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  Pour financer les retraites, relancer l’emploi

samedi 1er mai 2010

En 2009, la France a connu une hausse historique du nombre de chômeurs avec près de 400 000 demandeurs d’emploi supplémentaires. Sur un an, la hausse du chômage atteint 18.5%. Mais, ces chiffres ne semblent pas émouvoir outre mesure le gouvernement puisqu’il a fixé la priorité ailleurs. Ainsi, selon lui, la priorité des priorités, l’urgence des urgences, serait la réforme des retraites. Et, le gouvernement a des chiffres pour le prouver. Selon le Conseil d’Orientation des Retraites, le déficit cumulé du régime de retraite atteindrait 2600 Mds d’Euros en 2050. Et, le déficit de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie devrait atteindre 10.7 Mds€ en 2010. Bien sûr on peut être tenté de rappeler que 2600 Mds€ c’est à peine plus de 2% du PIB cumulé sur la même période. Évidemment, quelques esprits un peu chagrin auront remarqué que 10.7 Mds€ c’est à peine 7% du déficit que devrait afficher l’État cette année. Cela ne changera rien. Il a été décrété que la priorité était la réforme des retraites.

Et pour ceux qui ne verraient pas dans les chiffres avancés la force la preuve scientifique, pour ceux que l’avalanche de prévisions alarmistes n’aurait pas réussi à inquiéter, le gouvernement a un argument : "nos voisins européens l’ont fait, nous devons le faire". C’est imparable. Parmi tous nos voisins européens, il y en aurait même un qui serait plus un modèle que les autres : l’Allemagne. En effet, dans ce pays où à en croire certains tout fonctionnerait mieux et l’herbe serait plus verte, l’âge de la retraite devrait être repoussé à 67 ans. La solution à tous nos maux serait donc de s’aligner sur l’Allemagne. Mais, le défi allemand est bien différent du défi français. Si les Allemands semblent condamnés à travailler plus longtemps ce n’est pas tant pour assurer l’équilibre de leur système de retraite que pour maintenir leur rang économique en Europe. Avec seulement 1.3 enfant par femme (contre plus de 2 en France), l’Allemagne est confrontée à un immense défi démographique. Au point qu’en 2050 - date qui commence à nous être familière - l’Allemagne devrait être moins peuplée que la France.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a rien à faire. Avec un système de retraite qui conduit à ce qu’un salarié du privé ait en moyenne une retraite 40% inférieure à celle d’un salarié du public, notre réflexion doit d’abord aller dans le sens du rétablissement de l’équité entre les français. Et, dans un souci de justice, la France doit exiger une réforme du système de retraite des hauts fonctionnaires européens. Toujours très prompt à exiger des "réformes structurelles", comprendre libérales, de la part des États membres, les hauts fonctionnaires européens jouissent en effet d’un système de retraite très avantageux qui leur permet au terme de 16 ans de carrière de toucher 70% de leur dernier traitement (qui s’élève en moyenne à 21,260 Euros). Et, nul besoin d’aller au terme des 16 ans de carrière pour toucher une retraite très confortable. Ainsi, un haut fonctionnaire européen qui n’aurait travaillé que deux ans peut s’attendre à une retraite de 1500€ par mois soit une fois et demie la retraite d’un salarié du privé en France au terme de 40 ans de cotisation.

Tout aussi dynamique que soit la démographie française, elle ne permettra pas de résoudre complètement la question du financement de notre système de retraite. Fidèle à son habitude de tirer les conclusions d’un débat avant qu’il n’ait eu lieu, le gouvernement a décrété qu’il n’y avait que deux leviers pour financer les retraites : diminuer les pensions et augmenter l’âge départ à la retraite. Le premier revient à dire que ceux qui ont contribué à la solidarité nationale toute leur vie s’en verrait privé au moment où ils en ont le plus besoin. Le second reviendrait, dans un pays où le taux d’emploi des 50-65 ans est à peine supérieur à 50%, à faire financer par le système de retraite ce que finance aujourd’hui l’assurance chômage. En effet, près de six salariés sur dix sont hors emploi (essentiellement au chômage) au moment de prendre leur retraite.

Les solutions proposées par le gouvernement étant soit injustes soit inefficaces, la tentation de considérer la question du financement des retraites comme désespérée devient grande. Un bref calcul devrait permettre de dissiper les angoisses des plus pessimistes d’entre nous. Un salarié cotise en moyenne directement (charges salariales) et indirectement (charges patronales) 5500 Euros par an pour les retraites. Si le chômage se réduisait de moitié en France (soit 1.3 millions de chômeurs en moins), les recettes liées aux retraites augmenteraient donc de 7 Mds€. Et, sachant que l’allocation annuelle moyenne d’un chômeur est d’environ 10,000 Euros, les dépenses de protection sociale diminueraient du double. La relance de l’emploi permettrait donc de dégager 20 Mds€ de financement pour notre système social chaque année. C’est donc bien par l’emploi que nous financerons nos retraites.

Notre politique pour l’emploi doit d’abord être une politique en faveur de l’industrie. En 10 ans, le secteur industriel a détruit 750,000 emplois. La part du secteur secondaire dans notre économie est passée de 20.4% en 1999 à 12.2% en 2009. La France est le pays européen les plus désindustrialisé puisque l’industrie représente encore 12.6% du PIB anglais, 18.4% du PIB italien et 23.9% du PIB allemand. Principale responsable : la mondialisation qui, en affaiblissant les États et en affaissant les frontières, a permis l’avènement d’une concurrence asymétrique avec d’un côté des économies protégées qui défendent leurs intérêts à l’image de la Chine et des États-Unis et de l’autre des économies totalement ouverte et ayant renoncé à promouvoir leurs intérêts au premier rang desquels se trouve la France.

Face à une mondialisation asymétrique, il faut rétablir les frontières économiques de la France en mettant en place une véritable politique protectionniste. Ainsi, il faut mettre en place une "TVA sociale" permettant de faire contribuer les produits importés au financement de la protection sociale et de diminuer d’autant les charges pesant sur le travail et la compétitivité de la France. Il faut mettre en place un véritable système de contrôle de l’évolution du capital de nos entreprises stratégiques afin d’éviter le pillage de nos fleurons industriels à l’image de ce qui est arrivé à Arcelor à la suite de son rachat par Mittal. Il faut exiger de la Chine et des États-Unis une réciprocité des échanges. Est il concevable que la France soit un marché totalement ouvert alors qu’une entreprise ne peut investir en Chine qu’à condition que les investissements soient détenus à 51% par un chinois et que les marchés publics américains sont totalement fermés aux produits européens ?

Enfin, il nous faudra poser la question de l’Euro. Un dollar vaudrait aujourd’hui 4.8 francs contre 7.5 en 2001. Un produit français est donc aujourd’hui, relativement à un produit américain, une fois et demi plus cher qu’il ne l’était en 2001. Loin d’avoir créé les millions d’emplois promis, l’Euro a brisé la compétitivité de la France. Nous devons donc exiger un changement radical de la politique monétaire européenne avec en particulier la fixation d’un objectif de parité Euro/Dollars permettant d’assurer la compétitivité de nos entreprises. Et, si l’Euro s’évertue à vouloir rester l’instrument de notre désindustrialisation, il nous faudra alors envisager de quitter la monnaie unique.

En choisissant de réformer notre système de retraite plutôt que de chercher à relancer la croissance, le gouvernement semble se résigner à la défaite économique de la France. Cette défaite, nous ne pouvons l’accepter. Face à une mondialisation prédatrice, nous proposons le retour d’un État responsable et protecteur.

S.T., membre du Conseil National de Debout la République