand elle vise l’extrême uniformité de celles-ci. On sait bien que les dirigeants d’entreprise, comme les hauts fonctionnaires ou les hommes politiques, ont été formés dans un très petit nombre d’écoles communes (ENA, Polytechnique, HEC, etc.). Ce qui était une force au temps où un modèle centralisateur dominait devient une faiblesse et une cause de mécontentement dans une société civile plus autonome. Le modèle sociologique, culturel et même intellectuel qu’incarnent les élites s’est ainsi progressivement trouvé décalé par rapport aux évolutions de la société. Des affaires comme la déroute du Crédit Lyonnais ont ainsi justement conduit à dénoncer les effets pervers de l’esprit de corps au sein d’élites trop homogènes et n’ont fait qu’accélérer la perception de ce décalage. La perception des élites comme caste séparée a, par ailleurs, été d’autant plus forte que l’homogénéité de celle-ci contrastait avec une opacité sociale croissante. On touche d’ailleurs là à ce qui fait figure d’emblème de l’inégalité moderne : l’imaginaire politique assimile désormais les élites à la catégorie de ceux qui n’ont pas compris le poids des difficultés quotidiennes de la population parce qu’ils ne les vivent pas. A côté d’un « peuple » vivant dans le présent, les élites vivent hors du temps. » (1)

JP Fitoussi, P Rosanvallon « Le nouvel âge des inégalités » Seuil 1996

(1) CF Pareto : « l’histoire est un cimetière d’aristocraties »

c - L’école : déficit démocratique ?

des missions et des réalités qui ne sont plus en phase avec les attentes individuelles. Deux exemples montrent que les attentes subsistent mais qu’elles peuvent être déçues :

- L’espoir...

« N… appartient à cette génération, comme tous les jeunes que j’ai interviewés dans mon enquête. Alors élève de première ES, il m’explique, début juillet 1992, les raisons pour lesquelles il n’a pas aimé son dernier sujet de dissertation de sciences sociales qui évoquait la rigidité de la transmission du statut social de génération en génération : « Franchement, il m’a écœuré ce sujet, il m’a pas inspiré du tout... Chacun fait ce qu’il veut...Si l’autre ne veut pas faire comme son père il a le droit... Moi je 1’ai compris comme ça le sujet : "Tel père, tel fils ! " Moi, je me suis dit : pourquoi ça, « tel père, tel fils ?" Dans ma dissert’, j’ai fait le pour et le contre et, en conclusion, j’ai dit non [il réfléchit] : "J’ai dit non, grâce à l’école en particulier. Si quelqu’un veut faire quelque chose de différent, il a le droit, il est pas obligé de prendre obligatoirement le même chemin que son père... " [Et comme pour lui-même] Non, non... Regardez : moi, mon père il était ouvrier... Moi je sais que même s’il était à Peugeot, je n’aimerais pas y travailler parce que quand j’y ai travaillé l’an dernier, une semaine, au nettoyage, j’étais écoeuré. Ah, mais y a trop de m…. ! Y a trop de saleté là-dedans ! Franchement !... Ils nous donnent une spatule, je crois que ça s’appelle comme ça, et on gratte comme des fous, toute la journée... [Je lui précise qu’à l’usine on peut être aussi ajusteur, soudeur, avoir une qualification... il me coupe]. Mais même ! La chaîne, le bruit la poussière,la saleté, ça m’intéresse pas. Non,.franchement, j’aime pas. C’est l’aspect de l’intérieur qui ne va pas. Tout ce qui est matériel, ça ne m’intéresse pas. Une machine, un robot... Oh, non ! Moi, il me faut un bon bureau, des papiers, un stylo, c’est ça mon rêve. Même les copains, ils voudraient pas passer encore leur vie à l’usine. Avant on disait qu’il v avait que ça [l’usine], il n avait presque que ça. Maintenant, non... Maintenant il y a l’école pour nousaiderà être très haut... Cadre... Franchement, c’est pas mieux ça !... »

M Beaud , Sociologue , maître de conférences à l’université de Nantes. SH 01/2003.

- La réalité...

