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  QUI VA LENTEMENT….

mercredi 10 octobre 2012, par Stuart Walker

Il est vrai que les méfaits de l’électoralisme sont accentués par la rapidité des communications médiatiques. Mais depuis toujours les promesses électorales engageaient d’abord ceux qui les écoutaient. Le prix de la démocratie est que celui qui sort vainqueur des urnes soit tenu, dans ses réalisations, de tenir compte de la nouvelle opposition.

A tous ceux qui demandent d’aller plus vite et plus loin, peut-on rappeler que les changements durables se font par la patience et la ténacité, plutôt que par la précipitation. Tel au moins était la devise des précurseurs du socialisme outre Manche qui ont réellement changé le cours de l’histoire en mettant fin aux pires abus du capitalisme sauvage de la première moitié du 19è siècle. Leur mouvement s’appelait les "Fabiens" d’après le général Romain, Fabius, qui attendait le meilleur moment pour engager la bataille décisive. Au lieu de jouter contre des moulins, ne vaut-il pas mieux les démonter pierre par pierre ?

Il est utile de se rappeler aussi l’énormité des défis – économiques et écologiques. C’était Mao Tsé Toung qui, sentant le passage du temps, citait un proverbe de son pays en disant qu’il avait passé sa vie à essayer de lever le bas, mais qu’à la fin il n’avait réussi qu’à lever le petit doigt.

En procédant par des petites touches François Hollande a déjà effectué un changement significatif. S’il n’a pas renégocié le Traité, c’est plus qu’un léger virage que d’avoir obtenu le droit pur la BCE de prêter aux États, ouvrant ainsi une porte qui était auparavant résolument fermée. Reconnaissant que la politique est l’art du possible, il navigue habilement entre le nécessaire redressement des comptes avec des mesures de rigueur suffisamment dosées pour ne pas faire pressentir une dissolution, et une confrontation trop brutale avec le monde de la finance, qui risquerait de faire fuir les cerveaux et les capitaux. Si on s’ennuie de la normalité, on peut toujours préférer la guerre. Pourquoi le consensus serait-il anesthésiant ? Faudrait-il cliver la société pour donner du piquant à la politique ? Ce n’est pas, en tout cas, celui qui avance sur la corde raide qui risque de s’endormir

Ce serait de sous-estimer le Président que de dire que ce qui n’est pas accompli pendant les 2 premières années sera abandonné. Pour que les Canadiens ou les Suédois retournent leur économie, il a fallu, non pas 2 ans, mais 2 mandats. Même si on admet qu’en s’endettant on a permis aux intérêts financiers de plumer les économies du continent et de thésauriser des montants incalculables dans des paradis fiscaux, on reste confronté par un passif qu’on ne peut pas occulter d’un revers de la main. On n’a pas d’autre choix que de le stabiliser, pour ensuite l’éponger et reconstruire sur des bases plus prudentes. Mais on ne change pas les habitudes de plusieurs décennies en un quart de tour. Ce n’est pas en répétant les erreurs du passé qu’on finira par remplir le tonneau de Danaïdes On emprunte à 1%. Le jour où ce sera 7%, les évènements de 1968 paraitront comme une promenade de Dimanche.

L’existence d’un groupe parlementaire des Verts, la décision sur les schistes, ou la prochaine conférence, sont des galons d’un virement écologique significatif. Pour la première fois un Président semble avoir compris que l’avenir sera vert, ou ne sera pas.

A la compétence des travailleurs il faudrait ajouter une restauration de l’éthique du travail, sans laquelle la réparation des dégâts de la guerre n’aurait pas été possible. Mais c’est surtout l’appel à une internationalisation des forces historiques du socialisme qui me parait bien fondé. Sinon comment parer à la volatilité de l’argent qui peut s’expatrier en une micro seconde ? On pourrait entendre davantage parler de la représentativité des syndicats, de leur présence aux Conseils d’Administration des multinationales, de la formation des délégués en gestion, en juridique et en anglais, pour faire contrepoids aux armées d’avocats et de financiers dont disposent les grandes sociétés. Avec également des gardes fous sous forme de mesures de vérification de leurs comptes.

Nous avons vécu surtout une mondialisation financière. Le combat syndical doit retrouver sa vocation au niveau mondial. Les pays émergents ont produit leur lot de truands industriels, comparables aux "robber barons" de l’Amérique d’il y a 2 siècles. Avec les mêmes prolétariats qui commencent à se réveiller mais qui ont devant eux une lutte acharnée de longue haleine. Leurs intérêts sont les nôtres, dans la mesure que le développement de leur marché intérieur entamera leur capacité d’exporter à des prix réduisant notre compétitivité à néant.

Malheureusement il reste néanmoins vrai que les ajustements qui nous attendent imposeront la conversion inéluctable de sites comme Aulnay, ou Florange. Dont les victimes les plus sinistrés seront les sous traitants qui ne bénéficient pas de plan social. Ce qui justifiait la refiscalisation des heures supplémentaires, puisque seuls ceux qui avaient un statut suffisamment protecteur pouvaient travailler plus et gagner plus.

En même temps il ne faudrait pas que l’esclavage change de continent à un moment ou, presque simultanément, les fabricants d’automobiles en Corée ont mis fin au travail de nuit, et leurs contreparties en Amérique et en Grande Bretagne l’ont restauré.

La précarisation semble être en voie de devenir la norme. Si elle est inévitable, comment se passer alors d’une sécurité sociale de l’emploi, d’une obligation de formation et un durcissement des conditions selon une offre d’emploi peut être refusée ?

Les syndicats ne sont qu’un des lobbies qui entourent Hollande comme d’autant d’icebergs. Il semble vouloir tenir sa promesse de concertation et d’apaisement, ce qui prendra du temps. Mais, comme dit, je crois, un proverbe Africain, "Celui qui veut aller vite, va seul ; mais celui qui veut aller loin, va avec les autres"