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  La nation est-elle l’échelle la plus pertinente pour l’écologie ?

mercredi 21 février 2007, par Joseph Saint Pierre

De manière générale, je pense que les questions écologiques ont une très grande importance dans la politique mais je pense aussi que les élections présidentielles françaises ont tendance à éloigner les questions écologiques du débat tout comme bien d’autres questions. Les élections présidentielles survalorisent l’approche nationale dans tous les domaines, or les questions écologiques sont souvent mondiales, régionales, locales, voire individuelles etc.

La France est un pays centralisé pour lequel l’élection présidentielle est devenue le symbole de l’accession à un pouvoir suprême, avec tous ses oripeaux dans un palais au nom évocateur... À mon avis la fascination pour l’élection présidentielle, chez les candidats, dans les media et surtout chez les électeurs a un côté démesuré, opposé à la sobriété écologique. Le pays semble attendre de la part des élus, et plus particulièrement de la présidence de la république des solutions miracles aux grands problèmes de société. Cela me semble aller de pair avec une déresponsabilisation des niveaux intermédiaires (communes, régions etc.) et des individus. Je trouve que la proposition de Nicolas Hulot de nommer un vice-premier ministre en charge du développement durable est symbolique de la croyance française dans le pouvoir venant d’en haut. L’organisation centralisée et hiérarchisée du pays entraîne de nombreux déplacements, notamment en direction de la capitale, lieu du pouvoir, centre des décisions ; j’imagine de manière caricaturale que des responsables régionaux intéressés par l’écologie et le développement durable devraient aller très souvent voir le super ministre dans la capitale (en avion ?)

Je pense que la baisse nécessaire de consommation des ressources naturelles devra se faire par une diminution des déplacements rapides et donc relocalisation de l’économie ce qui entraînerait une véritable décentralisation des pouvoirs et une très forte responsabilisation locale. Je cite très souvent l’exemple de l’université Paul Sabatier comme symbole du gaspillage des ressources, opposé au développement durable ou à une démarche écologique, il me semble qu’implicitement les autorités universitaires attendent de l’État de subvenir aux besoins toujours croissants d’énergie, d’eau etc., sans volonté de modifier le comportement de l’établissement. L’université est un établissement démocratique, les conseils dont représentatifs des personnels et des étudiants, le président est élu par ces conseils. L’attitude du président actuel de l’université en ce qui concerne les déplacements et plus particulièrement la LMSE me semble totalement opposé à une conception écologique des déplacements, mais à sa décharge il faut reconaître que les questions écologiques ont toujours été totalement absentes des débats politiques universitaires. Pourtant l’écologie est une discipline universitaire et de très nombreux scientifiques travaillent sur des sujets ayant un rapport direct avec les énergies renouvables, les techniques d’habitat, le réchauffement climatique, etc...)

On peut légitimement se plaindre que le pacte écologique soit mis de côté par les candidats à l’élection présidentielle, mais cela ne doit pas être une excuse pour tolérer des comportements "anti écologiques" de la part des municipalités, agglomérations, départements, établissements, institutions... Les projets toulousains de second aéroport et de grand contournement me semblent fondés sur une croissance très importantes des déplacements en voiture et avion et donc d’émission de gaz à effet de serre, je crains que les échéances politiques nationales (présidentielles, législatives) ne changeront rien aux projets des potentats locaux, ni aux comportements des habitants de l’agglomération.

Les débats politiques actuels en France tendent à privéligier les problèmes urgents, immédiats, la justification pourrait venir de la brièveté des mandats électoraux, les enjeux écologiques sont à plus long terme que les mesures économiques ou financières. Les modifications des comportements pour diminuer l’émission des gaz à effets de serre ou diminuer la pollution auront des effets assez lointains et concernent les prochaines générations. De même les enjeux écologiques concernent ce que l’on nomme la nature, la faune, la flore etc. et les systèmes politiques tendent à privilégier les intérêts de la seule espèce humaine. La prise en compte des questions écologiques semble nécessiter une réflexion à plus long terme et plus large que les questions aux profit desquelles l’écologie disparait.

Dans un entretien récent Jean-Marc Jancovici a dit, en parlant du réchauffement climatique : « Au bout du compte, ce sont les lois physiques qui l’emporteront, pas les lois économiques ». Cette phrase anecdotique me parait intéressante, je pense que la quasi totalité du personnel politique français ne connait rien ou pas grand chose aux lois physiques, ni même aux sciences naturelles. De très nombreux politiciens sont passés par des études juridiques, économiques, ou bien évidemment les sciences politiques et l’École Nationale d’Administration (ENA), c’est à dire des filières dans lesquelles les sciences physiques et naturelles ne sont pas enseignées or la compréhension des problèmes écologiques nécessite, à mon avis, un bagage scientifique. Attention cela ne veut surtout pas dire que la possession d’un bagage scientifique soit suffisante, les propos de Claude Allègre sur le réchauffement climatique me semble aussi peu fondés que ses prises de position, que je trouve totalement aberrantes, concernant les mathématiques. La mauvaise connaissance des sciences n’est pas le seul fait des politiciens, elle concerne aussi les journalistes et l’ensemble de la société, il est par exemple très fréquent d’entendre vanter l’utilisation de l’hydrogène comme carburant pour éviter l’émission de gaz à effet de serre, alors qu’il faut extraire l’hydrogène et que cela nécessite beaucoup d’énergie. Sur internet on peut aussi trouver des sources d’énergie miraculeuses mais sans justifications scientifiques sérieuses.

En résumé je pense qu’il faut éviter de stigmatiser les candidats aux élections, ils sont, à mon avis, le reflet pas trop déformé, de la population française. Une prise en compte sérieuse des questions écologiques nécessite des actions individuelles et collectives à divers niveaux. Une critique des seuls politiciens est une manière d’évacuer toutes les responsabilités y compris les individuelles.