« L’allongement de la scolarité au fil des décennies avait créé l’espoir d’un changement de catégorie sociale d’une génération à l’autre. Aujourd’hui le pourcentage d’élèves arrivant au niveau du baccalauréat s’est stabilisé, le nombre des bacheliers aussi, comme si un maximum avait été atteint. Or, sur ce plan-là, les inégalités demeurent massives : 80 % des enfants d’enseignants ou de cadres obtiennent le baccalauréat, un tiers des enfants d’ouvriers qualifiés y parvient. Les inégalités culturelles demeurent les plus vivaces de toutes. On le voit avec les enfants d’immigrés musulmans, on le vérifie avec les enfants des salariés modestes. La reproduction sociale passe d’abord par les inégalités de formation, de diplômes et de concours. Cela pèse lourd dans la société de défiance qui s’esquisse. »

A Duhamel « Le désarroi français » Plon 2003.

Les propos d’A Duhamel, confirme les analyses que l’on doit à la sociologie de la reproduction ( « La reproduction »,P Bourdieu JC Passeron , édition de Minuit 1970 sur l’école ; « Tel père tel fils » Cl Thélot, Dunod 1982 sur la mobilité sociale).

3 - La crise politique : le choc de 2002.

Mise en perspective :

« La France a besoin d’une actualisation de son modèle politique, de sa tradition historique et de son identité culturelle. C’est cette adaptation, cet aggiornamento (adaptation à l’évolution du monde, au progrès)qu’elle ne réussit pas à faire. A droite le libéralisme reste inavouable parce qu’on pas trouvé le modèle libérale à la française, comme le montre la marginalité à la A Madelin ; à gauche, la social démocratie moderne est inavouable, voire impensable. Je vois deux raisons à cette impuissance. D’une part , et c’est propre à la France, le poids des attentes envers l’autorité et la puissance publique. D’autre part, le poids prolongé des extrêmes : l’extrême droite incarne une espèce de surmoi national assez surplombant pour que la droite libérale n’ose pas s’avouer libérale ; de la même façon, la gauche de gouvernement est sous l’influence de cet autre surmoi de la rupture sociale incarné par l’extrême gauche. Le discrédit exceptionnel des gouvernements français réside donc, profondément, dans le fait qu’ils ne peuvent pas avoir le discours de leur pratique. » M. Gauchet « Le Monde » 3/10/03

« Les symptômes sont clairs : la France est le pays d’Europe dans lequel l’abstention est la plus forte, la participation aux partis politiques, aux syndicats la plus faible. Alors que c’était le pays des passions politiques , le débat idéologique y est devenu indigent ou médiocre. Pourquoi ? la crise du politique est beaucoup plus le reflet de la crise de la société que l’inverse. Ce qui est en amont, ce sont les dérèglements de la société c’est à dire ce qui touche à l’intégration, à la marginalisation, au chômage , aux échecs scolaires . Il y a une sorte de chaîne : d’abord la crise économique puis ses conséquences sociales puis la crise de l’autorité. » A Duhamel « Le Monde » 3/10/03

4 - La crise identitaire : la redéfinition des liens entre l’individuel et le collectif.

La question de l’identité est très vaste je propose un « plan serré » sur les liens entre l’individuel et le collectif.

a - La France du 19e siècle à la fin du 20e siècle se construit sur deux tendances : individualisation et la mise en œuvre d’un nouveau cadre collectif ;

- Du coté de l’individualisation on tire de l’influence des philosophes du siècle des lumières l’individualisme triomphant comme réponse à la monarchie absolue ; Pour cette raison, L’individualisation est à attacher aux valeurs inscrites depuis plus de deux siècles dans la déclaration des droits de l’homme (1789 puis la déclaration universelles des droits de l’homme ,en 1948, dans le cadre de l’ONU). Elle débouche sur la multiplication des droits de l’individu (droit à la protection sociale, au travail etc..) mais aussi sur l’expression d’un jugement individuel, d’autant plus que le niveau d’instruction augmente ce qui explique l’apparition d’une « culture critique ».

- Du coté du collectif au delà du fait que les individus deviennent des citoyens membres d’une collectivité nationale, precisemment parce qu’ils disposent des mêmes droits, des groupes sociaux se constituent résultant de l’industrialisation et de l’urbanisation : cols blancs et cols bleus ( terminologie de la sociologie américaine), classe ouvrière ou bourgeoisie, PCS les termes ne manquent pas pour identifier ces groupes sociaux . le résultat est que : « Chacun avait le sentiment que les normes sociales et les institutions communes le servaient et l’aidaient à conquérir sa place » Fitoussi Rosanvallon « Le nouvel âge des inégalités ».

