Le Café Politique

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  Attention danger : zone de turbulences économiques, sociales et politiques.

mardi 31 mai 2011, par François Saint Pierre

Le feuilleton présidentiel a commencé. Seul horizon de notre vie politique, épisode clé de notre démocratie a minima, il entretient l’illusion que les producteurs/consommateurs de notre économie de marché sont encore des citoyens. Tout est en place pour que les médias mettent en scène ce moment privilégié de notre société du spectacle. Le milieu de la politique accepte sans trop d’états d’âme d’être "peopolisé", car c’est devenu le moyen le plus efficace d’exister dans les sondages. Le spectacle est partout, mais il n’est plus le moyen traditionnel de se construire une représentation du monde, par une mise à distance esthétique et artistique adéquates. Notre société narcissique gomme toutes les frontières, notamment celle entre vie privée et vie publique et transforme nos élites en seconds rôles du petit écran. Saturés par l’image et oublieux du passé, nous sommes incapables de penser le présent et encore moins de nous projeter dans un avenir incertain. Sidérée comme le lapin ébloui par les phares de la voiture, notre société hésite entre les visions apocalyptiques et le paroxysme du "ici et maintenant".

Depuis la crise économique de 2008, l’Histoire semble avoir le hoquet. Fini le temps du concept de la fin de l’histoire, mis en avant par Fukuyama après la chute du mur de Berlin, ou celui un peu simpliste du choc des civilisations, version Samuel Huntington. Les grandes traditions idéologiques, censées fournir une grille de lecture à la succession des événements sont aussi en panne. Les contradictions du capitalisme libéral sont flagrantes, l’immoralité du monde moderne n’est pas conciliable avec les principes moraux mis en avant par les premiers théoriciens du libéralisme comme Adam Smith. Le socialisme, hésitant entre sa version social-démocrate molle, le libéralisme tempéré et la nostalgie des vieux combats de la classe ouvrière, ne semble pas non plus apte à répondre aux inquiétudes du moment.

L’enlisement occidental en Irak et en Afghanistan, les mouvements populaires dans les pays arabes, la résistance des ’indignés" dans beaucoup de pays européens, la montée en puissance des pays émergents qui "déclasse" indirectement notre jeunesse, la certitude des difficultés énergétiques et environnementales, sont autant de questions qui prennent totalement à contre-pied les grands partis de gouvernement, en France, mais aussi dans toutes les sociétés dites démocratiques. Si l’UMP ou le PS sont capables de faire de la gestion locale, un peu comme le fait un maire dans sa commune, ces partis sont incapables de proposer un projet de société qui dépasse les enjeux politiciens classiques, mis en avant habituellement pendant les campagnes électorales. Relire les propositions faites par les candidats, considérés comme importants par les médias, pendant la campagne présidentielle de 2007 est décevant. Avec le recul, ce ne sont pas les bonnes questions qui ont occupé le centre du débat politique... L’algorithme de la démocratie représentative conduit naturellement à faire incarner un choix politique par une personnalité, mais à l’excès dans notre système trop fortement présidentiel. Les choix politiques qui concernent le long terme et qui devraient structurer le choix des candidats, puis du président sont rejetés à la marge du débat public. Les médias, en prétextant que ce n’est que ça qui intéresse le téléspectateur moyen, recherchent avant tout la petite phrase ou la mise en avant des personnalités connues. Les partis ont aussi une grande responsabilité, car ils passent plus d’énergie à choisir, puis à défendre la personnalité de leurs candidats potentiels, plutôt qu’à analyser les problèmes et à chercher des solutions efficaces à proposer aux électeurs.

En pleine crise DSK a eu lieu à Toulouse le forum des idées du PS sur l’enseignement supérieur et la recherche. Enjeux fondamentaux pour notre économie et pour la jeunesse qui devraient normalement mobiliser beaucoup d’énergie. Après un travail conséquent de quelques experts, notamment de Bertrand Monthubert le secrétaire national du PS chargé de ces questions, il n’y a eu que des comptes-rendus médiatiques complètement décalés sur la future candidature de Martine Aubry, mais aucune analyse sérieuse des propositions élaborées par le groupe de travail. Le parti de son côté a montré son incapacité à imposer un débat public sur cette question, la motivation des militants à le faire ne semble pas évidente, tellement la seule question qui semble les intéresser est la préparation du combat des primaires. Ce n’est pas les quelques échanges courtois, que l’on a pu voir sur le coup de minuit à la télé entre Valérie Pécresse et Axel Khan autour de l’autonomie des universités, qui peuvent tenir lieu de débat démocratique. Pas étonnant que dans ces conditions la jeunesse dénonce le fonctionnement de la démocratie.

Dans les situations où les élites ne sont pas à la hauteur, tout est possible. Si la jeunesse a bien des raisons de se plaindre et de proposer de nouvelles utopies, il existe aussi nombre de catégories sociales en déclin, nostalgiques d’une nation protectrice, qui peuvent réagir sur un mode réactionnaire. La fuite en avant dans le "présentisme", attitude dénoncée il y a bien longtemps par Blaise Pascal, n’est certainement pas la bonne solution. La responsabilité des partis politiques et des intellectuels est de proposer, au nom de valeurs clairement identifiables et en tenant compte des difficultés du moment, un avenir désirable et crédible. Nous en sommes bien loin ! Éternel espoir d’une société plus juste et plus démocratique d’un côté, risques sociaux, économiques et écologiques de l’autre, à nous de participer dès aujourd’hui à la construction de la société pour que l’Histoire tombe du bon côté.