Le Café Politique

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   L’écologie dans la politique

vendredi 23 février 2007, par Olivier Dirat

Le dernier rapport du GIEC, le groupement hétéroclite mais assez honnête de scientifiques étudiant le climat, vient faire taire les voix des derniers sceptiques quant au réchauffement dramatique de la Terre, ses causes humaines et ses effets dévastateurs. Il est maintenant admis que nous sommes dans une phase de réchauffement climatique et que nous allons le vivre à l’échelle d’une vie d’humain. Les seules occasions pour lesquelles la Terre a connu ce genre d’évènement a été lors de cataclysmes naturels. Ce constat est maintenant sans appel et seules la gravité et la vitesse de dégradation des conditions de vie sont encore discutées. Si vous demandez à n’importe lequel de vos amis, de vos parents ou de vos collègues, tout le monde est conscient du problème et quelques- uns agissent déjà pour réduire leur consommation. Certains vont très loin, d’autres ne bougent pas, mais tout le monde constate la gravité de la situation. Tous ? Non. La classe politique dominante en France (et aussi dans beaucoup de pays du Nord et du Sud) ne semble pas consciente que les enjeux nécessitent autre chose que du verbiage et des vœux pieux. Il est impossible, à mon sens, de ne pas être conscient de ça. Il y’a donc autre chose en jeux. Plusieurs problèmes majeurs semblent se poser : le réchauffement, dû à la consommation de matière fossile, pour les déplacements, le chauffage, les constructions, l’industrie et l’agriculture ; la pollution des réserves d’eau douce et leur raréfaction, la pollution de l’air et de la Terre, que ce soit par les pesticides ou les hydrocarbures, et la pollution génétique. Tous ces problèmes sont extrêmement liés, c’est une évidence, et ils sont liés car ils viennent directement de notre façon de vivre et de l’organisation de ce que l’on appelle malproprement l’économie. Avant d’aller plus loin, je dois dire que je pense que les conséquences de ces dérèglements vont très vite peser énormément sur le climat, sur les ressources en eau et en terre arable et que, même avec des mesures très strictes, il y aura forcément beaucoup de temps passé avant que les mesures prises parviennent à enrayer le problème et encore beaucoup de temps avant d’espérer revenir à un équilibre. Je précise, car c’est la conscience, juste ou fausse, du danger qui oriente ma façon de voir les choses. Je pense qu’il faut aller très loin, très vite. Et par là même, les « mesurettes », les accommodements et les vœux pieux sont pour moi complètement en dehors de la réalité. Pourquoi ne fait-on rien ? La question revient souvent. Mais on fait des choses ! Les gens, par exemple, se mobilisent pour être consultés pour l’utilisation d’OGM. L’Etat français fait le sourd, punit les récalcitrants et légifère par décret sur les OGM, contre l’avis de la très large majorité des Français qui désirent plus de recul sur cette technologie très inquiétante et qui semble apporter très peu, voire rien du tout, ni aux agriculteurs, ni aux commerçants, ni aux gens qui mangent ces légumes ou céréales. Alors que la France soutient la Hongrie face à la Commission Européenne lui imposant de retirer son moratoire contre la culture d’OGM, elle emprisonne des militants anti-OGM qui ont piétiné trois plants. Alors qu’elle se fait le chantre de la mal bouffe, elle ne soutient pas la Belgique lorsque celle-ci essaie vaillamment de résister à la déréglementation de la filière Bio en Europe. La pollution de l’eau et de la terre. Celle-ci vient principalement de l’agriculture intensive et de l’utilisation massive qui va avec de produits très nocifs, qui se retrouvent dans la nourriture ou dans la terre et l’eau. La France se bat bec et ongles pour que rien ne change dans la production intensive, elle ne favorise pas l’agriculture biologique, et promeut les OGM, alors que ceux-ci risquent d’annihiler la filière biologique par contamination génétique. La pêche. Les réserves de poisson sont dramatiquement basses et des espèces que l’ont pensait inépuisables sont en passe d’être éteintes, voire éteintes, (le cabillaud de la mer du nord, le thon rouge, etc…). La France ne veut pas des quotas, voulant préserver l’emploi des pêcheurs, ce qui est tout à fait louable, permettant ainsi à la sur-pêche de vider les océans. Il ne faut certes pas interdire la pêche et mettre au chômage des dizaines de milliers de personnes, mais attendre qu’il n’y ait plus de poissons avant d’agir est suicidaire. L’organisme (ICCAT), qui avait mis en place une réduction de quotas pour le thon rouge, a été déjugé. Le quota pour cette année sera de 32400 tonnes contre 32000 tonnes l’an dernier. Bel effort ! En entend-on parler ? Les transports routiers. La France n’a pas du tout aidé le ferroutage à se développer, lui mettant même des bâtons dans les roues, le diesel coûte encore bien moins cher que l’essence, alors qu’il pollue plus, et de nouvelles routes et autoroutes sont construites tous les jours. Nous annonçons comme une catastrophe quand Renault construit moins de voitures (cela l’est pour les employés de Renault, bien sûr). L’Etat Français pourrait développer la gratuité des transports en commun, taxer les grosses voitures, limiter le transport par camion, aider les initiatives locales permettant de limiter les transports, etc… La construction en France, depuis quelque temps, ce sont les maisons individuelles destinées aux couples aisés qui sont le plus fréquemment construites avec des grandes quantités de matériaux très polluants (il faut savoir que la construction est parmi les industries l’une des plus, voire la plus polluante pour le dégagement de CO2). A la marge, l’État va vaguement aider, si nous décidons de faire installer par un professionnel une chaudière solaire (ce qui est bien, mais est- ce suffisant ?). Les polémiques autour des logements