- Le lien entre l’individuel et le collectif est assuré par les institutions : l’Etat , en particulier par l’école, mais aussi par les groupes sociaux eux même, de sorte que : « Pendant longtemps la référence au collectif a été un moyen fondamental de satisfaction des besoins individuels » idem.

b - De nos jours , l’avenir des individus n’apparaît plus lié à un destin commun, les croyances et les normes collectives s’effritent, ceci pouvant entraîner plusieurs conséquences :
- Ce que H Riffault (« Les valeurs des français » publié en 1994.), nomme « la relativisation » : chacun a tendance à procéder à une lecture personnelle de ce système de valeur. Ce qui produit un double effet contradictoire : Une montée de la tolérance, un renouveau de besoin de croyances qui explique en partie le succès des sectes.
- Surtout chacun n’est pas seulement tenu de construire plus individuellement son existence , mais aussi doit donner un sens plus personnel à sa vie : la gestion de l’incertitude est transférée du groupe à la famille.

« Les idées contemporaines veulent que l’individu soit, en quelque sorte, responsable de tout ce qui lui advient, en positif comme en négatif. Pour les 10 % de membres des classes moyennes supérieures, la perspective est flatteuse. A l’inverse, beaucoup de gens sont ainsi amenés à intérioriser les causes de leur propre échec. On peut considérer que c’est une doctrine partagée de manière diffuse par toute la société. Mais c’est, avant tout, l’idéologie des gens qui ont les moyens de vivre avec. Que se passe-t-il lorsque cet individualisme se répand chez les gens qui n’ont pas les moyens économiques, psychiques ou culturels suffisants pour l’assumer : c’est une catastrophe. L’atomisation qui en résulte- Robert Castel appelle cela « l’individualisme négatif »-est propice à une déstabilisation de fond de la personne, dont l’agressivité intériorisée (les conduites suicidaires) ou extériorisée (la délinquance) sont des symptômes collectifs parmi d’autres. Poser l’autonomie comme règle d’existence sans en fournir les moyens peut être assez criminel. » Louis Chauvel maître de conférences à l’IEP de Paris. SH 01/2003.

c - Cela permet de comprendre l’importance, mais aussi la fragilité des réponses vis à vis de cette dégradation des rapports entre l’individuel et le collectif , cela peut donner le pire comme le meilleur :
- La famille devenu tout à la fois l’espace de ré enchantement du monde, d’un point de vue des liens affectifs, la sphère privilégiée d’expression de l’acte gratuit ( non marchand), le havre de paix face à un monde hostile ; les déceptions sont proportionnelles aux attentes, ce qui s’expriment par un taux de divortialité proche de 50 % en milieu urbain, mais aussi de façon plus positive les nombreuses façons de « décliner » les unions hors mariage , jusqu’aux réseaux de solidarité entre familles recomposées.
- La montée des mouvements associatifs, la mobilisation autour des grandes questions socio- économiques : l’école , la santé, la justice etc… Cette volonté de participation directe s’explique aussi par le déclin des représentations institutionnelles classiques comme les syndicats.
- L’interpénétration « non balisée » entre l’individu et le collectif : voyeurisme et exhibitionnisme de la télé réalité.

Les menaces certes exacerbées par la pression extérieure, sont surtout propres à la France. Elle donc pas dans l’impuissance pour envisager un redressement.

IV - Le refus du déclin, un dessein plutôt qu’un destin.

1 - La France a un avenir.

a - La France ne manque pas d’atouts :

« Malgré ses épreuves et ses travers, malgré l’affaiblissement de son rôle international, malgré sa perte objective de puissance, malgré ses six millions de pauvres et ses quelque 10 % de chômeurs, La France demeure la quatrième ou la cinquième économie mondiale. Sa démographie reste honorable, son système social est l’un des plus protecteurs, l’un des plus généreux du monde. La productivité de ses travailleurs - trop peu nombreux certes par rapport à sa population adulte - est brillante. Ses grandes entreprises occupent un rang flatteur sur le plan international. Si son système de santé lui coûte horriblement cher, il passe pour être l’un des meilleurs, peut-être le meilleur. De l’avis des investisseurs étrangers, la France est le pays européen où il est le plus agréable de vivre, grâce a sa beauté, sa culture, mais aussi grâce à l’efficacité de ses services publics, à la qualité de ses cadres. La France n’est-elle pas à la fois la première destination touristique du monde, mais encore, l’an passé, la deuxième destination (derrière l’immense Chine) de capitaux qui ne se déterminent pas par sentimentalisme ? » A Duhamel « Le désarroi français » Plon 2003.

