Le Café Politique

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  • Rubrique
  •   N90 Emploi : penser global, agir local

    Lundi 26 janvier 20h45

    Centre Culturel / Centre de loisirs des Mourlingues Balma

    Invité : Pierre Cohen

    Président du Groupe Socialiste à la Mairie de Toulouse, chargé de mission sur la coordination régions-métropoles

    La question de l’emploi revient régulièrement sur la scène médiatique au moment de la publication du nombre de demandeurs d’emploi. Ces chiffres ne disent rien sur la dégradation de la qualité des emplois, sur l’augmentation du pourcentage de CDD, ni sur la stagnation des salaires, mais ils en disent assez pour inquiéter la société. Des politiques spécifiques, notamment la création d’emplois aidés, peuvent influer directement sur le nombre de demandeurs d’emploi, mais sur le fond cela revient à s’interroger sur notre stratégie économique et donc sur nos choix politiques. La crise économique commencée en 2008 et qui avait été au début analysée comme une phase pénible, mais transitoire d’un cycle économique classique, s’installe dans la durée. L’austérité augmente le chômage et la relance keynésienne accentue la dette. Il faut cependant noter que l’essentiel de la dette accumulée ces dernières années n’est pas associé à de l’investissement, mais au dérèglement profond de notre système économique.

    La finitude de la planète remet en cause la validité de l’axiome implicite de la société de marché, qui postule une croissance sans limite des capacités de production des biens de consommations. Les inquiétantes évolutions environnementales et climatiques interrogent aussi fortement la cohérence de notre modèle économique. Le modèle optimiste proposé par Jeremy Rifkin d’une économie verte soutenue par les nouvelles potentialités offertes par le numérique ne semble pas facile à mettre en place. La numérisation du monde et sa conséquence la robotisation semblent effectivement capables de fournir nombre de nouveaux services, mais avec moins d’emplois. Les circuits courts, la transition énergétique et d’autres innovations sociales positives créeront des emplois, mais en supprimeront d’autres. La financiarisation de l’économie et la globalisation des marchés, qui entraînent une concurrence féroce, mettent l’Europe en difficulté. Faute d’harmonisation sociale et fiscale, la zone euro est structurée pour réagir en exacerbant la compétition entre les États, ce qui favorise ceux qui ont gardé un système productif performant, mais qui met en grande difficulté les États dont les principales ressources sont dans l’économie résidentielle.

    Le politique doit prendre des mesures avec des effets de court terme permettant de redonner rapidement confiance aux pays, mais il doit aussi s’engager dans une voie qui tienne sérieusement compte des enjeux de long terme. L’organisation politique de notre société dans le contexte européen ne nous donne pas beaucoup de marges de manœuvre. Le credo ultralibéral en la toute-puissance d’autorégulation du marché de l’emploi conduit certains à proposer la baisse des salaires et l’affaiblissement de la protection des salariés pour améliorer la compétitivité de nos entreprises et résister à la concurrence des pays émergents. Même si certains ajustements sont nécessaires, cela n’est certainement pas la solution optimale pour enrayer le déclin de notre secteur productif, l’espoir se trouve plutôt dans la montée en gamme de nos services et de nos produits manufacturés. Vendre notre économie résidentielle aux chinois, ce qui permet de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État, n’est certainement pas sur le long terme un bon choix et ne peut qu’encourager les mauvais réflexes nationalistes. Heureusement que l’accompagnement des entreprises par la puissance publique, la formation initiale, la formation continue ainsi que le soutien à l’innovation et aux chômeurs peuvent, en cette période de profondes mutations technologiques, être sensiblement améliorés.

    L’État par la mise en place de la réforme territoriale semble vouloir donner au tandem métropole/région un rôle économique bien plus important. Peut-être que le local, qui est sensible à la qualité de vie et qui a intérêt à défendre la productivité du territoire, sera plus apte à développer les nouvelles formes d’économies collaboratives, tout en s’adaptant aux contraintes environnementales. Les débats sur l’emploi tournent souvent autour de la métaphore du gâteau à partager et à agrandir. Celui que le libéralisme productiviste nous propose de consommer est un peu indigeste, l’heure est peut-être venue d’interroger aussi la recette du gâteau...