sociaux sont une chose, les chiffres montrent que ceux-ci constituent une part de plus en plus petite des nouvelles constructions. Mais le sujet est à l’écologie, restons donc dans celui-ci, pour l’instant du moins ! Le nucléaire. L’Allemagne, notre cher voisin qui a tant de choses à nous apprendre, se retire du nucléaire et nous sommes incapables de le faire. Une mythologie existe autour du nucléaire et, quand on entend une ministre de l’écologie dire que c’est la source d’énergie la moins polluante, on comprend pourquoi on ne risque pas d’en sortir. Une énergie qui nous a coûté une fortune par l’investissement en recherche publique, qui a entraîné une catastrophe majeure et qui, de plus, n’est pas du tout exportable comme solution au problème du réchauffement et qui va obliger des centaines de générations à gérer des déchets extrêmement dangereux, devrait au moins faire l’objet d’une discussion, d’une information et pourquoi pas d’un consensus ! Ça paraît être, quand même, le minimum ! La France est l’un des plus mauvais élèves de l’Europe sur les énergies renouvelables. Et si l’on sort du calcul l’énergie hydro-électrique, mal entretenue par ailleurs, on est carrément des nuls. Les investissements sont négligeables et les problèmes toujours repoussés au lendemain. Ce ne sont que des exemples de l’inaction globale de l’État Français sur des problèmes bien précis. Les explications, lorsqu’elles sont données, sont toujours un retranchement vers l’impossibilité de réduire la pollution sans risquer de réduire à néant l’économie de la France, ses emplois, sa sécurité et ainsi de suite. Pour les problèmes pratiques, le coût est souvent mis en avant pour refuser l’action. Soit le coût direct de l’investissement, soit les coûts résultants de l’action (taxer, par exemple, une entreprise polluante va risquer de l’affaiblir face à ses concurrents et provoquer des licenciements). Mais pour des exemples comme la culture d’OGM, il est évident que le coût n’est pas la motivation ni les risques de décrochage économique. Un paramètre qui n’est pas anodin est sur ce sujet très clair : les désirs et besoins d’une industrie libéralisée sont parfois contradictoires avec l’intérêt général. Le « lobbying » est souvent plus puissant que la peur de décevoir ses administrés, et beaucoup plus puissant que l’envie de suivre l’intérêt général. Nous pouvons arriver légitimement à la conclusion que les politiques ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Est-ce parce que nos institutions sont mauvaises, est-ce parce que les professionnels de la politique sont des hommes et des femmes différents de nous et indignes de nous diriger ? Je ne le crois pas. Je pense que si les politiques n’agissent pas plus, c’est qu’ils sont comme chacun de nous, convaincus du bien-fondé des problèmes mais inconscients de la gravité de ceux-ci. Et comme nous, ils atermoient, se trouvent des excuses, tergiversent, agissent à reculons et se sentent démunis face à des processus qui semblent irrépressibles (économiques notamment). Ils se sentent démunis face à l’incroyable force de l’argent et de ses possesseurs, ils se sentent démunis face à l’immensité de la tâche et se replient sur ce qu’ils savent faire : gérer bien ou mal et se faire élire. Ils se désintéressent du fond du problème, ne se sentant pas assez forts pour essayer de changer la trajectoire de ce paquebot qui fonce dans un iceberg. Je pense que la responsabilité de l’échec de la politique sur l’environnement tient à notre propre schizophrénie. Nous voulons à la fois l’écran plasma et l’eau pure. Nous voulons les prix pas chers et la qualité, nous voulons partir en vacances en Asie et de la neige dans les Pyrénées. Nous voulons tout et son contraire, tout simplement. Si nous étions moins infantiles, les politiciens le seraient moins. Si nous étions plus responsables, les politiciens le seraient aussi, si nous remettions en cause l’économie libérale par nos actes, les politiciens le feraient aussi. Si maintenant nous regardons les priorités des candidats à l’élection présidentielle, nous voyons que l’écologie reste une option, un plus, une obligation gestuelle, mais n’est pas au cœur de la gestion des problèmes. Les Verts sont maintenant totalement incapables d’agir au niveau politique, immobilisés par la « coalition » de gauche qui les a emmenés au pouvoir (et où, d’ailleurs, ils ont très peu pesé par choix ou obligation sur la prise en compte de l’environnement dans les choix politiques de Jospin). La gauche de la gauche semble intéressée par l’écologie mais les problèmes de chômage, de logement des plus démunis et la lutte contre le libéralisme économique sont considérés comme plus importants. Mais il y’a un progrès notable, car le mode de vie qui provoque le chômage provoque aussi l’agression de l’environnement (à mon avis, mais il n’est pas partagé par tout le monde !). La droite de la droite ne parle pas d’environnement à ma connaissance, mais je n’ai pas lu leur programme, je dois avouer. Maintenant, les deux candidats qui sont présentés par les médias comme ayant le plus de chances (Royal et Sarkozy) ne semblent intéressés par l’environnement que par calcul. Nous pouvons douter de leur bonne foi pour deux raisons : ce n’est pas dans leur culture et quand leur parti ou eux mêmes pouvaient (ou peuvent) agir, cela donne ce dont j’ai parlé au début : au mieux rien, au pire, des bâtons dans les roues. Pour résumer, je dirais que tant que l’écologie ne sera pas un paramètre obligatoire dans chaque choix politique, nous resteront bien en deçà des enjeux. Deuxièmement : tant que les gens attendront que les politiciens soient meilleurs qu’eux, tant que les gens ne prendront pas conscience de leur pouvoir et leur devoir face à ce problème, il ne se passera rien ou pas grand-chose au niveau politique. Posez-vous de la question : qu’est ce que dans mon mode de vie je peux changer pour améliorer les choses ?