On pourrait d’ailleurs ajouter à cette liste un taux d’épargne parmi les plus élevé au monde ( 18%).

Ces propos sont en grande partie confirmée pas Seiichiro Adachi , Président de Toyota France qui justifie l’implantation à Valenciennes : « trois raisons nous ont fait préférer l’Hexagone : la situation géographique, l’infrastructure performante et des ressources humaines de qualité ».

On remarquera que les deux derniers arguments sont à associer à ce que les économistes appellent les externalités positives produites par l’Etat.

b - Quelques pistes pour éviter de céder à la sinistrose.

- La modernisation de la vie politique, on y tend ( la limitation du cumul des mandats, et de la transparence du financement des partis politiques.) mais le travail de réduction du fossé entre les élus et les citoyens est à venir : rajeunissement et parité H/F peuvent y contribuer.

- La responsabilisation des acteurs économiques et sociaux pour permettre la continuité du système de santé publique.

- Une administration plus efficiente pour assurer dans de meilleures conditions sa mission de service public, ce qui suppose de la part de ces administrations de respecter les conclusions émises annuellement par la Cours des comptes : la vraie problématique de l’impôt n’est pas celle de son volume mais celle de la transparence quant à son usage.

- Une valorisation des professions liées à des fonctions sociales et éducatives, en particulier dans les zones sensibles.

- Un élargissement de l’assiette de PO , afin d’alléger les contraintes sur le travail.

- Le développement des moyens en matière de recherche et de formation universitaire.

- La promotion du monde associatif.

- Le renouveau économique et entrepreneuriale : dynamisme des PME et entreprises citoyennes.

- La responsabilité citoyenne : s’informer, agir plutôt que subir ( D Méda suggère de développer de nouveaux espaces publics où pourra s’exercer une activité politique refondant le lien social).
- La politique n’est pas réductible à quelques principes de bonne gestion et elle doit être évaluée dans le champ de la démocratie. La France a sur ce point la possibilité de réactiver les dispositifs de régulation dont elle dispose encore , en particulier à partir du paritarisme (recours aux organismes paritaires) et d’une modernisation de l’action syndicale.

2 - L’opportunité européenne un dessein, plutôt qu’un destin...

- La France au 19e S et début 20e S est partie prenante d’une domination européenne du reste du monde, la condition de cette domination est la rivalité avec les autres pays d’Europe : le reste du monde n’est que le prolongement hors Europe des dissensions internes à l’Europe. La France ne s’appuie pas alors sur un projet de domination économique (comme le RU, ou la l’Etat est au service de la puissance économique) ou sur une expansion politico culturelle (comme l’Allemagne ou la puissance économique est au service de l’Etat), mais sur un ordre supérieur , celui des valeurs universelles (c’est une grande victoire pour la France que de se réinsérer dans le concert des grandes nations, entre autre par ce biais avec la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen en 1948).

- Aujourd’hui, les liens se présentent différemment, le replacement de l’Europe sur la scène mondiale suppose que la France accepte d’être partie prenante d’une entité supra nationale européenne : la problématique du déclin de la France relève encore d’une propension nombriliste à définir son avenir à l’aune de ce qu’elle fut. Les imbrications en particulier économique et monétaire sont telles que les difficultés nationales, quelle que soit leur nature exigent une réponse européenne. Cela ne signifie pas un abandon de nos spécificités ; le repli identitaire s’appuie sur le fait qu’il n’y pas de compatibilité entre l’identité de la France et celle, en gestation lente de l’Europe, et c’est pourtant notre seule issue que d’accepter cette dernière option. Le fait qu’elle ait obtenue, dans le cadre de l’OMC, une clause d’exception culturelle, pour elle même mais aussi, du même coup pour tous les pays européens montre cette compatibilité entre identité nationale et européenne. De plus la France fut dans l’histoire de cette construction de l’Europe, à l’initiative des grandes réalisations : la Pac, l’euro, la mise en œuvre progressive d’un espace judiciaire et policier. Le risque aujourd’hui serait la tentation du replis : la France est devenue la mauvais élève de l’Europe quant aux applications effectives des règles européennes en matière d’environnement par exemple.

