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  Y-a t-il des guerres de religions ?

lundi 14 avril 2003, par François-Xavier Barandiaran

Y-a t-il des guerres de religions ?

L’invasion de l’Irak par les troupes anglo-américaines peut-elle être assimilée à une nouvelle croisade ? Si on s’en tient aux appels au combat de Bush et de Saddam, on pourrait le penser : des deux côtés on proclame "Dieu est avec nous" ! La lutte du Bien contre le Mal, pour la garde rapprochée du Président américain, l’appel au "jihad" pour le Raïs irakien !.

Les deux parties recouvrent leur langage guerrier de mots qui, l’espèrent-ils, trouveront une résonance chez beaucoup de ceux qui les reçoivent. Il est vrai que dans le monde arabe nombreux sont ceux qui considèrent américains et britanniques comme la réincarnation des croisés du Moyen Age. Dans le camp d’en face, à travers la religiosité qui caractérise la société américaine, l’idée d’être une sorte de nouveau "peuple élu", qui doit marquer la route au monde entier, vient confirmer le messianisme dont le modèle américain (american way of life) se sent porteur.

C’est à ce niveau qu’on doit trouver la confluence entre le populisme religieux de Bush, le fondamentalisme d’une minorité de bigots protestants, ses conseillers, et le puissant lobby sioniste.

Au nom d’une lecture littéraliste de la Bible, et en particulier du livre de l’Apocalypse, certains vont court-circuiter l’Histoire, en faisant du retour du Messie à la fin des temps, annoncé par l’Ancien et le Nouveau Testament, la clé de justification de l’État d’Israël, qui doit aller jusqu’au bout de son accomplissement expansionniste, et le fondement de leur lutte haineuse contre la civilisation musulmane.

Si, depuis la chute du communisme, certains idéologues (essentiellement aux U.S.A.) ont désigné l’Islam comme le nouvel ennemi, une analyse exigeante (économique, sociologique, anthropologique, historique, etc…) des tenants et aboutissants de ce conflit nous amènera à ne pas succomber aux sornettes de ceux qui affirment qu’il s’agit d’une guerre de civilisations étroitement identifiées aux deux religions : le christianisme et l’islam.

Sans doute, à travers les siècles, l’attitude des croyants (catholiques, protestants...et musulmans) n’a pas respecté de façon exemplaire la phrase de l’Évangile : "Donnez à César ce qui est à César, et à Dieu, ce qui est à Dieu"

Sans doute, aussi, la prétention exclusive des trois monothéismes abrahamiques à détenir la vérité sur Dieu maintient des braises permanentes de possibles incendies à venir.

Mais, aujourd’hui, devant l’invasion illégitime de l’Irak, la presque unanimité des confessions chrétiennes : le Vatican, le Conseil Œcuménique des Églises (Genève), la Communion Anglicane (Londres) et, même, le Conseil National des Églises aux États Unis, sont unanimes dans le rejet de cette guerre, ce qui montre, à l’envi, que pour eux il ne s’agit pas d’un conflit religieux.

Néanmoins, la dimension religieuse et civilisationnelle du conflit ne peut pas être exclue, avec toutes les empreintes et les pesanteurs de l’Histoire : depuis la "Reconquista" en Espagne, les croisades du XIè.- XIIIè.s., la menace séculaire de l’empire turco-ottoman... jusqu’à la colonisation des deux siècles derniers.

Oui, je voudrais croire, sans l’ombre d’un doute !, le romancier égyptien Gamal Ghitany, quand il répond au journaliste de Télérama « :...la fameuse "rue arabe" qui effraie tant l’Occident, sait qu’il ne s’agit pas d’une guerre de religion...cette guerre est celle d’un impérialisme contre un monde dont il ignore tout »

Devant la complexité faisons oeuvre de lucidité intellectuelle.

François Xavier Barandiaran