Le Café Politique

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  Ecologie et démocratie.

jeudi 22 février 2007, par François Saint Pierre

L’opinion publique française a paru sensible aux affirmations alarmistes des experts du GIEC. Même si les scientifiques ne prétendent pas dire toute la vérité sur les causes de la dégradation de notre environnement, il n’y a pas besoin d’aller chercher le principe de précaution pour penser qu’il est urgent de prendre des mesures de prévention. On peut contester quelques analyses, on peut penser que le catastrophisme ambiant est excessif, on peut espérer que la géo-ingénierie climatique nous évitera le pire mais, même dans ce cas, il semble que vu l’étendue du risque, des mesures importantes doivent être prises. Et pourtant si nos politiques ont tous validé l’inquiétude des experts, force est de constater que dans les propositions politiques, mises en avant pendant la campagne électorale, cela ne se voit pas !

"J’ai l’impression que les candidats sont en train de s’asseoir sur le pacte écologique." " Le principal reproche que je fais aux candidats, c’est qu’ils ne présentent jamais le problème aux Français dans le bon ordre. Ils font des promesses inconsidérées, diffusent l’idée que tout le monde va pouvoir gagner plus et consommer plus, que l’industrie va pouvoir se développer, sans dire ce qu’il faut être prêt à payer pour cela." Jean-Marc Jancovici, membre du comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot.

Ce reproche s’adresse directement aux candidats et aux partis qui les soutiennent. Pourtant en démocratie on a les candidats et les partis que l’on mérite et les citoyens n’ont qu’à s’inscrire dans les partis pour les faire évoluer. De plus les solutions aux grands problèmes écologiques passent par tous les échelons compris entre l’individu et l’humanité. Le gouvernement de la France doit prendre ses responsabilités en la matière, mais les solutions concrètes sont souvent locales et les grandes orientations doivent être mondiale.

Les médias sont aussi souvent considérés comme coupables. L’écologie a beaucoup la cote quand elle permet de montrer de belles images qui font monter l’audimat, elle l’a un peu moins quand il faut débattre de questions techniques, beaucoup moins quand elle finit par nous recommander un mode de vie plus frugal et on l’évite quand elle nous culpabilise sur notre trop importante empreinte écologique. Les journalistes prétendent, en partie à raison, que comme les politiques ils sont assez largement le reflet de notre société.

Le citoyen de base lui jure que si on l’encourage à faire des efforts il est prêt à devenir un parfait écolo. S’il a le métro devant la porte qui l’amène à deux pas du travail promis il ne prendra plus sa voiture que pour se promener....et si on lui finance les travaux à 80% il est prêt à faire des efforts pour améliorer l’isolation de sa maison.

Tous ont des circonstances atténuantes. Et puis les procès on les fait après et pas avant, on peut donc pour le moins accorder à tous la présomption d’innocence.

S’il n’y a pas de coupables il est aussi difficile de trouver des innocents. Les politiques ne sont pas élus pour bénéficier des avantages divers que peut offrir la République mais parce qu’on les croit capables de gérer le pays et de choisir les bonnes orientations. Gouverner c’est prévoir, et si les politiques doivent écouter ils doivent aussi assumer leurs responsabilités. Cela est aussi valable pour les élites intellectuelles, administratives ou économiques. Les journalistes sont souvent de bonne foi à titre individuel. Pourtant ceux qui contrôlent ou qui s’expriment dans les grands médias sont tous dans la même catégorie sociale : assez bien payé et ayant un excellent réseau relationnel. Suffisant pour justifier le récurrent reproche d’être les porte-parole d’une pensée unique fortement biaisée par l’argent.

Les citoyens après avoir été bercé pendant de longues années par les louanges du progrès espèrent encore que l’heure des sacrifices n’est pas encore venue. Bien décidés à croire encore en des lendemains qui chantent, ils s’accrochent à tous les discours qui justifient leur immobilisme.

Peut-être que la géo-ingénierie climatique sauvera l’humanité du désastre annoncé par les cassandres. A coup d’ensemencement des océans avec des nutriments ferreux, d’envoi de sondes-parasols entre le Soleil et la Terre ou encore de diffusion de particules réfléchissantes dans la haute atmosphère on pourra peut-être éviter la catastrophe. Pour les dégâts provoqués par les pollutions on trouvera bien des médicaments miracles.... La crise énergétique elle se résoudra par des milliers de centrales nucléaires ce qui nous permettra de se déplacer avec des voitures électriques...... La compétition économique nous oblige à la prudence, car il ne faut pas sacrifier la rentabilité à court terme pour des objectifs incertains et à long terme. Les Américains n’ont qu’à donner l’exemple eux qui sont les plus gros pollueurs de la planète, sans parler des Chinois qui non seulement ne respectent pas les accords de Kyoto mais en plus augmente leur production de CO2 par personne plus vite que nous etc.... etc....

Le débat démocratique présuppose des citoyens informés, cultivés, ayant accepté les valeurs communes qui ont permis de constituer le peuple (que l’on retrouve en général dans la constitution) et capables de débattre rationnellement. Sur ce sujet on peut se demander si c’est bien le cas !

Les grands pays démocratiques occidentaux sont objectivement les plus responsables de la dégradation environnementale. On ne peut justifier une politique irresponsable à long terme uniquement par notre auto satisfaction d’être démocratique. L’algorithme ultralibéral, en vogue en ce moment, a fait la preuve de son incapacité à penser le long terme. Nous vivons dans des démocraties croupions qui refusent de faire rentrer dans le champ du pouvoir des questions essentielles. Le pouvoir du peuple ne peut se résumer à garantir une sécurité minimale pour assurer la fabrication de biens de consommation et leur mise sur le marché. La responsabilité du citoyen ne peut se réduire au choix d’un bulletin de vote. La démocratie implique la participation des citoyens aux enjeux importants de la vie en société et la question écologique en fait partie. Les médias ne se sentent plus investi de la moindre responsabilité, propriété de grands groupes financiers, ils sont devenus des entreprises commerciales qui vendent directement ou via la publicité, de l’information. Les hommes politiques sont trop souvent en France des carriéristes dont le principal travail est de se faire élire, quitte à user de toutes les vieilles ficelles de la démagogie.

Tableau pas très optimiste pour la France mais aussi avec quelques variantes pour l’ensemble des démocraties occidentales. Après la chute du mur de Berlin, Fukuyama avait annoncé la fin de l’histoire comme étant la victoire définitive du modèle démocratique. Nous avons bien eu droit à quelques années d’arrogance et nous avons bien profité des milliards de tonnes d’énergies fossiles pour vivre dans le confort. Pas sûr que les pays émergeants ainsi que nos petits enfants puissent y avoir droit. La démocratie est une belle idéologie, sa réalisation concrète, autour de l’an 2000, ne laissera peut-être pas un excellent souvenir à l’humanité.