- La position de la France à l’égard de l’Europe témoigne assez bien de cette de difficulté à renoncer à sa pleine souveraineté d’antan tout en lançant des initiatives : l’euro confère de réelles avantages économiques ( 60% de nos échanges extérieurs sont intra européens et donc totalement débarrassés de la contrainte de taux de change), mais est inévitablement lié à un pacte de stabilité (les fameux 3%) qui est la condition du maintien de la valeur de l’euro. La France se trouve en flagrant délit de contradiction quand elle tire avantage du premier dispositif (l’euro), sans assumer les inconvénients du second ( la maîtrise des déficits publics).

- Le legs historique et la mécanique économique qu’il a induit ne permet pas d’envisager un retour en arrière :

- La difficulté de la France à se positionner dans cette Europe qu’elle a largement contribué à créer est bien rendu compte par M Gauchet. « Les Français ont longtemps été convaincu que l’Europe serait la France en plus grand et en plus fort ; cet horizon était devenu une sorte de remède au mal national. Ils sont en train de s’apercevoir avec surprise et douleur qu’une grande partie de l’Europe ne pense pas comme eux. »


Conclusion

a - Réfutation du déclin.

La France est régulièrement agitée par de grandes secousses : 1848, 1870, 1898 (affaire Dreyfus), 1942 (Vichy), 1968, qui témoignent de l’existence des menaces internes et externes la règle général ce n’est pas le statut quo mais le mouvement. L’hypothèse d’un déclin (« Etat de ce qui tend vers sa fin ») est fortement contestée par l’histoire longue : les occasions furent nombreuses en particulier dans les années 30 de procéder à ce diagnostic qui jusqu’à présent s’est avérer faux. La question d’actualité n’est donc pas celle du déclin de la France, mais plutôt la capacité de ses moyens de régulation face aux défis actuels. « La France est un pays qui ne fait des réformes qu’à l’occasion des révolutions » prétendaient de Gaulle. La France est donc en train de tester son aptitude à réformer sans révolution et ce au sein de l’Europe. Pour échapper au déclin, il faut d’abord commencer par éviter une approche nombriliste et culpabilisée, en rappelant que la France est concernée par ces défis au même titre que de nombreuses autre sociétés.

b - Ulrich Beck :la société du risque.

Commentaires généraux à partir de Ulrich Beck : « Société du risque » et « Pouvoirs et contre pouvoirs dans la mondialisation » (Mythe de Prométhée, l’un des Titans de la mythologie grecque, il façonne lui même l’homme avec de l’argile et l’anime avec une parcelle de feu dérobée aux dieux ; Mythe de Frankenstein : mythes de la dépossession : la créature échappe à son créateur). Du 19e siècle à nos jours, deux modernités s’expriment, la seconde contredit la première et en même temps l’achève.

1e proposition : Les « lumières » : la nature est mauvaise, hostile (tremblement de terre de Lisbonne 1755) ; sa maîtrise , et possible par la sciences. Le cadre de cette maîtrise c’est l’Etat nation, qui confère au citoyen un statut de personnes, d’individus agissant (contrairement à l’AR) et associe étroitement sciences et démocratie. Produire et partager les richesses devient possible , ce qui génère( au delà de la pensée économique) un certain état social : le passage d’une société aristocratique ( Tocqueville) à une société méritocratique n’entraîne pas une moyennisation, mais une société industrielle « tendue » parce que cloisonnée et en conflit.

2e proposition : Ce qui est menaçant, ce n’est plus la nature mais les sciences . Le cadre de la démocratie n’est plus la nation : une projection dans un espace supranational est inévitable (Europe). Le problème du risque tend à devenir plus fort que celui des inégalités : nous sommes dans une société ou tout fait peur (OGM, SRAS, vache folle). Les inégalités « stables », structurant l’espace social et lui conférant une bonne lisibilité, se brouillent : de nouvelles fractures se dessinent ( certaines venant de la sciences : fracture numérique).

La France historiquement marquée par l’empreinte su Saint Simonisme est particulièrement concernée par cette évolution. Par ailleurs, Le position ambiguë de la société française vis à vis du pouvoir est ici fortement réactivée : Dans ce contexte de risque et de peur, la déception à l’égard de l’intervention publique est à la mesure des attentes , son impuissance conduit à son illégitimité ; mais ce contexte est aussi une opportunité qui a ses exigences : une refondation démocratique sur la base d’une citoyenneté plus engagée , plus vigilante, plus active bref plus mûre pour contribuer :
- à la mise en œuvre d’une société de solidarité , garante des valeurs de la république
- à l’édification d’un économie moderne et efficace au service de la société.