Le Café Politique

"Ce que demande la démocratie, c’est un débat public vigoureux, et non de l’information" chapitre 9 "L’art perdu de la controverse" dans l’ouvrage de Christopher Lasch "La révolte des élites et la trahison de la démocratie"

La controverse est une discussion sur un sujet non consensuel dont le ressort principal est la capacité des intervenants à argumenter sérieusement leurs opinions. L’exemple le plus célèbre est la controverse de Valladolid, initiée par Charles Quint, qui opposait le dominicain Bartolomé de Las Casas, le théologien Juan Ginés de Sepulveda et quelques notables de l’époque "sur la manière dont devaient se faire les conquêtes dans le Nouveau Monde, suspendues par lui, pour qu’elles se fassent avec justice et en sécurité de conscience". Quelques grandes controverses scientifiques, comme celle qui a vu l’affrontement entre Pasteur et Pouchet sur l’existence ou non de la génération spontanée, ont montré l’importance d’une argumentation basée sur des faits précis ou des expériences bien conduites. Il existe beaucoup de controverses scientifiques qui, restant confinées dans le milieu des spécialistes, ont pour arbitre implicite le milieu des chercheurs du domaine. Très souvent, comme dans le cas de la tectonique des plaques, après quelques années et de nouveaux résultats tangibles une position s’impose, la controverse s’éteint alors naturellement.

Un certain nombre de sujets de société font intervenir des choix scientifiques et des options politiques ou philosophiques. Les responsables politiques n’hésitent pas à convoquer la science pour appuyer une argumentation, mais en général le lien entre science et politique passe par la mise en scène médiatique, qui préfère largement la polémique à l’argumentation. Quelques grandes questions comme celle du changement climatique, de la disparition de la biodiversité où encore de l’augmentation de la prévalence de l’obésité mériteraient que le débat public soit mieux articulé avec les connaissances produites par les scientifiques y compris ceux du domaine des sciences humaines et sociales. La tendance actuelle dans les débats de société est de segmenter les rencontres : un jour les politiques, un autre les intellectuels, un troisième les professionnels ou les scientifiques concernés. Quasi impossible pour le citoyen d’avoir une idée claire de la cartographie des différents acteurs impliqués et des différentes positions des uns et des autres.

La loi de l’offre et de la demande est un élément régulateur de l’espace productif et commercial qui permet d’évaluer un certains nombres de besoins sociaux. Dans l’espace public il y a bien quelques outils pour évaluer l’intérêt général, mais ils sont largement insuffisants. Demander l’avis de quelques experts, difficilement à l’écart des conflits d’intérêts, pour éclairer la décision publique est loin d’être suffisant.

La démocratie ne peut se résumer au choix de quelques élus, la capacité à mettre en débat les enjeux de société est essentielle à son bon fonctionnement. Les médias dépendant très directement des effets d’audience il est logique qu’ils préfèrent la polémique spectaculaire au débat technique et argumenté. Ne faut-il pas acter un manque démocratique et mettre en place des procédures de débat public qui aillent bien au delà des traditionnelles réunions d’information ou des ponctuelles enquêtes publiques ? La commission nationale du débat public est un exemple très positif mais qui est loin de couvrir l’ensemble des besoins. A l’heure de la volonté unanime d’améliorer la démocratie participative, les débats de société doivent trouver de nouvelles modalités d’existence. A nous d’aider à la mise en œuvre d’un débat démocratique de qualité. L’extension du champ de la controverse au débat de société me paraît une partie de la solution.

Voir :

http://deborapereira.blog.br/fr/201...

http://www.fete-connaissance.fr/les...

http://www.lemonde.fr/idees/article...

La controverse "Bioénergies : entre défis et défiances"

http://www.youtube.com/watch?v=ta6r...

et

http://www.youtube.com/watch?v=3gdI...