Le Café Politique

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  • Rubrique
  •   I71 Europe : le temps des désillusions.

    Lundi 28 novembre 20h45

    Salle de réception du stade de Balma

    Invité : Nicolas Piluso

    Maître de conférences en économie à Toulouse III, chercheur au CERTOP

    Centre d’Étude et de Recherche Travail Organisation Pouvoir

    L’euro n’a pas coulé ce 26 octobre 2011, un non évènement paraît-il historique. L’Union Européenne, avec l’effacement des frontières entre 27 pays et avec un bon travail normatif qui a facilité les échanges économiques, n’a pas totalement démérité, mais force est de constater qu’elle n’a pas digéré la crise économique qui a débuté en 2008 aux États-Unis. Au départ cette crise semblait ne concerner que la dette privée des américains et le secteur bancaire. L’interventionnisme des États, motivés par la volonté d’éviter la récession, a augmenté de manière considérable la dette publique de la plupart des pays européens. Les plus mal gérés se sont retrouvés rapidement dans l’incapacité d’emprunter sur les marchés financiers avec des taux d’intérêts raisonnables. L’Europe qui devait nous protéger s’est trouvée paralysée par ses règles de fonctionnement et par sa totale dépendance des marchés financiers. La seule solution trouvée a donc été de demander aux pays en difficulté, notamment la Grèce, de pratiquer une cure drastique d’austérité. Loin des résultats escomptés cela a eu pour effet d’accentuer dans ces pays la récession économique, rendant la situation sociale et politique quasiment ingérable.

    Les anti-européens de toujours pensent qu’il est temps d’en finir avec l’euro et les pertes successives de souveraineté, qui empêchent les États de réagir correctement face aux difficultés. Les plus optimistes voient dans la situation actuelle l’opportunité de raffermir le projet européen. Plutôt que la soumission actuelle face aux marchés, le meilleur moyen pour sortir de la spirale infernale de l’endettement semble bien d’accepter des transferts de souveraineté au profit d’institutions européennes démocratiques. Il faut au préalable pointer l’erreur historique de ceux qui ont cru naïvement que l’algorithme de la main invisible du marché, la fameuse "concurrence libre et non faussée", serait une gouvernance suffisante. Ce sont d’ailleurs les mêmes qui voulaient, soi-disant par générosité, intégrer un maximum de pays, sans trop se préoccuper des différences économiques, politiques et sociales.

    L’heure n’est plus à l’auto satisfaction. Les structures de l’Europe inspirées de l’idéologie néolibérale ne sont pas adaptées. Le traité de Lisbonne, version light du projet de traité constitutionnel, que la France avait rejeté en 2005, n’a pas donné à l’Europe la possibilité de faire une politique économique cohérente. L’harmonisation fiscale n’a même pas été envisagée comme possible, car contraire au dogme du "progrès par la compétition". Les responsables politiques européens, plus soucieux de leur potentielle réélection que de l’intérêt général, persistent et signent et se contentent de réagir a minima pour éviter une cascade de faillites. Alors que le pourcentage d’européens en dessous du seuil de pauvreté ne cesse d’augmenter, ils demandent aux États membres de serrer encore plus la vis aux classes moyennes. Dans le même temps pourtant, l’envie de construire une Europe sociale commence à émerger. La solidarité n’est pas, comme elle est trop souvent présentée, un coût, elle est surtout une garantie de pouvoir affronter efficacement les difficultés, de quoi rassurer les marchés, contrairement au "dumping social" actuel. Il est à noter que les 17 pays de la zone euro prennent conscience de l’obligation d’harmoniser les politiques économiques et fiscales, possible création d’un premier cercle plus fortement solidaire au sein de l’Union.

    A divers degrés tous les pays de l’Europe ont des raisons d’être inquiets. L’Europe du Sud a trop axé son économie sur l’immobilier et le tourisme, certains pays du nord ont trop compté sur les plus-values générées par la finance et beaucoup d’entreprises européennes jusque là florissantes ont des difficultés à rester dans le peloton de tête de l’innovation ou à rester compétitives face aux pays émergents. C’est la rigueur budgétaire qui a permis à certains pays, comme l’Allemagne, de bien supporter la crise et non la capacité à mettre en place une économie durable et performante. L’Europe contrairement à ses objectifs n’a pas été capable d’affronter efficacement les grands défis du moment : l’énergie, le climat, la justice sociale, la concurrence des pays émergents.

    S’il est normal de prendre des mesures d’urgence pour éviter la faillite de certains États ou l’effondrement du système bancaire, il est important de préparer en profondeur un changement de cap pour que l’Europe ne soit pas une utopie de plus dans les déjà bien pleines poubelles de l’histoire. Pour nous aider dans notre réflexion nous avons invité un jeune chercheur en économie Nicolas Piluso.